L’univers sombre de la Criminelle suédoise
Dès les premières pages du « Fardeau du passé », Hjorth et Rosenfeldt replongent leurs lecteurs dans l’atmosphère suffocante de la Criminelle suédoise, cette unité d’élite fragilisée par les révélations explosives autour de Billy Rosén. L’institution policière vacille sous le poids des scandales, et les auteurs peignent avec minutie cette déliquescence morale qui gangrène l’appareil judiciaire. La confiance s’est évaporée, remplacée par une méfiance corrosive où chaque geste, chaque décision devient sujet à interrogation. Cette crise institutionnelle forme la toile de fond d’un récit où l’autorité publique se trouve confrontée à ses propres démons.
L’équipe de Vanja Lithner évolue dans un environnement professionnel devenu toxique, où la pression médiatique et politique transforme chaque enquête en épreuve de survie. Les couloirs de l’hôtel de police de Kungsholmen résonnent des murmures et des non-dits, tandis que Rosmarie Fredriksson manœuvre dans l’ombre pour préserver sa position. Cette atmosphère de paranoia institutionnelle trouve son écho dans les relations tendues entre les protagonistes, où la loyauté professionnelle se heurte aux ambitions personnelles et aux blessures du passé.
La géographie stockholmoise devient le théâtre de cette désagrégation sociale, des quartiers huppés d’Östermalm aux banlieues oubliées de Rågsved. Les lieux choisis par les auteurs – l’élevage porcin de Västerås, le dépôt de bus de Tomteboda – incarnent cette société suédoise contemporaine où la violence surgit dans l’ordinaire le plus banal. Cette cartographie du mal dessine une Suède en mutation, loin de l’image policée qu’elle projette traditionnellement.
À travers cette fresque institutionnelle, le duo d’auteurs interroge les mécanismes du pouvoir et leurs dérives. La machine policière, censée protéger la société, révèle ses failles structurelles et humaines. Cette réflexion sur la corruption des institutions dépasse le simple cadre du polar pour toucher aux questions fondamentales de l’exercice de l’autorité dans les démocraties occidentales. L’univers de la Criminelle devient ainsi le miroir déformant d’une société qui peine à faire face à ses contradictions.
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Sebastian Bergman face à ses démons
Le personnage de Sebastian Bergman traverse dans ce nouvel opus une période de remise en question profonde qui révèle toute la complexité psychologique du profileur. Hanté par ses erreurs passées et la culpabilité qui le ronge depuis l’affaire Billy Rosén, il oscille entre tentatives de rédemption et rechutes dans ses anciens travers. Cette dualité permanente confère une profondeur remarquable au protagoniste, loin des héros lisses du genre policier. Les auteurs explorent avec finesse les mécanismes de la culpabilité et du regret, transformant Sebastian en miroir brisé de nos propres failles humaines.
L’intrigue personnelle du psychologue s’entremêle habilement avec l’enquête criminelle, créant un jeu de correspondances troublant entre ses propres tourments et les crimes qu’il doit élucider. Sa relation complexe avec Vanja, oscillant entre affection paternelle et respect professionnel, illustre sa quête d’équilibre entre vie privée et engagement public. Les flashbacks qui jalonnent le récit, notamment celui du tsunami de 2004, ancrent sa souffrance dans une tragédie universelle qui dépasse le cadre individuel. Cette dimension traumatique donne une résonance particulière à ses interactions avec les autres personnages, marquées par une empathie douloureuse née de l’expérience du deuil.
Hjorth et Rosenfeldt parviennent à maintenir Sebastian dans une zone d’ambiguïté morale qui le rend profondément humain sans pour autant l’excuser. Ses tentations, ses rechutes et ses efforts pour se racheter dessinent le portrait d’un homme imparfait mais authentique. Cette approche nuancée évite l’écueil du manichéisme tout en questionnant les notions de pardon et de seconde chance. Le personnage devient ainsi le véhicule d’une réflexion plus large sur la possibilité de transformation personnelle face aux épreuves de l’existence.
L’évolution du profileur dans ce volume témoigne de la maturité narrative des auteurs, capables de faire évoluer leur création sur plusieurs tomes sans la transformer en caricature. Sebastian demeure imprévisible, capable du meilleur comme du pire, ce qui maintient une tension dramatique constante autour de ses choix et de ses actes. Cette incertitude quant à ses réactions futures participe pleinement à la dynamique du récit et renforce l’attachement du lecteur à ce personnage complexe et faillible.
Une intrigue construite autour des secrets du passé
L’architecture narrative du « Fardeau du passé » repose sur un principe de stratification temporelle où chaque révélation du présent trouve ses racines dans des événements enfouis. Les auteurs tissent méticuleusement les liens entre les crimes actuels et les blessures anciennes, créant un réseau de correspondances qui transforme l’enquête en archéologie du mal. Cette approche confère une densité particulière au récit, où chaque indice déterré révèle non seulement la vérité du moment mais aussi les cicatrices laissées par le temps. La temporalité devient ainsi un personnage à part entière, omnipréente et implacable.
Le choix des victimes obéit à une logique implacable qui puise dans l’histoire personnelle de Sebastian, révélant progressivement l’étendue des dommages collatéraux causés par ses actions passées. Susanne Nordmark, rejetée par sa famille après une simple fête d’adolescents, et Håkan Persson Riddarstolpe, humilié publiquement lors d’une expertise ratée, incarnent ces existences brisées par des événements en apparence anodins. Cette mécanique narrative souligne avec pertinence la façon dont les gestes du quotidien peuvent générer des traumatismes durables, créant des ondulations destructrices à travers les décennies.
La construction en miroir entre les affaires anciennes et contemporaines révèle le savoir-faire des auteurs dans l’art de la réminiscence criminelle. Les références à l’enquête Wahlgren de 1993 ne relèvent pas du simple clin d’œil aux lecteurs fidèles mais participent pleinement à l’élaboration du mystère présent. Cette technique de l’écho temporel enrichit la texture narrative tout en démontrant que certaines blessures ne cicatrisent jamais vraiment. Le passé devient ainsi une force active qui sculpte le présent avec une précision chirurgicale.
L’habileté du duo d’auteurs réside dans leur capacité à doser les révélations sans jamais céder à la facilité de l’exposition directe. Les secrets s’dévoilent par fragments, obligeant le lecteur à reconstituer lui-même la mosaïque des événements passés. Cette approche participative transforme la lecture en enquête parallèle où chaque détail prend une importance cruciale. Toutefois, cette complexité temporelle exige du lecteur une attention soutenue qui peut parfois ralentir le rythme de certains passages, témoignant des défis inhérents à cette ambition narrative.
L’art du suspense psychologique
Hjorth et Rosenfeldt maîtrisent avec brio les ressorts de la tension psychologique, transformant chaque interaction en potentiel piège narratif. Le suspense ne naît pas uniquement de la course contre la montre traditionnelle du polar, mais de l’incertitude permanente qui plane sur les motivations et les réactions des personnages. Cette approche sophistiquée exploite les failles psychologiques de chacun, créant un climat d’inquiétude sourde où le danger peut surgir de n’importe quelle relation humaine. Les auteurs parviennent ainsi à maintenir le lecteur dans un état d’alerte constant, sans recourir aux artifices grossiers du genre.
La construction des scènes d’interrogatoire révèle particulièrement cette expertise dans l’art de la manipulation émotionnelle. Les dialogues entre Sebastian et ses interlocuteurs deviennent des duels verbaux où chaque silence, chaque hésitation prend une dimension dramatique. Cette économie de moyens transforme les conversations les plus banales en moments de haute tension, où les non-dits pèsent autant que les révélations explicites. Le lecteur se trouve ainsi dans la position inconfortable du témoin qui perçoit les sous-entendus sans pouvoir intervenir.
Les auteurs exploitent habilement la connaissance que possède le lecteur du passé tumultueux de Sebastian pour créer des situations d’ironie dramatique particulièrement efficaces. Chaque nouvelle rencontre, chaque personnage émergent du passé génère une appréhension légitime quant aux conséquences possibles. Cette technique narrative transforme l’expérience de lecture en exercice de divination où l’angoisse naît autant de ce qui est dit que de ce qui demeure tu. Le suspense psychologique se nourrit ainsi de la complicité forcée entre lecteur et protagoniste.
Néanmoins, cette sophistication dans le maniement de la tension psychologique exige parfois un investissement émotionnel intense qui peut s’avérer épuisant sur la durée. Certains passages, particulièrement denses en implications psychologiques, demandent une concentration soutenue qui peut momentanément freiner la fluidité de la lecture. Cette exigence témoigne cependant de l’ambition des auteurs qui refusent de sous-estimer l’intelligence de leur lectorat, préférant la complexité à la facilité.
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Les relations complexes entre les personnages
Le tissu relationnel qui unit les protagonistes du « Fardeau du passé » révèle une cartographie émotionnelle d’une richesse remarquable, où chaque lien interpersonnel porte en lui les stigmates d’un passé commun douloureux. La relation père-fille entre Sebastian et Vanja cristallise cette complexité, oscillant perpétuellement entre tendresse maladroite et exaspération professionnelle. Leurs échanges, empreints d’une pudeur toute nordique, laissent transparaître des sentiments profonds que ni l’un ni l’autre n’ose pleinement exprimer. Cette retenue génère une tension dramatique constante qui enrichit chaque scène partagée d’une dimension supplémentaire.
L’amitié brisée entre Sebastian et Ursula constitue l’un des nœuds émotionnels les plus saisissants du récit, témoignant de la capacité des auteurs à explorer les blessures de l’intimité trahie. Leurs interactions, marquées par une froideur calculée et des silences lourds de reproches, dessinent le portrait d’une relation autrefois précieuse désormais empoisonnée par la méfiance. Cette détérioration progressive d’un lien autrefois solide illustre avec justesse la fragilité des rapports humains face aux épreuves. Les tentatives maladroites de réconciliation de Sebastian se heurtent à la rancœur tenace d’Ursula, créant des moments d’une intensité émotionnelle palpable.
L’introduction des nouveaux membres de l’équipe, Gutestam et Hansson, apporte une dynamique relationnelle inédite qui perturbe les équilibres établis. Leurs motivations ambiguës et leur loyauté incertaine instillent un climat de suspicion au sein même du groupe d’enquêteurs. Cette infiltration subtile transforme chaque réunion de travail en exercice de diplomatie où les alliances se dessinent et se défont au gré des révélations. Les auteurs exploitent habilement cette instabilité pour maintenir une tension permanente qui dépasse le cadre strict de l’enquête criminelle.
La galerie de personnages secondaires, de My rongée par le dégoût à Torkel diminué par ses blessures, compose une fresque humaine où chacun porte les cicatrices visibles ou invisibles des événements passés. Ces figures, loin d’être de simples utilités narratives, possèdent leur propre densité psychologique et leurs motivations spécifiques. Toutefois, cette richesse relationnelle exige parfois du lecteur un effort de mémorisation important pour suivre l’évolution de chaque lien interpersonnel, particulièrement lorsque certains personnages réapparaissent après plusieurs volumes d’absence.
Stockholm comme décor d’une enquête moderne
La capitale suédoise déploie dans ce récit ses multiples visages, passant des façades cossues d’Östermalm aux zones industrielles délaissées de la périphérie avec une fluidité qui sert parfaitement la progression de l’intrigue. Hjorth et Rosenfeldt utilisent la géographie stockholmoise non comme un simple arrière-plan décoratif, mais comme un élément narratif actif qui influence directement le déroulement de l’enquête. Les trajets entre les quartiers deviennent des transitions dramatiques, révélant les fractures sociales d’une société apparemment égalitaire. Cette utilisation stratégique de l’espace urbain transforme chaque déplacement en voyage sociologique, où les codes vestimentaires et architecturaux racontent une histoire parallèle à celle du crime.
L’opposition saisissante entre les appartements bourgeois de Vikingagatan et les HLM anonymes de Rågsved matérialise les inégalités que l’enquête met progressivement au jour. Les auteurs évitent l’écueil du misérabilisme facile en peignant ces contrastes avec une précision documentaire qui respecte la dignité de chaque environnement. Cette approche nuancée permet d’explorer les mécanismes de l’exclusion sociale sans tomber dans le cliché, révélant comment la marginalisation peut germer dans les replis les plus inattendus de la société. Les lieux choisis pour les crimes – l’élevage porcin de Västerås, le dépôt de bus de Tomteboda – témoignent d’une connaissance intime des espaces fonctionnels qui structurent la vie moderne.
La modernité technologique de Stockholm se révèle ambivalente, offrant simultanément des outils d’investigation et des moyens de dissimulation. Les caméras de surveillance, omniprésentes mais imparfaites, les applications cryptées et les réseaux sociaux forment un nouveau terrain de jeu pour criminels et enquêteurs. Cette dimension contemporaine du récit ancre fermement l’action dans le présent, évitant la nostalgie parfois stérilisante du polar traditionnel. Les auteurs intègrent naturellement ces éléments technologiques sans verser dans la démonstration gratuite, les utilisant comme révélateurs des nouvelles formes de solitude urbaine.
Cependant, cette richesse géographique et sociologique exige parfois du lecteur non familier de Stockholm un effort d’orientation qui peut momentanément distraire de l’intrigue principale. Les références topographiques précises, bien qu’authentifiant le récit, créent parfois une surcharge informative qui ralentit le rythme narratif. Cette minutie documentaire, qualité indéniable de l’œuvre, révèle néanmoins les défis de l’écriture à quatre mains lorsqu’il s’agit de doser l’exposition géographique sans nuire à la fluidité du récit.
La mécanique narrative du polar nordique
« Le Fardeau du passé » s’inscrit pleinement dans la tradition du polar nordique tout en y apportant des inflexions personnelles qui témoignent de la maturité créative de Hjorth et Rosenfeldt. L’architecture narrative respecte les codes du genre – enquête policière, révélations progressives, dénouement éclairant – mais les enrichit d’une dimension psychologique qui transcende la simple résolution d’énigme. Cette approche hybride permet aux auteurs d’explorer les territoires de l’introspection sans abandonner les exigences du suspense. Le rythme alterné entre moments contemplatifs et séquences d’action crée une respiration narrative qui évite l’écueil de la monotonie tout en préservant l’intensité dramatique.
Le traitement du temps constitue l’une des réussites majeures de cette mécanique narrative, avec une utilisation sophistiquée des analepses qui enrichit la compréhension sans alourdir le récit. Les retours en arrière ne se contentent pas d’apporter des informations factuelles mais participent activement à la construction du mystère présent. Cette temporalité feuilletée, caractéristique du polar nordique contemporain, permet d’explorer les ramifications psychologiques des événements passés tout en maintenant la tension du présent. Les auteurs parviennent ainsi à créer un dialogue permanent entre les différentes strates temporelles du récit.
L’équilibre entre les voix narratives multiples révèle une maîtrise technique remarquable dans la gestion des points de vue. Chaque personnage apporte sa perspective unique sur les événements, créant un kaléidoscope narratif qui enrichit la compréhension globale de l’intrigue. Cette polyphonie contrôlée évite la cacophonie tout en préservant la singularité de chaque voix. Les transitions entre les différents narrateurs s’effectuent avec une fluidité qui témoigne de l’expérience acquise par le duo d’auteurs au fil des volumes précédents.
Toutefois, cette ambition narrative génère parfois une certaine densité qui peut ralentir la progression de l’intrigue principale. Les développements psychologiques, bien qu’enrichissants, créent occasionnellement des digressions qui diluent l’urgence dramatique. Cette tension entre profondeur caractérielle et efficacité narrative constitue l’un des défis permanents du polar nordique moderne, genre qui refuse désormais de sacrifier la complexité humaine à la seule mécanique de l’enquête.
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Un thriller qui interroge la culpabilité et la rédemption
Au cœur de cette intrigue criminelle pulse une réflexion philosophique sur les mécanismes de la culpabilité et les possibilités de rachat personnel. Sebastian Bergman incarne cette quête existentielle, portant le poids de ses erreurs passées comme un fardeau qui influence chacune de ses décisions présentes. Les auteurs explorent avec subtilité la façon dont la conscience morale peut devenir à la fois moteur d’action et paralysie destructrice. Cette dimension introspective transforme le thriller en véritable laboratoire de l’âme humaine, où chaque personnage doit affronter ses propres démons intérieurs.
La structure narrative elle-même épouse cette thématique en révélant progressivement comment des actes apparemment anodins peuvent générer des conséquences dramatiques des décennies plus tard. Les victimes choisies par le meurtrier – Susanne Nordmark et Håkan Persson Riddarstolpe – incarnent ces existences brisées par les ondulations du passé, questionnant la notion de responsabilité individuelle dans un monde d’interactions complexes. Cette approche déterministe soulève des interrogations troublantes sur la part de libre arbitre dans nos destinées respectives, sans jamais sombrer dans le fatalisme.
L’exploration de la rédemption traverse l’ensemble du récit comme un fil conducteur discret mais persistant. Les tentatives de Sebastian pour réparer ses erreurs passées se heurtent à la résistance du réel et à l’irréversibilité de certains dommages. Cette tension entre volonté de changement et inertie des conséquences crée une dynamique narrative particulièrement riche, où l’espoir côtoie perpétuellement le désespoir. Les auteurs évitent soigneusement les solutions faciles et les pardons trop rapides, préservant ainsi l’authenticité psychologique de leurs personnages.
Cette méditation sur la culpabilité et le pardon trouve sa force dans son refus de proposer des réponses définitives aux questions morales soulevées. Les dilemmes éthiques demeurent ouverts, invitant le lecteur à poursuivre la réflexion au-delà de la dernière page. Cette ambiguïté assumée constitue simultanément la richesse et la limite de l’œuvre : si elle évite l’écueil de la morale simpliste, elle peut parfois frustrer les lecteurs en quête de résolutions plus catégoriques. Néanmoins, cette approche nuancée témoigne de la maturité littéraire d’un duo d’auteurs qui refuse de sous-estimer l’intelligence de son lectorat.
Mots-clés : Polar nordique, Suspense psychologique, Culpabilité, Stockholm, Sebastian Bergman, Rédemption, Thriller suédois
Extrait Première Page du livre
» La haine.
Son flot le traversait, le comblait. L’entraînait. Depuis son réveil jusqu’au moment où, épuisé le plus souvent, il s’assoupissait quelques heures d’un sommeil inquiet.
La haine.
Pure et inaltérée.
Il l’avait longtemps portée en lui, depuis ce jour fatal. Avant elle était diluée, parfois même masquée par d’autres sentiments : le chagrin, le désespoir, la colère, l’impuissance.
Plus maintenant. Désormais tout cela avait disparu.
Ne restait plus que la haine.
Il prenait un risque. La nuit de juin était tiède et claire. Le quartier populaire et très fréquenté. Porter la femme inconsciente jusqu’au bord de l’eau puis, une fois morte, la ramener à la voiture, c’était quitte ou double : quelqu’un pouvait surgir à tout moment, le voir, anéantir sa vengeance soigneusement planifiée avant même qu’il n’ait commencé quoi que ce soit.
La femme.
Il avait sincèrement pitié d’elle.
Elle était innocente. Plus encore, elle était elle aussi une victime. Mais il fallait des morts, malheureusement. Il en était vraiment désolé, aurait souhaité de tout son cœur qu’il y ait eu une autre possibilité, une autre voie à emprunter. L’obligation de prendre des vies l’avait fait hésiter, il avait consacré du temps à chercher une alternative, mais il n’y en avait pas. C’était le seul moyen de susciter l’attention dont il avait besoin.
Tuer semblait si facile dans les films. Si l’on en croyait les journaux télévisés ou les podcasts sur les faits divers, tout un chacun était capable d’ôter la vie à quelqu’un.
Tuer n’était pas facile.
Heureusement, la femme était inconsciente et elle n’avait pas lutté quand, chaussé de bottes en caoutchouc, il lui avait maintenu la tête sous l’eau. À peine plus qu’une grosse flaque. Il avait sangloté, mais rien à faire, sa mort était nécessaire. «
- Titre : Fardeau du passé
- Titre original : Skulden man bär
- Auteur : Hjorth & Rosenfeldt
- Éditeur : Actes Sud
- Traduction : Rémi Cassaigne
- Nationalité : Suède
- Date de sortie en France : 2025
- Date de sortie en Suède : 2023
Résumé
Depuis qu’il a été révélé au grand jour qu’un des leurs était un tueur en série, la crise menace de tout emporter au sein de la police criminelle. Vanja Lithner se bat pour sauver son équipe lorsqu’une femme d’une soixantaine d’années est retrouvée assassinée dans une ferme porcine près de Västerås. Tout indique que ce meurtre vise une personne bien précise : Sebastian Bergman. Pendant ce temps, Tim Cunningham, ancien patient de Bergman, est retrouvé mort. Comme Sebastian, Tim a perdu un être cher dans le tsunami de 2004. Mais derrière le drame familial se cachent des zones d’ombre. Que s’est-il réellement passé ce Noël-là, il y a presque vingt ans ? Hjorth & Rosenfeldt frappent à nouveau avec ce dernier opus de leur série phénomène consacrée au profileur Sebastian Bergman.

Je m’appelle Manuel et je suis passionné par les polars depuis une soixantaine d’années, une passion qui ne montre aucun signe d’essoufflement.