Lovely Rita : la face cachée de la Côte d’Azur selon Benjamin Legrand

Lovely Rita de Benjamin Legrand

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L’univers noir et poétique de Benjamin Legrand

Benjamin Legrand s’est imposé comme une voix singulière dans le paysage littéraire français, naviguant entre noirceur et éclats de poésie. Son écriture, reconnaissable entre toutes, conjugue la tension du thriller et l’élégance d’une prose ciselée qui ne cède jamais à la facilité. Dans « Lovely Rita », l’auteur déploie pleinement cette double nature, offrant un récit aussi brutal qu’empreint d’une beauté troublante.

La narration de Legrand se caractérise par un sens aigu de l’observation et une capacité à transformer le quotidien en matière littéraire. Les scènes les plus ordinaires prennent sous sa plume une dimension presque cinématographique, où chaque détail compte. Les dialogues, nerveux et tranchants, révèlent les personnages sans jamais sombrer dans l’exposition artificielle.

Le style de l’auteur se distingue par un parfait équilibre entre crudité et lyrisme. Les descriptions de la Côte d’Azur, entre splendeur et déchéance, témoignent de cette dualité permanente qui donne à l’œuvre toute sa profondeur. Benjamin Legrand excelle particulièrement dans les contrastes, juxtaposant sans cesse la beauté et la violence, la lumière méditerranéenne et les zones d’ombre des âmes.

« Lovely Rita » s’inscrit dans la continuité d’une œuvre cohérente, tout en marquant une évolution notable dans le travail de l’auteur. Le roman révèle une maîtrise accrue des mécanismes du suspense, sans jamais sacrifier la qualité littéraire qui fait sa signature. La tension narrative se maintient du premier au dernier chapitre, portée par une langue précise et évocatrice.

L’univers de Benjamin Legrand se nourrit d’influences diverses, du roman noir américain au cinéma d’auteur français. Cette hybridation culturelle confère à son écriture une identité propre, où les codes du genre sont respectés mais constamment réinventés. La frontière entre réalité sordide et onirisme devient souvent poreuse, brouillant les repères du lecteur.

La force de « Lovely Rita » réside finalement dans cette alchimie unique entre noirceur et poésie que l’auteur a su perfectionner au fil des années. Le roman captive par son intrigue mais séduit également par sa dimension esthétique et sa capacité à transcender les limites du simple thriller. Benjamin Legrand confirme ainsi sa place parmi les voix les plus attachantes de la littérature noire contemporaine.

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« Lovely Rita » : une plongée dans le thriller méditerranéen

« Lovely Rita » s’inscrit pleinement dans la tradition du thriller méditerranéen, un sous-genre littéraire qui a trouvé sur les rivages de la Grande Bleue un terrain particulièrement fertile. Benjamin Legrand exploite à merveille ce cadre ensoleillé mais trompeur, où la lumière aveuglante dissimule souvent les pires noirceurs. La Côte d’Azur qu’il dépeint n’est pas celle des cartes postales mais un territoire contrasté où se côtoient l’opulence et la précarité.

L’intrigue se développe dans un rythme haletant qui ne laisse aucun répit au lecteur. En quelques heures à peine, des vies basculent, des chemins se croisent et se décroisent, tissant une toile complexe où personne n’échappe à son destin. Cette temporalité condensée, caractéristique du thriller méditerranéen, permet à l’auteur de maintenir une tension constante tout en développant des personnages aux multiples facettes.

La particularité de « Lovely Rita » réside dans sa capacité à transcender les codes du genre pour offrir une réflexion plus profonde sur la condition humaine. Derrière l’action et les rebondissements se dessinent des questionnements sur la solitude, les choix moraux et la rédemption. Cette dimension existentielle, sans jamais alourdir le récit, lui confère une profondeur rare dans l’univers du thriller.

Benjamin Legrand maîtrise parfaitement l’art de l’atmosphère, élément crucial du thriller méditerranéen. Il saisit avec acuité cette ambiance si particulière du littoral français, entre chaleur étouffante et brise marine, luxe ostentatoire et zones d’ombre. Les nuits y sont aussi importantes que les jours, théâtres d’événements déterminants où la véritable nature des personnages se révèle.

Le roman se distingue également par son traitement des personnages secondaires, figures pittoresques qui incarnent toute la diversité sociale de la région. Du retraité solitaire aux motards bagarreurs, en passant par le petit délinquant opportuniste, chacun apporte sa couleur au récit sans jamais tomber dans le cliché. Cette galerie de portraits confère au thriller une dimension presque chorale, reflet d’une société méditerranéenne complexe et stratifiée.

À travers cette œuvre captivante, l’auteur renouvelle la tradition du thriller méditerranéen en y insufflant sa sensibilité propre. L’équilibre subtil entre action, suspense et profondeur psychologique fait de « Lovely Rita » bien plus qu’un simple page-turner. Le roman s’impose comme une œuvre marquante dans ce courant littéraire, prouvant que le genre peut concilier efficacité narrative et ambition littéraire.

La construction narrative : rythme et tension au service de l’intrigue

La structure narrative de « Lovely Rita » témoigne d’une maîtrise impressionnante des mécanismes du suspense. Benjamin Legrand orchestre son récit avec la précision d’un horloger, alternant passages haletants et moments de respiration calculée qui permettent au lecteur de reprendre son souffle avant la prochaine montée d’adrénaline. Cette gestion rythmique confère au roman une dynamique particulière, où chaque chapitre pousse irrésistiblement vers le suivant.

L’auteur utilise habilement la technique du changement de point de vue, offrant une vision kaléidoscopique des événements. Ce procédé, loin d’être un simple artifice, enrichit considérablement la trame narrative en multipliant les perspectives. Le lecteur accède ainsi aux pensées intimes des différents protagonistes, créant une immersion totale dans cet univers où chaque personnage possède ses motivations propres et sa vérité subjective.

Les dialogues constituent un élément crucial de cette construction narrative. Concis, percutants et d’un réalisme saisissant, ils font avancer l’intrigue tout en dévoilant progressivement la psychologie des personnages. Benjamin Legrand excelle particulièrement dans l’art de la conversation à double sens, où ce qui n’est pas dit importe autant que les paroles échangées. Ces non-dits créent une tension souterraine qui traverse l’ensemble du roman.

Le temps joue un rôle prépondérant dans la mécanique narrative. L’action principale se déroule sur une période très courte, intensifiant naturellement le suspense. Cette compression temporelle, caractéristique du thriller moderne, permet à l’auteur de maintenir une pression constante sur ses personnages. Chaque minute compte, chaque décision prise dans l’urgence peut avoir des conséquences irréversibles.

Les descriptions d’environnements, loin d’être de simples passages contemplatifs, participent activement à l’élaboration de la tension narrative. Benjamin Legrand transforme les paysages de la Côte d’Azur en personnages à part entière, tantôt complices, tantôt obstacles. Cette symbiose entre cadre spatial et progression de l’intrigue renforce l’immersion du lecteur dans un univers où chaque lieu devient le théâtre d’un nouvel acte dramatique.

L’architecture narrative du roman se révèle ainsi comme l’un de ses atouts majeurs. La progression fluide de l’intrigue, ponctuée de retournements parfaitement amenés, témoigne d’un travail d’orfèvre. Benjamin Legrand parvient à tisser une toile narrative complexe sans jamais perdre le lecteur, prouvant que la sophistication structurelle peut parfaitement s’allier à la lisibilité. « Lovely Rita » s’impose dès lors comme un modèle d’efficacité narrative dans le paysage du thriller contemporain.

Personnages en marge : Edgar, Rita et les autres

La force de « Lovely Rita » réside en grande partie dans sa galerie de personnages atypiques, êtres en marge dont les trajectoires se croisent dans un ballet à la fois chaotique et chorégraphié. Edgar, cadre dans l’industrie audiovisuelle, incarne cette classe moyenne supérieure qui s’ennuie dans le confort. Sa quête de frissons via les messageries Minitel le propulse hors de sa zone de confort, dans un monde qu’il pensait connaître mais dont il ignorait tout. Ce décalage entre ses repères bourgeois et la réalité crue qu’il découvre génère une tension narrative permanente.

Rita, personnage éponyme du roman, émerge comme une figure fascinante de la survie en milieu hostile. Ni totalement victime ni pleinement prédatrice, elle navigue entre les mondes avec une aisance troublante. Benjamin Legrand lui confère une multitude de nuances qui la rendent infiniment plus complexe qu’une simple femme fatale de polar. Ses mensonges, ses contradictions et sa loyauté sélective dessinent un portrait d’une rare authenticité, celui d’une femme déterminée à tracer sa route dans un univers dominé par la loi du plus fort.

Le personnage de Marcel, retraité solitaire enfermé dans une vie étriquée, apporte une dimension touchante au récit. Sa rébellion tardive contre une existence de frustrations résonne comme un écho aux aspirations refoulées de nombreux lecteurs. Benjamin Legrand parvient à insuffler à ce personnage secondaire une profondeur remarquable, illustrant sa capacité à humaniser même les figures les plus périphériques de son récit.

Roger, l’anarchiste vieillissant, représente la mémoire d’un temps révolu, celle des idéaux et des combats d’antan. Sa présence dans le roman crée un contrepoint historique et politique aux enjeux contemporains. À travers lui, l’auteur interroge subtilement la permanence des inégalités sociales et la transmission des valeurs entre générations. Ce personnage incarne une forme de sagesse désabusée qui enrichit considérablement la texture du récit.

Les personnages secondaires, loin d’être de simples faire-valoir, contribuent à créer un écosystème social crédible et nuancé. Des Hell’s Angels aux hommes de main, en passant par le Pakistanais vendeur de hamburgers, chacun existe au-delà de sa fonction narrative. Benjamin Legrand excelle dans l’art de l’esquisse caractérielle, suggérant par quelques traits précis des vies entières qui se déploient en marge de l’intrigue principale.

L’interaction entre ces différents personnages génère une alchimie rare dans l’univers du thriller. Leurs dialogues, empreints d’une vérité psychologique saisissante, révèlent les dynamiques de pouvoir, les désirs inavoués et les failles intimes qui les animent. Le talent de Benjamin Legrand se manifeste pleinement dans cette capacité à créer des êtres de fiction qui restent en mémoire bien après la lecture, comme des personnes que l’on aurait réellement croisées sur notre chemin.

La Côte d’Azur comme toile de fond : entre luxe et misère

Benjamin Legrand offre dans « Lovely Rita » une vision saisissante de la Côte d’Azur, loin des clichés touristiques et des cartes postales ensoleillées. Son regard acéré décortique les contrastes saisissants de ce territoire mythique, où les villas somptueuses du Cap d’Antibes côtoient les barres d’immeubles délabrées de la cité des Aubépines. Cette géographie sociale devient un personnage à part entière, influençant profondément le destin des protagonistes et conditionnant leurs choix tout au long du récit.

Le luxe ostentatoire est omniprésent, incarné par les résidences fastueuses des collectionneurs fortunés et les palaces cannois où se déroule le marché international des programmes de télévision. L’auteur dépeint avec une ironie subtile ce monde de l’apparence et de l’argent facile, où les badges autour du cou deviennent les symboles d’une appartenance à une caste privilégiée. Ce décor clinquant constitue la façade trompeuse d’un système économique impitoyable qui broie les plus faibles.

En contre-point, Legrand nous entraîne dans les zones d’ombre de cette même région, lieux invisibles pour les touristes mais bien réels pour ceux qui y survivent. Des parkings souterrains aux quartiers périphériques, en passant par les cabanons précaires accrochés aux falaises, l’auteur cartographie avec précision une géographie parallèle de la marginalité. Ces espaces deviennent les refuges précaires d’une humanité qui tente de subsister dans les interstices d’un système qui l’a rejetée.

Le viaduc qui surplombe Nice incarne parfaitement cette dualité spatiale et sociale. Infrastructure massive qui facilite la circulation des privilégiés tout en écrasant symboliquement et parfois littéralement ceux qui vivent dessous, il matérialise la fracture d’un territoire à deux vitesses. Benjamin Legrand utilise brillamment ce symbole architectural pour illustrer les rapports de force et les inégalités structurelles qui sous-tendent son récit.

L’auteur excelle particulièrement dans la description des moments de transition, quand l’aube révèle les traces de la nuit ou quand le crépuscule transforme les façades lépreuses en tableaux mélancoliques. Ces interstices temporels reflètent la nature hybride de ce territoire, ni totalement paradisiaque ni complètement infernal, mais perpétuellement suspendu entre ces deux extrêmes. La qualité presque photographique de ces descriptions confère au roman une dimension sensorielle particulièrement immersive.

Cette Côte d’Azur des marges, captée par l’œil aiguisé de Benjamin Legrand, transcende sa fonction de simple décor pour devenir le miroir de nos sociétés contemporaines. La juxtaposition du casino luxueux et du camion-snack pakistanais, de la villa palatiale et du cabanon de fortune, révèle les failles d’un modèle économique à bout de souffle. L’auteur parvient ainsi à transformer un polar régional en une fresque sociale d’une pertinence universelle, où chaque lieu porte en lui la trace des inégalités qui structurent notre monde.

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L’art et la beauté comme moteurs du récit

Au cœur de « Lovely Rita » se trouve un tableau mystérieux, œuvre d’art dont la beauté transcendante bouleverse tous ceux qui la contemplent. Benjamin Legrand fait de cette peinture bien plus qu’un simple MacGuffin narratif ; elle devient le catalyseur émotionnel qui transforme profondément chaque personnage. L’auteur dépeint avec subtilité la puissance quasi mystique de l’art, capable de modifier les trajectoires existentielles et de révéler les aspirations les plus enfouies.

La description de ce tableau, représentant une femme et une petite fille marchant sur un chemin, constitue l’un des moments les plus saisissants du roman. À travers les yeux de Rita, le lecteur perçoit non seulement les qualités esthétiques de l’œuvre, mais aussi sa dimension presque médiumnique, comme si cette peinture ancienne établissait un pont temporel entre des époques distinctes. Cette connexion mystérieuse résonne particulièrement avec la relation entre Rita et sa propre fille.

Le contraste entre la valeur marchande astronomique attribuée au tableau et sa valeur intrinsèque, spirituelle, traverse l’ensemble du récit. Benjamin Legrand interroge ainsi notre rapport contemporain à l’art, souvent réduit à un placement financier ou un symbole de statut social. L’antiquaire et ses clients fortunés ne voient dans cette œuvre qu’un trophée à s’approprier, tandis que Rita y perçoit un reflet troublant de sa propre existence.

La beauté surgit également dans les lieux les plus inattendus du roman, comme un contrepoint poétique à la violence des situations. L’aube sur la Méditerranée, la lumière rasante sur les façades d’Antibes, ou encore le phare projetant son rayon dans la nuit deviennent des moments de grâce qui suspendent temporairement la course effrénée des personnages. Ces parenthèses esthétiques fonctionnent comme des respirations narratives qui renforcent, par contraste, l’intensité des scènes d’action.

La quête de beauté constitue paradoxalement l’une des motivations profondes des personnages principaux. Edgar, prisonnier d’une existence confortable mais vide, recherche à travers ses aventures Minitel une forme d’intensité existentielle. Rita, malgré sa vie chaotique, manifeste une sensibilité esthétique aiguë qui la distingue des simples délinquants. Même le vieux Roger, dans son cabanon modeste, s’entoure de livres et cultive une forme d’élégance morale.

L’intelligence de Benjamin Legrand se manifeste pleinement dans cette intégration organique de l’art au sein d’un récit de genre. Loin d’être un simple ornement culturel, la dimension esthétique innerve l’ensemble du roman, lui conférant une profondeur rare dans l’univers du thriller. « Lovely Rita » nous rappelle ainsi que la beauté, qu’elle soit picturale, architecturale ou naturelle, peut constituer un moteur narratif aussi puissant que l’argent ou la vengeance.

Thèmes et symboles : fuite, rédemption et hasard

La fuite constitue l’un des motifs structurants de « Lovely Rita », imprégant l’œuvre d’une tension perpétuelle. Les personnages sont constamment en mouvement, poursuivant ou étant poursuivis, dans un ballet frénétique qui les mène d’un bout à l’autre de la Côte d’Azur. Cette dynamique spatiale reflète également une fuite existentielle plus profonde : Edgar fuit l’ennui de sa vie confortable, Rita échappe à ses responsabilités maternelles, Marcel cherche à s’évader d’un quotidien étouffant auprès d’une épouse tyrannique.

Le thème de la rédemption traverse subtilement le roman, offrant aux personnages des occasions de transcender leurs erreurs passées. Le parcours d’Edgar, de cadre conformiste à protecteur improvisé, illustre parfaitement cette quête de sens qui anime les protagonistes. Benjamin Legrand évite cependant l’écueil d’une rédemption facile ou moralisatrice. Les transformations de ses personnages s’opèrent dans l’ambiguïté morale, reflétant la complexité des êtres réels plutôt que des arcs narratifs convenus.

Le hasard et ses conséquences imprévues constituent un autre fil rouge de l’intrigue. Une simple rencontre Minitel, le vol opportuniste d’un tableau, une coïncidence temporelle précise bouleversent irrémédiablement des existences jusque-là séparées. L’auteur explore avec finesse cette chaîne de causalités accidentelles qui, telle une réaction en chaîne, propulse les personnages vers un destin qu’ils n’auraient jamais imaginé. Cette mécanique du hasard confère au récit une dimension presque tragique.

L’eau, omniprésente sous forme de mer Méditerranée, symbolise à la fois le danger et la possibilité d’un nouveau départ. Élément purificateur quand Rita s’y baigne au petit matin, elle devient linceul pour le corps jeté du viaduc. Cette ambivalence symbolique enrichit considérablement la texture du récit, créant des échos subtils entre différentes scènes. Le petit bateau bleu qui apparaît dans les dernières pages incarne cette dualité, véhicule d’une fuite autant que d’une renaissance possible.

La parentalité et la transmission constituent également des thèmes majeurs du roman, abordés avec une délicatesse remarquable. La relation de Rita avec sa fille Angéla, celle du vieux Roger avec son arrière-petite-fille, ou encore l’absence pesante de parents dans la vie d’Edgar créent un réseau de relations intergénérationnelles qui dépasse largement le cadre habituel du thriller. Benjamin Legrand interroge ainsi la responsabilité que nous avons envers les générations futures.

Le tableau qui traverse le récit cristallise l’ensemble de ces thématiques. Symbole de beauté mais aussi objet de convoitise mortifère, il relie l’art ancien au destin contemporain des protagonistes. Sa représentation – une femme et une enfant sur un chemin – fait écho aux parcours initiatiques que vivent les personnages principaux. Plus qu’un simple McGuffin, cette œuvre picturale incarne la quête spirituelle qui sous-tend le roman, au-delà de son intrigue palpitante.

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« Lovely Rita » : Un Bijou du Roman Noir Méditerranéen

« Lovely Rita » s’impose comme un exemple brillant de ce que le thriller français contemporain peut offrir de meilleur. Benjamin Legrand y développe une voix singulière, résolument ancrée dans une tradition littéraire hexagonale tout en intégrant les codes du genre venus d’ailleurs. Son approche se distingue par une attention particulière portée à la psychologie des personnages et aux tensions sociales qui structurent la société française. Cette sensibilité spécifique confère au récit une profondeur qui dépasse le simple divertissement.

L’œuvre dialogue subtilement avec ses influences tout en affirmant sa propre identité. On y retrouve certes des échos du roman noir américain, mais transformés par un regard typiquement européen sur les rapports de classe et les dynamiques de pouvoir. Le rythme, la construction des personnages et même le traitement de la violence portent la marque d’une approche française qui privilégie l’ambiguïté morale et la complexité des motivations sur la simple opposition entre bien et mal.

Le cadre méditerranéen, exploité avec une acuité remarquable, permet à l’auteur d’inscrire son récit dans une géographie à la fois locale et universelle. Benjamin Legrand capture l’essence de la Côte d’Azur contemporaine, territoire de contrastes saisissants où les inégalités sociales se manifestent avec une brutalité particulière. Ce décor familier aux lecteurs français devient le théâtre d’une intrigue qui parle pourtant à un public bien plus large.

La langue constitue peut-être l’élément le plus distinctif de ce thriller français. Les dialogues, d’une authenticité saisissante, restituent la diversité des sociolectes sans jamais tomber dans la caricature. L’argot côtier, le langage des affaires, le français académique du vieil anarchiste cohabitent naturellement, créant une polyphonie caractéristique de notre société. Cette richesse linguistique, souvent diluée dans les traductions, constitue l’un des atouts majeurs du roman.

Le traitement du temps et de l’espace témoigne également d’une sensibilité narrative proprement française. Loin de l’action continue et frénétique de certains thrillers anglo-saxons, Benjamin Legrand ménage des plages de contemplation, des moments de suspension où la narration respire. Cette alternance rythmique, cette capacité à ralentir puis accélérer le tempo du récit, s’inscrit dans une tradition littéraire qui valorise autant les atmosphères que les péripéties.

Le succès de « Lovely Rita » démontre la vitalité du thriller hexagonal, capable de séduire un large public sans sacrifier ses ambitions littéraires. Benjamin Legrand prouve qu’il est possible de concilier efficacité narrative et profondeur thématique, suspense haletant et finesse d’écriture. Son œuvre s’impose comme une référence incontournable pour quiconque s’intéresse à l’évolution du genre en France, témoignant d’une maturité qui n’a plus rien à envier aux maîtres anglo-saxons du thriller contemporain.

Mots-clés : Thriller méditerranéen, Côte d’Azur, Art volé, Fuite, Marginalité , Rédemption, Contrastes sociaux


Extrait Première Page du livre

 » CHAPITRE 1
Les aubépines

Ses mains délicates crispées sur le cuir du volant, Edgar roulait à vingt à l’heure dans un décor qui ressemblait au South Bronx avant sa destruction complète, tags gigantesques sur les murs et les façades, poubelles débordantes entassées, carcasses de bagnoles, vieux pneus jonchant d’anciennes pelouses, journaux et sacs plastique au vent. Ne manquaient que les buildings brûlés. Mais les immeubles ne portaient pas d’escaliers d’incendie et aucun riff de salsa ne résonnait d’un bâtiment à l’autre à travers les terrains vagues. Edgar n’était pas dans le Bronx. Il était à quelques kilomètres au nord d’Antibes dans une banlieue qui ressemblait à toutes les banlieues occidentales, errant depuis une bonne demi-heure, levant un nez de plus en plus inquiet vers l’absence totale de panneaux indicateurs sur les poteaux tordus. La lumière baissait très vite, ciel traversé de nuages violet et feu. Il était complètement paumé.

Edgar aperçut une bande de gamins qui traînaient, se refaisant leur Amérique à eux, casquettes à l’envers, énormes baskets délacées, tee-shirts sponsorisés. Il n’allait quand même pas avoir peur de demander sa route à une bande de mômes comme ça ? Le plus vieux devait avoir dans les douze ans. Avec un léger pincement à l’estomac, Edgar ralentit à leur hauteur, surprenant leurs regards envieux jetés sur la carrosserie luisante de sa BMW. Il appuya sur la commande de sa vitre fumée, ne l’abaissant qu’à moitié.

— Excusez-moi, dit-il d’une voix qui se voulait assurée.

Les mômes ouvraient de grands yeux. Les yeux de tous les enfants du monde, se dit-il. Il y avait effectivement de tout comme enfants. Kabyles, Camerounais, Français, même un Vietnamien.

— Je suis bien dans la cité des Aubépines ?

— Zobs et pines qui niquent ta mère, t’y es, gros conno, ricana le plus grand de la bande avec un accent terrible et en détachant bien les syllabes, ce qui fit éclater de rire les autres.

Edgar se permit un sourire poli, et un hochement de tête, comme s’il appréciait cet humour juvénile. Merci, dit-il en remontant sa vitre, avant de lâcher l’embrayage. Il était resté en première, et la BMW bondit silencieusement en avant. « 


  • Titre : Lovely Rita
  • Auteur : Benjamin Legrand
  • Éditeur : Gallimard
  • Nationalité : France
  • Date de sortie : 1999

Je m’appelle Manuel et je suis passionné par les polars depuis une soixantaine d’années, une passion qui ne montre aucun signe d’essoufflement.


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