Un chef-d’œuvre du suspense psychologique
« Celle qui n’était plus », publié en 1952, est un roman policier emblématique issu de la collaboration entre Pierre Boileau et Thomas Narcejac. Ce duo d’écrivains, qui a marqué l’histoire de la littérature policière française, a su créer avec cet ouvrage une œuvre qui transcende les frontières du genre.
Le roman se distingue par son intrigue finement ciselée, où chaque élément s’imbrique avec une précision d’horloger. Boileau et Narcejac excellent dans l’art de tisser une toile narrative complexe, parsemée de fausses pistes et de rebondissements inattendus. Cette construction minutieuse maintient le lecteur en haleine du début à la fin, l’invitant à participer activement à la résolution de l’énigme.
L’atmosphère oppressante qui imprègne le récit est une autre caractéristique marquante de l’œuvre. Les auteurs créent un climat de tension palpable, où l’angoisse et le doute s’insinuent progressivement dans l’esprit des personnages et du lecteur. Cette ambiance pesante, presque claustrophobique, contribue à l’immersion totale dans l’univers du roman.
Boileau et Narcejac, reconnus comme des maîtres du thriller psychologique, démontrent ici leur talent pour sonder les profondeurs de l’âme humaine. Les personnages, finement ciselés, sont confrontés à des dilemmes moraux et psychologiques qui les poussent dans leurs retranchements. Cette exploration des méandres de la psyché humaine ajoute une dimension supplémentaire au récit, le faisant osciller entre roman policier et étude psychologique.
L’impact de « Celle qui n’était plus » s’est étendu bien au-delà du monde littéraire. Le roman a inspiré le célèbre réalisateur Henri-Georges Clouzot, qui l’a adapté au cinéma sous le titre « Les Diaboliques » en 1955. Ce film, devenu un classique du cinéma français, a contribué à propulser l’œuvre de Boileau-Narcejac sur la scène internationale.
Dans l’histoire de la littérature policière, « Celle qui n’était plus » occupe une place de choix. Le roman a influencé de nombreux auteurs et a contribué à redéfinir les contours du genre en France. Il a démontré qu’un roman policier pouvait allier intrigue sophistiquée, profondeur psychologique et qualité littéraire.
En somme, « Celle qui n’était plus » reste, plus de 70 ans après sa publication, une œuvre incontournable du roman policier. Sa capacité à captiver le lecteur, son atmosphère unique et son influence durable en font un pilier de la littérature française du XXe siècle.
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Résumé de l’intrigue
L’histoire de « Celle qui n’était plus » se déroule autour de Fernand Ravinel, un représentant de commerce dont la vie en apparence banale cache des désirs inavouables. Marié à Mireille, une femme qu’il n’aime plus, Fernand entretient une liaison passionnée avec Lucienne, une infirmière qui devient sa complice dans un projet macabre.
Fernand et Lucienne, aveuglés par leur amour et leur cupidité, conçoivent un plan minutieux pour se débarrasser de Mireille. Leur motivation est double : vivre pleinement leur passion interdite et mettre la main sur l’héritage substantiel de Mireille. Le couple adultère planifie méticuleusement chaque détail de leur crime, persuadé de son infaillibilité.
Le jour fatidique arrive, et le plan est mis à exécution avec une précision glaçante. Mireille est assassinée, et son corps est disposé de manière à faire croire à un accident domestique. Fernand et Lucienne savourent leur victoire, convaincus d’avoir réussi le crime parfait.
Cependant, le destin, ou peut-être une force plus sinistre, en décide autrement. Alors que les deux amants s’apprêtent à savourer les fruits de leur forfait, une série d’événements inexplicables commence à se produire. Le point culminant de cette étrange suite d’incidents est la disparition inexpliquée du corps de Mireille.
Cette disparition marque le début d’une descente aux enfers pour Fernand. Des phénomènes de plus en plus troublants se multiplient autour de lui. Des objets se déplacent mystérieusement, des bruits inquiétants résonnent dans la maison, et Fernand croit apercevoir la silhouette de sa femme décédée.
Au fil des jours, l’angoisse de Fernand grandit. Il est torturé par la culpabilité, hanté par le souvenir de son crime. La peur de être découvert se mêle à une terreur plus profonde, celle d’être poursuivi par une force surnaturelle. Fernand commence à douter de sa santé mentale, incapable de discerner la réalité des hallucinations provoquées par son esprit tourmenté.
Lucienne, quant à elle, tente de maintenir leur fragile alibi, mais la tension croissante menace de faire éclater leur complicité. Les deux amants, autrefois unis dans leur projet criminel, se retrouvent progressivement isolés, chacun enfermé dans sa propre spirale de peur et de paranoïa.
L’intrigue se resserre inexorablement autour de Fernand, le plongeant dans un labyrinthe psychologique où la frontière entre le réel et l’imaginaire s’estompe. Le lecteur est entraîné dans cette descente vertigineuse, partageant les doutes et les angoisses du protagoniste.
Boileau et Narcejac tissent ainsi une trame narrative où le suspense psychologique se mêle habilement aux éléments du roman noir. L’atmosphère oppressante s’intensifie à mesure que l’histoire progresse, maintenant le lecteur dans un état de tension constante jusqu’au dénouement final, aussi inattendu que glaçant.
Les Thèmes Principaux
« Celle qui n’était plus » de Boileau-Narcejac est une œuvre riche en thèmes profonds qui explorent les recoins sombres de la psyché humaine. Voici un développement des thèmes principaux du roman :
La Culpabilité et la Paranoïa
La culpabilité est le moteur central de l’intrigue psychologique du roman. Après le meurtre de Mireille, Fernand se trouve plongé dans un abîme de remords qui ronge son âme. Les auteurs dépeignent avec une précision chirurgicale la façon dont la culpabilité s’insinue dans chaque recoin de son esprit, transformant sa vie en un cauchemar éveillé.
Cette culpabilité se manifeste d’abord subtilement, par des pensées intrusives et des moments d’anxiété. Progressivement, elle prend le contrôle de la vie de Fernand, influençant ses actions, ses relations, et même sa perception de la réalité. Le protagoniste devient hypersensible à son environnement, interprétant chaque regard, chaque geste comme une potentielle accusation.
La paranoïa qui en découle est dépeinte comme une conséquence naturelle de cette culpabilité dévorante. Fernand commence à voir des menaces partout, convaincu que son crime va être découvert à tout moment. Cette peur constante le pousse à des comportements de plus en plus irrationnels, créant un cercle vicieux où chaque action motivée par la paranoïa ne fait qu’alimenter davantage ses craintes.
Boileau et Narcejac excellent dans la description de cette spirale descendante, montrant comment la culpabilité et la paranoïa peuvent transformer un homme ordinaire en une épave psychologique, constamment sur le qui-vive et incapable de trouver un moment de paix.
Le Doute et la Réalité
Le thème du doute sur la réalité est traité avec une grande subtilité dans le roman. Il commence par de petits détails : des objets déplacés, des bruits inexpliqués, qui pourraient facilement être attribués à la distraction ou à l’imagination. Mais à mesure que ces incidents s’accumulent et s’intensifient, ils remettent en question non seulement la santé mentale de Fernand, mais aussi la nature même de la réalité qui l’entoure.
La disparition du corps de Mireille est le point culminant de cette remise en question. Cet événement inexplicable ébranle les fondements mêmes de ce que Fernand croyait être la réalité. Comment un corps peut-il simplement disparaître ? Cette question tourmente Fernand et le lecteur, ouvrant la porte à des explications allant du rationnel au surnaturel.
Les apparitions troublantes qui suivent – ombres fugaces, silhouettes entrevues – brouillent encore davantage la frontière entre le réel et l’imaginaire. Fernand, et par extension le lecteur, se trouve dans un état constant d’incertitude. Ces phénomènes sont-ils réels ou le fruit d’un esprit torturé par la culpabilité ?
Cette ambiguïté constante crée une tension palpable tout au long du récit. Le lecteur est invité à partager les doutes de Fernand, à remettre en question chaque événement, chaque perception. Cette technique narrative maintient un suspense psychologique intense, tout en explorant des questions philosophiques profondes sur la nature de la réalité et la fiabilité de nos perceptions.
En entrelaçant ces thèmes, Boileau et Narcejac créent une œuvre qui transcende le simple roman policier. « Celle qui n’était plus » devient une exploration psychologique profonde des effets du crime sur l’esprit humain, une réflexion sur la nature fragile de notre perception de la réalité, et une étude fascinante de la façon dont la culpabilité et le doute peuvent éroder les fondements mêmes de notre existence.
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Les Personnages
« Celle qui n’était plus » de Boileau-Narcejac présente un trio de personnages complexes dont les interactions et les évolutions psychologiques forment le cœur de l’intrigue. Voici une analyse approfondie de ces personnages clés :
Fernand Ravinel
Fernand est le personnage central du roman, un antihéros par excellence. Au début de l’histoire, il apparaît comme un homme ordinaire, un représentant de commerce menant une vie sans relief. Cependant, cette apparente banalité cache une personnalité complexe et troublée.
La faiblesse de caractère de Fernand est l’un de ses traits les plus marquants. Il se laisse facilement influencer, que ce soit par Lucienne ou par ses propres désirs refoulés. Cette malléabilité le rend vulnérable aux manipulations, mais aussi à ses propres pulsions destructrices.
L’évolution psychologique de Fernand est magistralement dépeinte par Boileau et Narcejac. On le voit passer de l’enthousiasme coupable d’un homme pensant avoir commis le crime parfait à un être torturé, rongé par la peur et le remords. Cette transformation n’est pas brutale mais progressive, chaque nouveau doute, chaque nouvel événement inexpliqué ajoutant une couche supplémentaire à son tourment.
La culpabilité de Fernand est le moteur de son évolution. Elle le transforme, le pousse à des comportements irrationnels, et finit par le consumer entièrement. Son esprit, incapable de supporter le poids de ses actes, commence à se fracturer, brouillant les limites entre réalité et hallucination.
Malgré ses actes répréhensibles, Fernand suscite une forme de pitié chez le lecteur. Sa lâcheté, son incapacité à assumer ses actes, et sa descente dans la folie en font un personnage pathétique, mais profondément humain dans sa fragilité.
Lucienne
Lucienne représente l’antithèse de Fernand. Là où il est faible et indécis, elle est forte et déterminée. Son personnage incarne la froideur calculatrice et la manipulation.
En tant qu’infirmière, Lucienne possède des connaissances qui s’avèrent cruciales dans l’élaboration du plan meurtrier. Cette expertise, combinée à sa nature implacable, en fait le cerveau de l’opération. Elle manipule Fernand avec habileté, exploitant ses faiblesses pour le pousser à agir selon ses désirs.
La relation entre Lucienne et Fernand est complexe. Elle mêle passion, manipulation et intérêt personnel. Lucienne semble voir en Fernand un outil pour parvenir à ses fins, plutôt qu’un véritable partenaire. Cette dynamique asymétrique est un élément clé de la tension qui sous-tend le récit.
Au fur et à mesure que l’intrigue se développe, le caractère impitoyable de Lucienne se révèle pleinement. Sa réaction face aux événements troublants qui suivent le meurtre montre une capacité remarquable à garder son sang-froid, contrastant fortement avec la désintégration mentale de Fernand.
Mireille
Bien que physiquement absente de la majeure partie du récit, Mireille est paradoxalement omniprésente. Sa mort est l’événement déclencheur de l’intrigue, et son « fantôme » hante chaque page du roman.
En vie, Mireille est présentée comme une femme ordinaire, peut-être un peu effacée. Mais c’est dans la mort qu’elle acquiert une dimension presque mythique. Elle devient le symbole de la culpabilité de Fernand, une présence intangible mais écrasante qui le poursuit sans relâche.
Les apparitions supposées de Mireille, qu’elles soient réelles ou le fruit de l’imagination tourmentée de Fernand, sont les moments les plus chargés de tension dans le roman. Elles représentent la manifestation physique des remords de Fernand, sa peur d’être découvert, et peut-être même une forme de justice surnaturelle.
La figure de Mireille sert également de catalyseur pour explorer les thèmes du doute et de la réalité. Sa présence/absence crée une ambiguïté constante, obligeant le lecteur à questionner la nature même des événements décrits.
En conclusion, ces trois personnages forment un triangle relationnel complexe qui alimente la tension psychologique du roman. Fernand, avec sa faiblesse et sa culpabilité croissante, Lucienne avec sa froideur manipulatrice, et Mireille, présence fantomatique symbolisant le remords et l’inéluctabilité de la justice, s’entremêlent pour créer une intrigue psychologique dense et fascinante. C’est à travers leurs interactions et leurs évolutions que Boileau et Narcejac explorent les thèmes profonds de la culpabilité, de la manipulation et de la nature même de la réalité.
Style et Techniques Narratives
Boileau-Narcejac, dans « Celle qui n’était plus », déploient un arsenal de techniques narratives qui font de ce roman un chef-d’œuvre du suspense psychologique. Leur style, à la fois limpide et sophistiqué, sert parfaitement l’intrigue complexe qu’ils ont tissée.
Clarté et efficacité du style
Le style d’écriture adopté par Boileau-Narcejac se caractérise par sa clarté et son efficacité. Les phrases sont généralement courtes et directes, ce qui permet une lecture fluide et rapide. Cette apparente simplicité est trompeuse, car elle cache une construction narrative extrêmement élaborée.
Les auteurs excellent dans l’art de la description concise mais évocatrice. Chaque mot est choisi avec soin pour créer une image mentale précise chez le lecteur. Que ce soit pour décrire un état d’esprit, un lieu, ou une action, leur prose ne s’embarrasse pas de fioritures inutiles, allant droit à l’essentiel.
Cette économie de style contribue grandement à l’atmosphère oppressante du roman. Les silences, les non-dits, deviennent aussi importants que ce qui est explicitement décrit, laissant au lecteur le soin de remplir les blancs avec son imagination, souvent de la manière la plus inquiétante possible.
Maîtrise du suspense
La gestion du suspense est l’un des points forts de Boileau-Narcejac. Ils utilisent plusieurs techniques pour maintenir le lecteur en haleine :
- Le dosage de l’information : Les auteurs distillent les informations au compte-gouttes, révélant juste assez pour intriguer le lecteur sans jamais totalement satisfaire sa curiosité.
- Les fausses pistes : Ils excellent dans l’art de créer des fausses pistes crédibles, amenant le lecteur à formuler des hypothèses qui seront ensuite démenties.
- Le rythme narratif : Alternant entre moments de calme apparent et accélérations soudaines, ils créent une tension palpable qui ne se relâche jamais vraiment.
- Les cliffhangers : Chaque chapitre se termine souvent sur une note de suspense, incitant le lecteur à poursuivre sa lecture.
Création d’une atmosphère oppressante
L’atmosphère est un élément crucial du roman. Boileau-Narcejac parviennent à créer un sentiment d’oppression croissante à travers plusieurs procédés :
- Les descriptions sensorielles : Ils font appel à tous les sens du lecteur, créant une ambiance presque palpable.
- La météorologie comme miroir psychologique : Les conditions météorologiques reflètent souvent l’état d’esprit de Fernand, renforçant l’atmosphère générale.
- Les lieux clos : L’utilisation fréquente d’espaces confinés accentue le sentiment de claustrophobie.
Jeu sur la perception
Un des aspects les plus fascinants de leur technique narrative est la façon dont ils jouent avec la perception du lecteur. En adoptant principalement le point de vue de Fernand, ils nous font partager ses doutes, ses angoisses, et ses hallucinations potentielles.
Cette focalisation interne crée une ambiguïté constante : le lecteur ne sait jamais avec certitude si ce qui est décrit est réel ou le fruit de l’imagination troublée de Fernand. Cette incertitude est au cœur du suspense psychologique du roman.
Les auteurs utilisent également des techniques de narration non linéaire, avec des flashbacks et des sauts temporels qui contribuent à désorienter le lecteur, reflétant ainsi l’état d’esprit confus du protagoniste.
Retournements de situation
Boileau-Narcejac excellent dans l’art du retournement de situation. Ces twists ne sont jamais gratuits, mais toujours soigneusement préparés, semant des indices subtils que le lecteur attentif peut repérer. Ces retournements servent non seulement à surprendre, mais aussi à approfondir la complexité psychologique des personnages et à remettre en question les certitudes du lecteur.
Dialogue et monologue intérieur
Les dialogues sont utilisés avec parcimonie mais efficacité, souvent chargés de sous-entendus et de non-dits. Mais c’est peut-être dans l’utilisation du monologue intérieur que Boileau-Narcejac excellent le plus. Ces passages nous plongent directement dans l’esprit tourmenté de Fernand, nous faisant vivre de l’intérieur sa descente dans la paranoïa et la folie.
En conclusion, le style et les techniques narratives employés par Boileau-Narcejac dans « Celle qui n’était plus » sont un exemple parfait de la façon dont la forme peut servir le fond. Chaque aspect de leur écriture – de la structure des phrases à la construction globale du récit – contribue à créer une expérience de lecture immersive et profondément troublante, faisant de ce roman un classique incontournable du genre.
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Adaptations et Influence
Adaptation cinématographique : « Les Diaboliques »
L’adaptation cinématographique de « Celle qui n’était plus » par Henri-Georges Clouzot en 1955 sous le titre « Les Diaboliques » a joué un rôle crucial dans la popularisation de l’œuvre :
- Un classique du cinéma français : « Les Diaboliques » est rapidement devenu un film culte, reconnu pour sa tension psychologique et son atmosphère oppressante. Il a remporté le prix Louis-Delluc en 1954 et a été acclamé par la critique internationale.
- Innovations cinématographiques : Clouzot a su transposer à l’écran l’ambiance angoissante du roman, utilisant des techniques novatrices de mise en scène et de montage qui ont influencé de nombreux réalisateurs par la suite.
- Performances mémorables : Le film a bénéficié d’interprétations remarquables, notamment de Simone Signoret et Véra Clouzot, qui ont donné vie aux personnages complexes du roman.
- Rayonnement international : « Les Diaboliques » a contribué à faire connaître l’œuvre de Boileau-Narcejac bien au-delà des frontières françaises, attirant l’attention d’Hollywood sur leur travail.
Influence sur la littérature et le cinéma
L’impact de « Celle qui n’était plus » et de son adaptation ne s’est pas limité à leur succès immédiat :
- Renouveau du thriller psychologique : Le roman a contribué à redéfinir les codes du thriller psychologique, inspirant de nombreux auteurs à explorer les aspects psychologiques du crime et de la culpabilité.
- Influence sur le cinéma de suspense : L’adaptation de Clouzot a influencé de nombreux cinéastes, dont Alfred Hitchcock, qui a ensuite adapté un autre roman de Boileau-Narcejac, « D’entre les morts », pour son film « Vertigo ».
- Nouvelles adaptations : Le succès de « Les Diaboliques » a conduit à d’autres adaptations de l’œuvre de Boileau-Narcejac, renforçant leur statut d’auteurs incontournables du genre.
- Inspiration pour la littérature contemporaine : De nombreux auteurs contemporains de thrillers psychologiques reconnaissent l’influence de Boileau-Narcejac dans leur travail.
Héritage littéraire
« Celle qui n’était plus » a laissé une empreinte durable dans le paysage littéraire :
- Reconnaissance critique : Le roman est aujourd’hui considéré comme un classique de la littérature policière française, étudié dans les universités et régulièrement cité comme une œuvre majeure du genre.
- Rééditions et traductions : L’œuvre continue d’être rééditée et traduite dans de nombreuses langues, témoignant de son attrait durable.
- Influence sur le roman noir français : Boileau-Narcejac ont contribué à élever le statut du roman policier en France, ouvrant la voie à une nouvelle génération d’auteurs.
Impact culturel plus large
L’influence de « Celle qui n’était plus » s’étend au-delà de la littérature et du cinéma :
- Référence culturelle : L’œuvre et son adaptation sont devenues des références culturelles, souvent citées ou parodiées dans d’autres médias.
- Discussions sur la psychologie criminelle : Le roman a stimulé des discussions sur la psychologie du crime et la nature de la culpabilité, influençant même le domaine de la criminologie.
- Réflexions sur le genre : L’œuvre a contribué à brouiller les frontières entre littérature « populaire » et « sérieuse », participant au débat sur la valeur artistique du roman policier.
En conclusion, « Celle qui n’était plus » a laissé une empreinte indélébile dans le paysage culturel, non seulement en tant qu’œuvre littéraire et cinématographique marquante, mais aussi comme une influence durable sur le genre du thriller psychologique. Son héritage continue de se faire sentir dans la littérature, le cinéma et la culture populaire, témoignant de la puissance et de l’universalité de son propos.
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Le mot de la fin
« Celle qui n’était plus » de Boileau-Narcejac demeure, plus de sept décennies après sa publication, une œuvre magistrale qui transcende les frontières du simple roman policier. Ce chef-d’œuvre littéraire est bien plus qu’une intrigue captivante ; c’est une plongée vertigineuse dans les abysses de l’âme humaine.
L’alchimie unique créée par le duo Boileau-Narcejac réside dans leur capacité à entrelacer habilement plusieurs éléments :
- Une intrigue finement ciselée : Les auteurs ont construit un récit d’une précision d’horloger, où chaque élément s’imbrique parfaitement dans un ensemble cohérent. Les rebondissements, loin d’être gratuits, servent à approfondir la complexité psychologique des personnages et à maintenir le lecteur dans un état de tension constante.
- Des personnages d’une profondeur remarquable : Fernand, Lucienne et Mireille ne sont pas de simples archétypes, mais des êtres humains complexes et contradictoires. Leur évolution psychologique au fil du récit est décrite avec une acuité qui force l’admiration. En particulier, la descente aux enfers de Fernand est dépeinte avec une précision clinique qui rend son tourment presque palpable.
- Une exploration psychologique sans concession : Le roman va bien au-delà d’une simple enquête criminelle. Il sonde les recoins les plus sombres de la psyché humaine, explorant des thèmes universels tels que la culpabilité, la paranoïa, et la nature fragile de notre perception de la réalité. Cette dimension psychologique ajoute une profondeur considérable à l’œuvre, la rendant pertinente bien au-delà des frontières du genre policier.
- Une atmosphère oppressante magistralement orchestrée : Boileau-Narcejac excellent dans l’art de créer une ambiance de tension croissante. L’angoisse qui imprègne chaque page du roman est le résultat d’une maîtrise narrative exceptionnelle, où chaque mot, chaque silence, contribue à l’oppression ressentie par le lecteur.
- Un style d’écriture efficace et évocateur : La prose de Boileau-Narcejac, à la fois claire et riche en sous-entendus, permet une immersion totale dans l’univers du roman. Leur capacité à suggérer plutôt qu’à expliciter laisse une large place à l’imagination du lecteur, renforçant ainsi l’impact émotionnel de l’œuvre.
L’influence durable de « Celle qui n’était plus » sur la littérature et le cinéma témoigne de sa qualité exceptionnelle. Son adaptation cinématographique par Henri-Georges Clouzot, « Les Diaboliques », est devenue un classique du septième art, élargissant encore l’audience de cette histoire captivante.
Pour les amateurs de thrillers psychologiques, ce roman reste un incontournable, une référence à l’aune de laquelle de nombreuses œuvres ultérieures ont été jugées. Sa capacité à fasciner des générations successives de lecteurs prouve que les thèmes qu’il aborde sont universels et intemporels.
Mais au-delà du public averti, « Celle qui n’était plus » mérite d’être lu par quiconque s’intéresse à la complexité de la nature humaine. C’est une œuvre qui interroge nos certitudes, qui nous pousse à réfléchir sur la fragilité de notre perception du monde et sur les conséquences de nos actes.
En conclusion, « Celle qui n’était plus » n’est pas seulement un excellent roman policier, c’est une exploration psychologique profonde, une réflexion sur la culpabilité et la nature de la réalité, et un témoignage du pouvoir de la littérature à nous faire vivre des expériences intenses et transformatrices. C’est une œuvre qui reste gravée dans l’esprit longtemps après sa lecture, invitant à de multiples relectures pour en saisir toutes les subtilités. Dans le panthéon de la littérature française du XXe siècle, ce roman de Boileau-Narcejac occupe une place de choix, rappelant que le genre policier peut atteindre les sommets de l’art littéraire.
Extrait Première Page du livre
« I
— Fernand, je t’en supplie, cesse de marcher !
Ravinel s’arrêta devant la fenêtre, écarta le rideau. Le brouillard s’épaississait. Il était jaune autour des lampadaires qui éclairaient le quai, verdâtre sous les becs de gaz de la rue. Parfois, il se gonflait en volutes, en fumées lourdes et, parfois, il se changeait en poussière d’eau, en pluie très fine dont les gouttes brillaient, suspendues. Le château avant du Smoelen apparaissait confusément, dans des trous de brume, avec ses hublots éclairés. Quand Ravinel restait immobile, on entendait, par bouffées, la musique d’un phonographe. On savait que c’était un phonographe, car chaque morceau durait trois minutes environ. Il y avait un silence très bref. Le temps de retourner le disque. Et la musique recommençait. Elle venait du cargo.
— Dangereux ! observa Ravinel. Suppose que quelqu’un du bateau voie Mireille entrer ici !
— Penses-tu ! fit Lucienne. Elle va s’entourer de tant de précautions… Et puis, des étrangers ! Qu’est-ce qu’ils pourraient raconter ?
D’un revers de manche, il essuya la vitre que sa respiration couvrait de buée. Son regard, passant au-dessus de la grille du minuscule jardinet, découvrait, à gauche, un pointillé de lumières pâles et d’étranges constellations de feux rouges et verts, les uns, semblables à de petites roues dentelées, comme des flammes de cierges au fond d’une église, les autres, presque phosphorescents comme des lucioles. Ravinel reconnaissait sans peine la courbe du quai de la Fosse, le sémaphore de l’ancienne gare de la Bourse et le fanal du passage à niveau, la lanterne suspendue aux chaînes qui interdisent, la nuit, l’accès au pont transbordeur, et les feux de position du Cantal, du Cassard et du Smoelen. À droite, commençait le quai Ernest-Renaud. La lueur d’un bec de gaz tombait en reflets blêmes sur des rails, découvrait du pavé mouillé. À bord du Smoelen, le phono jouait des valses viennoises.
— Elle prendra peut-être un taxi, tout au moins jusqu’au coin de la rue, dit Lucienne.
Ravinel lâcha le rideau, se retourna.
— Elle est trop économe, murmura-t-il.
De nouveau, le silence. Ravinel recommença de déambuler. Onze pas de la fenêtre à la porte. Lucienne se limait les ongles et, de temps en temps, levait sa main vers le plafonnier, la faisant tourner lentement comme un objet de prix. Elle avait gardé son manteau, mais avait insisté pour qu’il prît, lui, sa robe de chambre, enlevât son col et sa cravate, enfilât ses pantoufles. « Tu viens de rentrer. Tu es fatigué. Tu te mets à l’aise avant de manger… Tu comprends ? »
Il comprenait parfaitement. Et même, il comprenait trop bien, avec une espèce de lucidité désespérée. Lucienne avait tout prévu. Comme il s’apprêtait à sortir une nappe du buffet, elle l’avait rabroué, de sa voix rauque, habituée à commander.
— Non, pas de nappe. Tu arrives. Tu es seul. Tu manges sur la toile cirée, rapidement.
Elle avait elle-même disposé son couvert : la tranche de jambon, dans son papier, était jetée négligemment entre la bouteille de vin et la carafe. L’orange était posée sur la boîte de camembert.
« Une jolie nature morte », avait-il pensé. Et il était resté, un long moment, glacé, incapable de faire un mouvement, les mains pleines de sueur.
— Il manque quelque chose, avait remarqué Lucienne. Voyons ! Tu te déshabilles… Tu vas manger… tout seul… Tu n’as pas la radio… J’y suis ! Tu jettes un coup d’œil sur tes commandes de la journée. C’est normal !
— Mais je t’assure…
— Passe-moi ta serviette !
Elle avait éparpillé, sur un coin de la table, les feuilles dactylographiées dont l’en-tête représentait une ligne à lancer et une épuisette, croisées comme des fleurets. Maison Blache et Lehuédé – 45, boulevard de Magenta – Paris. »
- Titre : Celle qui n’était plus
- Auteur : Boileau-Narcejac
- Éditeur : Gallimard
- Pays : France
- Parution : 1952
Je m’appelle Manuel et je suis passionné par les polars depuis plus de 60 ans, une passion qui ne montre aucun signe d’essoufflement.