Un récit authentique au cœur de la débâcle afghane
« 13 jours, 13 nuits dans l’enfer de Kaboul » nous plonge dans une réalité brute et sans filtre de la chute de Kaboul en août 2021. Mohamed Bida, commandant divisionnaire de police et attaché de sécurité intérieure adjoint à l’ambassade de France en Afghanistan, livre un témoignage poignant et authentique des événements dramatiques qui ont marqué la fin de la présence occidentale dans le pays.
Avec une précision chirurgicale, l’auteur décrit l’atmosphère suffocante qui règne dans la capitale afghane lorsque les talibans s’emparent du pouvoir. La panique des habitants, l’effondrement des structures gouvernementales et l’afflux massif de réfugiés vers l’ambassade de France sont dépeints avec une sincérité troublante qui nous transporte au cœur même de cette crise humanitaire.
Le récit se distingue par son regard lucide et nuancé sur les différents acteurs de cette tragédie. Bida ne cède jamais à la simplification, offrant au contraire une analyse fine des motivations et comportements des talibans, des diplomates, des forces de sécurité et des Afghans ordinaires pris dans cette tourmente historique. Cette complexité rend compte fidèlement du chaos politique qui caractérisait l’Afghanistan à ce moment critique.
L’ouvrage révèle également les coulisses des opérations d’évacuation, mettant en lumière l’improvisation nécessaire face à une situation qui échappait à tous les scénarios prévus. Le lecteur découvre comment des décisions cruciales ont dû être prises dans l’urgence, souvent avec des informations parcellaires et des moyens limités, illustrant la réalité du terrain bien éloignée des plans stratégiques élaborés à distance.
Ce témoignage constitue un document historique précieux qui dépasse le simple récit d’action. À travers ses observations détaillées et ses analyses contextuelles, Bida nous offre une compréhension approfondie des enjeux géopolitiques, culturels et humains qui sous-tendaient cette crise internationale majeure.
L’immédiateté du récit, écrit dans un style direct et sans artifices rhétoriques, confère à l’ouvrage une puissance évocatrice rare. En partageant son expérience personnelle au cœur de ce chaos organisé, Mohamed Bida permet au lecteur de saisir l’ampleur du drame qui s’est joué à Kaboul durant ces treize journées décisives qui ont changé le destin de milliers de personnes et réécrit l’histoire contemporaine afghane.
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Mohamed Bida : parcours et expertise d’un commandant de police en Afghanistan
Le parcours de Mohamed Bida, tel qu’il transparaît dans son récit, est celui d’un homme forgé par l’expérience et les défis. Fils d’un ancien militaire harki installé dans le nord de la France après l’indépendance algérienne, Bida a grandi entre deux cultures, apprenant très tôt à naviguer entre différents univers et à faire face aux préjugés. Cette dualité culturelle, qu’il évoque avec sensibilité dans certains passages autobiographiques, lui confère une capacité précieuse à comprendre les nuances d’une société aussi complexe que l’Afghanistan.
Sa carrière dans la Police nationale française l’a conduit à diverses missions avant son affectation en Afghanistan en 2016, comme attaché de sécurité intérieure adjoint à l’ambassade de France à Kaboul. Pendant cinq années cruciales, il a développé une connaissance approfondie du pays, de ses acteurs politiques et de ses problématiques sécuritaires, notamment dans le domaine de la lutte contre les trafics de stupéfiants et le terrorisme, un enjeu majeur dans un pays qui concentrait alors 98% de la production mondiale d’opium.
Le commandant Bida décrit avec précision les spécificités de son travail diplomatique en zone de conflit, où chaque déplacement représentait un risque potentiel. Contrairement à beaucoup de ses collègues occidentaux cantonnés dans la Green Zone, il privilégiait l’immersion et le contact direct avec la population et les autorités afghanes, construisant un précieux réseau de relations qui s’avérera déterminant lors de la crise d’août 2021.
Son expertise des réalités afghanes se manifeste particulièrement dans sa compréhension des dynamiques tribales et des subtilités culturelles du pays. L’ouvrage révèle un homme capable de décoder les non-dits, de percevoir les jeux de pouvoir et d’anticiper les réactions dans un environnement où la méconnaissance des codes locaux peut s’avérer fatale. Cette intelligence sociale et culturelle lui permettra de négocier avec les talibans dans des circonstances où d’autres auraient échoué.
La description que fait Bida de ses cinq années en Afghanistan témoigne d’une immersion progressive et d’un apprentissage constant. Des premières rencontres avec les acteurs locaux jusqu’aux négociations cruciales d’août 2021, on perçoit l’évolution d’un professionnel qui a su adapter ses méthodes occidentales aux réalités afghanes, tout en restant fidèle à ses valeurs et à sa mission de protection.
À travers les lignes de son récit se dessine le portrait d’un homme dont l’expertise ne se limite pas aux connaissances techniques, mais s’étend à une véritable sagesse de terrain. La capacité de Bida à maintenir son sang-froid dans les situations les plus périlleuses, à improviser des solutions quand tous les scénarios prévus s’effondrent et à inspirer confiance tant à ses équipes qu’à ses interlocuteurs afghans, révèle un professionnel d’exception dont l’expérience constitue un enseignement précieux pour comprendre les défis de la diplomatie en zone de crise.
Entre devoir et humanité : la mission française à Kaboul
Le récit de Mohamed Bida met en lumière la dimension profondément humaine qui a caractérisé la mission française lors de la chute de Kaboul. Alors que la plupart des ambassades occidentales fermaient précipitamment leurs portes, l’ambassade de France est restée ouverte, devenant un refuge pour des centaines d’Afghans et d’étrangers désespérés. Cette décision, que l’auteur présente sans emphase mais avec une fierté discrète, reflète une conception exigeante du devoir diplomatique qui transcende la simple protection des intérêts nationaux.
La mission française se distinguait par une préparation anticipée de l’évacuation des employés afghans et de leurs familles, initiée dès le printemps 2021. Cette initiative, alors critiquée par certains partenaires, s’est révélée visionnaire lorsque les talibans se sont emparés de Kaboul. Bida évoque avec émotion ces opérations menées dans la plus grande discrétion, témoignant d’une conscience aiguë des risques que couraient les Afghans ayant travaillé avec la France.
L’ouvrage décrit avec précision les défis logistiques et sécuritaires auxquels l’équipe française a dû faire face. Avec seulement onze policiers pour assurer la sécurité d’un site abritant plus de 500 personnes, dans un contexte de menace permanente, chaque décision prenait une dimension cruciale. Les passages consacrés à la gestion des ressources limitées, à l’organisation de l’espace et à la mise en place de protocoles de sécurité révèlent un sens remarquable de l’adaptation et de l’improvisation.
La tension entre le respect des directives officielles et les impératifs humanitaires constitue l’un des fils conducteurs du récit. Bida ne cache pas les dilemmes moraux auxquels il a été confronté, notamment lorsqu’il a dû décider qui pouvait entrer dans l’enceinte de l’ambassade et qui devait rester dehors. Ces moments de vérité, où l’humain l’emporte parfois sur la procédure, offrent au lecteur une réflexion profonde sur l’éthique de l’action en situation de crise.
La cohésion de l’équipe française transparaît à chaque page du récit. Des diplomates aux policiers du RAID, en passant par les gardes de sécurité afghans restés fidèles à leur poste, chacun a joué un rôle essentiel dans cette opération extraordinaire. Bida rend hommage à ses collègues avec une sobriété qui n’enlève rien à la force de sa reconnaissance, soulignant comment, dans l’adversité, les barrières hiérarchiques s’effacent au profit d’une solidarité fondée sur des valeurs partagées.
La grandeur de cette mission française réside peut-être dans sa conception même de la responsabilité envers autrui. Sans jamais verser dans le pathos, l’auteur nous fait comprendre que le choix de ne pas abandonner ceux qui avaient fait confiance à la France n’était pas seulement une question de politique ou de stratégie, mais d’honneur national. Cette dimension éthique, portée par des hommes et des femmes confrontés à des choix impossibles, confère à l’ensemble de l’opération une noblesse qui transcende les circonstances dramatiques de son déroulement.

Un témoignage historique de la chute de Kaboul
L’ouvrage de Mohamed Bida constitue un document d’une valeur historique exceptionnelle sur la chute de Kaboul en août 2021. Son récit chronologique, précis et détaillé, nous plonge au cœur des événements qui ont marqué la fin de vingt années de présence occidentale en Afghanistan. Observateur privilégié de cette page d’histoire qui s’écrivait sous ses yeux, Bida livre un témoignage sans filtre sur l’effondrement d’un pays et les conséquences humaines immédiates de ce bouleversement géopolitique majeur.
La description de l’atmosphère à Kaboul dans les jours précédant l’arrivée des talibans est particulièrement saisissante. Avec une acuité remarquable, l’auteur note les signes avant-coureurs de la catastrophe à venir : les conversations qui s’interrompent brutalement à l’approche d’un étranger, l’affluence inhabituelle dans les bureaux de change, la nervosité croissante des forces de sécurité afghanes. Ces détails apparemment anodins composent une fresque vivante des dernières heures d’une capitale au bord du précipice.
Le dimanche 15 août 2021, jour de l’entrée des talibans dans Kaboul, est relaté avec une précision quasi cinématographique. Bida décrit l’incrédulité initiale, puis la panique qui s’empare progressivement de la ville lorsque la nouvelle de la fuite du président Ashraf Ghani se répand. Les scènes de chaos qu’il observe – policiers et militaires abandonnant leurs uniformes dans la rue, fonctionnaires brûlant des documents sensibles, familles entières tentant désespérément de fuir – témoignent de l’effondrement brutal d’un État que vingt années d’efforts internationaux n’ont pas suffi à consolider.
La dimension humaine de cette débâcle historique occupe une place centrale dans le récit. À travers les portraits de personnages comme Semaj, jeune général des services secrets afghans formé en France, ou Wali, Franco-Afghan revenu visiter sa famille, Bida donne un visage aux victimes anonymes de ce séisme politique. Ces destins individuels, racontés avec sensibilité, incarnent les espoirs déçus d’une génération qui avait cru en un Afghanistan démocratique et ouvert sur le monde.
Les observations de l’auteur sur le comportement des talibans lors de leur prise de pouvoir apportent un éclairage précieux sur un mouvement souvent perçu de manière monolithique. Bida distingue différents profils parmi ses interlocuteurs talibans – du fanatique rigide au pragmatique ouvert à la négociation – et décrit leurs hésitations initiales dans la gestion d’une capitale qu’ils n’avaient pas gouvernée depuis vingt ans. Cette analyse nuancée enrichit considérablement notre compréhension d’un événement que les médias ont souvent simplifié à l’excès.
La force du témoignage de Bida émane de sa position unique d’acteur et d’observateur. Immergé dans la réalité afghane depuis cinq ans, il possède les clés de lecture nécessaires pour décrypter les subtilités de cette transition chaotique. Sa proximité avec les événements, couplée à sa capacité d’analyse, fait de son récit une source inestimable pour ceux qui cherchent à comprendre non seulement ce qui s’est passé à Kaboul en août 2021, mais aussi pourquoi cela s’est produit et comment cela a été vécu par ceux qui se trouvaient au cœur de la tourmente.
Diplomatie de terrain et négociations improbables
L’un des aspects les plus fascinants du récit de Mohamed Bida réside dans sa description des négociations directes engagées avec les talibans. Contraint par les circonstances et l’urgence de la situation, l’auteur se retrouve à exercer une forme de diplomatie de terrain qui s’écarte radicalement des canaux officiels. Ses rencontres successives avec différents représentants talibans, du simple garde-barrière aux émissaires des plus hauts dirigeants, illustrent une approche pragmatique où l’objectif – sauver des vies – prime sur toute autre considération.
Ces négociations se déroulent dans un contexte de tension extrême, où chaque mot, chaque geste peut avoir des conséquences dramatiques. Bida décrit avec précision la nécessité d’adapter son approche à chaque interlocuteur : fermeté face aux plus agressifs, respect des codes culturels avec les plus traditionalistes, appel au pragmatisme avec les plus éduqués. Cette capacité à changer de registre tout en maintenant le cap sur l’objectif final témoigne d’une remarquable intelligence sociale et d’une connaissance approfondie de la société afghane.
L’auteur ne cache pas les dilemmes moraux inhérents à ces discussions avec des ennemis déclarés de l’Occident. Faut-il accepter la présence d’un taliban dans le convoi d’évacuation pour garantir la sécurité de centaines d’autres personnes? Comment établir la confiance avec un interlocuteur dont les intentions restent incertaines? Ces questions troublantes, auxquelles Bida doit répondre dans l’urgence, révèlent la zone grise dans laquelle opèrent parfois les représentants d’un État face à des situations exceptionnelles.
Les passages consacrés à ces négociations mettent en lumière l’importance cruciale des relations interpersonnelles dans la gestion de crise. Dans un environnement où les structures officielles se sont effondrées, seule la parole donnée d’homme à homme conserve une valeur. Bida raconte comment des liens de confiance, parfois ténus, établis avec certains interlocuteurs talibans ont permis de débloquer des situations qui semblaient désespérées et d’obtenir des garanties de sécurité essentielles pour les convois d’évacuation.
Ces épisodes de négociation révèlent également la complexité du mouvement taliban, loin d’être le bloc monolithique souvent dépeint. À travers ses interactions avec différents représentants, l’auteur nous permet de percevoir les nuances, les rivalités internes et parfois même les contradictions qui traversent ce groupe. Cette vision nuancée constitue un apport précieux pour comprendre les dynamiques à l’œuvre dans l’Afghanistan post-américain.
La réussite de ces improbables tractations témoigne d’une conception particulière de la mission diplomatique, où l’adaptabilité et le courage personnel deviennent des atouts décisifs. En sortant des sentiers balisés de la diplomatie conventionnelle pour s’engager dans ces discussions à haut risque, Mohamed Bida incarne une forme d’engagement où l’action directe prolonge et parfois transcende les instructions reçues de Paris, prouvant que l’initiative individuelle peut, dans certaines circonstances exceptionnelles, sauver des situations que les mécanismes institutionnels ne parviennent plus à gérer.
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Courage et résilience dans le chaos
Au-delà du récit des événements, l’ouvrage de Mohamed Bida met en lumière l’extraordinaire résilience dont ont fait preuve les différents acteurs de cette crise. Les treize jours et treize nuits sans sommeil que l’auteur et son équipe ont traversés constituent une épreuve physique et psychologique d’une intensité rare. La fatigue extrême, la pression constante et l’incertitude permanente créent des conditions où chaque décision, chaque geste exige une force mentale exceptionnelle que Bida décrit avec une sobriété qui en renforce l’impact.
Les réfugiés afghans occupent une place centrale dans cette démonstration de courage collectif. L’auteur évoque avec respect ces hommes, ces femmes et ces enfants qui ont tout abandonné en quelques heures, emportant pour seul bagage l’espoir d’une vie meilleure. Leurs regards, leurs attitudes, leurs paroles rapportées témoignent d’une dignité préservée dans des circonstances qui auraient pu conduire à la panique générale. Cette résilience, notamment celle des enfants qui s’adaptent avec une étonnante facilité à cet environnement hostile, inspire visiblement l’auteur.
Le petit groupe de policiers français qui constitue la dernière ligne de défense de l’ambassade fait preuve d’un courage remarquable que Bida relate sans emphase. La cohésion de cette équipe, confrontée à des risques majeurs avec des moyens limités, repose sur une confiance mutuelle forgée par l’adversité. Les moments de doute, de fatigue extrême ou de tension sont évoqués sans détour, mais toujours contrebalancés par cette détermination collective à accomplir la mission jusqu’au bout, quelles que soient les circonstances.
Les scènes de chaos à l’aéroport de Kaboul, où des milliers d’Afghans désespérés tentent de fuir par tous les moyens, constituent l’un des moments les plus éprouvants du récit. Bida décrit avec une précision clinique ce canal de la mort où des corps flottent dans une eau souillée, ces enfants séparés de leurs parents dans la bousculade, ces barrages talibans où chaque passage relève du miracle. La détermination dont font preuve les équipes françaises pour extraire de cet enfer les personnes qu’elles sont venues chercher force l’admiration.
Les employés afghans de l’ambassade qui ont choisi de rester à leur poste malgré les risques personnels incarnent une forme particulièrement émouvante de courage. L’auteur évoque avec gratitude ces gardes, ces interprètes, ces auxiliaires qui, alors même qu’ils auraient pu fuir, ont continué à servir jusqu’au dernier moment. Leur loyauté, alors que leur pays s’effondrait autour d’eux, témoigne d’une force de caractère exceptionnelle que Bida salue à plusieurs reprises.
L’ensemble du récit dévoile une vérité essentielle sur la nature humaine face à l’adversité. Dans ces moments où tout s’écroule, où les repères habituels disparaissent, émerge une forme de solidarité instinctive qui transcende les différences culturelles et les hiérarchies sociales. Ce que Mohamed Bida nous livre à travers son témoignage, c’est l’extraordinaire capacité de résistance dont peuvent faire preuve des individus ordinaires confrontés à des circonstances extraordinaires, lorsqu’ils sont guidés par des valeurs partagées et un objectif commun.
Leçons de leadership en situation d’urgence extrême
L’expérience relatée par Mohamed Bida offre une leçon magistrale de leadership en situation de crise extrême. Face à l’effondrement de tous les plans préétablis, l’auteur démontre l’importance cruciale de l’adaptabilité et de la prise d’initiative. Son approche pragmatique, guidée par une évaluation lucide des contraintes du terrain plutôt que par des directives théoriques élaborées à distance, illustre une forme de leadership où la réactivité immédiate prime sur la conformité aux procédures habituelles.
La gestion des équipes dans un contexte de stress intense constitue l’un des aspects les plus instructifs du récit. Bida décrit avec humilité comment il a dû maintenir le moral de ses hommes, répondre à leurs doutes légitimes et incarner une confiance qu’il ne ressentait pas toujours lui-même. Sa capacité à percevoir les signes de fatigue extrême chez ses collaborateurs, à valoriser leurs compétences spécifiques et à créer un climat de confiance mutuelle a été déterminante dans la réussite de cette opération extraordinaire.
La prise de décision sous pression apparaît comme une constante tout au long de ces treize jours. L’auteur nous fait comprendre l’immense responsabilité qui pèse sur ses épaules lorsqu’il doit trancher dans l’urgence des questions aux implications potentiellement vitales. De la négociation avec les talibans à l’organisation des convois d’évacuation, chaque choix comporte des risques impossibles à quantifier pleinement, exigeant une forme de courage décisionnel que Bida illustre sans jamais le théoriser.
La communication de crise constitue un autre enseignement majeur de ce récit. Qu’il s’agisse d’informer les réfugiés terrifiés, de coordonner l’action avec les autres services français ou de négocier avec des interlocuteurs talibans aux motivations incertaines, l’auteur démontre l’importance d’une communication claire, directe et adaptée à chaque public. Sa capacité à moduler son discours sans jamais perdre de vue l’objectif final témoigne d’une intelligence relationnelle remarquable.
L’équilibre entre autorité et empathie constitue peut-être la leçon la plus subtile de ce témoignage. Dans un contexte où la moindre défaillance pourrait avoir des conséquences dramatiques, Bida maintient une exigence absolue tout en faisant preuve d’une profonde humanité. Cette alliance entre fermeté et bienveillance crée les conditions d’une confiance qui s’avère cruciale lorsque les circonstances imposent des décisions difficiles ou des sacrifices importants.
La dimension éthique irrigue l’ensemble de l’approche du leadership dépeinte dans ces pages. À travers les dilemmes auxquels il est confronté, l’auteur nous invite à réfléchir sur la nature même de la responsabilité en situation d’exception. Son témoignage démontre qu’au cœur du chaos, quand tous les repères institutionnels vacillent, le leadership véritable s’ancre dans une boussole morale personnelle qui permet de naviguer dans les zones grises où aucun manuel de procédure ne peut plus servir de guide.
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Un héritage de bravoure et d’humanité : bilan d’une mission impossible
Le récit de Mohamed Bida s’achève sur un bilan impressionnant : entre le 17 et le 28 août 2021, 2 805 personnes ont été évacuées depuis l’aéroport de Kaboul par la France – 1 005 enfants, 851 femmes et 949 hommes. Derrière ces chiffres se dissimulent des milliers de destins sauvés, de vies préservées, d’avenirs rendus possibles. Cette réussite, obtenue dans des conditions que l’auteur qualifie lui-même d’apocalyptiques, témoigne d’un engagement collectif exceptionnel qui honore les valeurs de la France et de ses représentants.
La dernière partie de l’ouvrage offre des perspectives émouvantes sur le devenir de certains personnages clés du récit. Bida évoque avec pudeur les difficultés d’intégration rencontrées par certains réfugiés afghans à leur arrivée en France, mais aussi les réussites et les reconstructions. Ces vignettes d’après-crise rappellent que l’évacuation n’était que le début d’un long processus de résilience pour ces familles déracinées qui doivent tout reconstruire dans un environnement culturel radicalement différent.
L’opération d’évacuation de Kaboul constitue un cas d’école qui a déjà modifié certains protocoles diplomatiques et sécuritaires français. Sans jamais tomber dans l’autosatisfaction, l’auteur souligne les leçons tirées de cette expérience limite et l’importance d’intégrer dans les formations futures cette capacité d’adaptation qui a fait la différence sur le terrain. L’héritage opérationnel de ces treize jours pourrait ainsi sauver d’autres vies lors de crises futures.
Au-delà des aspects techniques, c’est la dimension humaine qui émerge comme le principal legs de cette mission. Le courage tranquille des policiers et diplomates français, la dignité des Afghans dans l’adversité, la solidarité qui s’est manifestée dans les situations les plus désespérées témoignent d’une humanité commune qui transcende les différences culturelles et les clivages géopolitiques. Cette fraternité forgée dans l’épreuve constitue peut-être le message le plus puissant du récit.
La réflexion finale de Bida sur son parcours personnel donne une profondeur supplémentaire à ce témoignage. Ce fils d’un harki ayant fui l’Algérie pour la France, ce policier ayant lui-même connu le racisme et les préjugés dans sa jeunesse, trouve dans cette mission ultime avant sa retraite une forme d’accomplissement. Son engagement pour sauver des vies afghanes boucle symboliquement un itinéraire marqué par la question de l’appartenance et de la loyauté.
Ces treize jours et treize nuits dans l’enfer de Kaboul laisseront une empreinte indélébile dans la mémoire collective de tous ceux qui y ont participé. À travers ce récit sobre et poignant, Mohamed Bida offre bien plus qu’un simple témoignage sur un événement historique – il livre une méditation sur ce que signifie servir, sur la responsabilité envers autrui et sur cette part d’humanité irréductible qui, même dans les circonstances les plus terribles, continue de briller comme un phare dans la nuit afghane.
Mots-clés : Afghanistan, Évacuation, Diplomatie, Talibans, Leadership, Résilience, Témoignage
Extrait Première Page du livre
» Le dimanche 15 août 2021, les talibans entrent dans Kaboul et s’emparent du palais présidentiel déserté par ses dirigeants, sous le regard médusé d’un peuple résigné, fatigué par quarante années de guerre et de luttes intestines. C’est la fin de l’espoir pour des millions d’Afghans bercés d’illusions et de mensonges, et qui devront maintenant affronter les fantômes du passé. La chute de Kaboul, pourtant annoncée, plongera le monde dans la stupeur et la population dans l’effroi, un chaos d’hystérie collective, une tragédie aux allures d’apocalypse. Au milieu de ce drame humain, je contemple l’Histoire qui s’écrit sous mes yeux sans imaginer que cette détresse fera ressurgir les réminiscences de ma propre histoire.
C’est au bord d’un canal à Kaboul, le canal de la mort, où des centaines de vies s’éteindront dans le fracas des explosions et de la mitraille, que s’achèvera le dernier chapitre de mes quarante années de carrière, marquées par le sceau du destin. J’avance sur un chemin semé d’embûches, de chausse-trapes, dans un monde en clair-obscur. Je suis là où l’on ne m’attend pas, dans des univers aussi troubles que différents, à observer intensément la vie des autres, des histoires de flics, de voyous, de politiques, d’agents secrets, de diplomates, de mercenaires, autant de personnages que de récits qui jalonnent mon passé. «
- Titre : 13 jours, 13 nuits dans l’enfer de Kaboul
- Auteur : Mohamed Bida
- Éditeur : Denoël
- Nationalité : France
- Date de sortie : 2022

Je m’appelle Manuel et je suis passionné par les polars depuis une soixantaine d’années, une passion qui ne montre aucun signe d’essoufflement.