Eduardo Mendoza et la tradition picaresque espagnole
Publié en 1979, en 1982 en France, « Le mystère de la crypte ensorcelée » marque l’entrée d’Eduardo Mendoza dans un genre qui fera sa renommée : le roman policier humoristique. L’auteur barcelonais y renoue brillamment avec la tradition picaresque, un genre littéraire typiquement espagnol né au XVIe siècle, dont « Lazarillo de Tormes » fut l’œuvre fondatrice.
La figure du pícaro, ce héros anti-conventionnel d’origine modeste, débrouillard et marginalisé, trouve dans le protagoniste anonyme de Mendoza une incarnation moderne saisissante. Notre narrateur, sorti temporairement d’un asile psychiatrique pour résoudre une énigme, perpétue cette lignée de personnages déclassés mais dotés d’une lucidité surprenante sur la société qui les entoure.
À travers son personnage principal, Mendoza conserve l’essence même du genre picaresque : le regard décalé sur un monde absurde. Cette perspective de l’outsider, caractéristique du pícaro, permet à l’auteur de porter un regard critique mais jamais moralisateur sur la Barcelone post-franquiste des années 1970, époque de transition démocratique en Espagne.
L’humour ravageur qui traverse le roman s’inscrit également dans cette tradition littéraire espagnole. Le ton autodérisoire du narrateur, sa façon de détailler ses misères avec une éloquence surprenante, rappelle la prose de Quevedo ou de Cervantes, tout en s’inscrivant dans une modernité évidente.
Mendoza renouvelle cependant le genre en y intégrant les codes du roman policier. Son détective improvisé, avec son langage parfois ampoulé contrastant avec ses origines modestes, crée un décalage comique emblématique de cette fusion entre tradition picaresque et fiction contemporaine.
L’écrivain catalan réussit donc ce tour de force littéraire : ressusciter l’esprit de la littérature picaresque classique tout en créant une œuvre profondément ancrée dans son époque. Cette alliance entre héritage culturel espagnol et sensibilité contemporaine fait du « Mystère de la crypte ensorcelée » une œuvre à la fois accessible et d’une grande richesse littéraire.
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Un narrateur atypique et inoubliable
Au cœur du succès du « Mystère de la crypte ensorcelée » se trouve son narrateur extraordinaire, ce détective anonyme sorti d’un asile psychiatrique pour résoudre une énigme. Sans nom propre – il est identifié uniquement par des sobriquets peu flatteurs – ce personnage devient paradoxalement l’une des voix les plus mémorables de la littérature espagnole contemporaine.
La force de ce protagoniste réside dans sa narration à la première personne, déployant un langage qui oscille entre l’argot des bas-fonds et une rhétorique prétentieuse et ampoulée. Cette dualité linguistique crée un effet comique constant : notre anti-héros s’exprime tantôt comme un académicien, tantôt comme un voyou, révélant un personnage complexe derrière sa façade de marginal.
Sa lucidité sur sa propre condition est désarmante. Le narrateur reconnaît sans détour être « un fou, un scélérat, un délinquant », mais cette auto-définition s’accompagne d’une intelligence aiguë et d’une capacité d’observation qui transforment ses défauts en qualités d’enquêteur. Sa franchise brutale devient ainsi son arme la plus efficace pour naviguer dans une société hypocrite.
L’humour noir qui émane de sa perception du monde constitue la signature du roman. Les situations les plus absurdes ou dangereuses sont relatées avec un détachement cynique qui provoque simultanément rire et compassion. Ce regard décalé sur les événements transforme une simple enquête en une odyssée tragicomique inoubliable.
Sa condition physique même contribue à sa singularité : malodorant, mal habillé, affamé, il traverse l’intrigue comme un être à la marge, mais dont l’humanité fondamentale transparaît à chaque page. Son instinct de survie, sa débrouillardise et son absence totale de prétention en font un héros attachant malgré – ou grâce à – ses nombreux défauts.
La création de Mendoza brille par cette ambivalence constante : notre narrateur n’est ni complètement fou ni entièrement sain d’esprit, ni totalement innocent ni absolument coupable. Cette zone grise morale et psychologique, explorée avec finesse et humour, fait de ce personnage sans nom une figure littéraire d’une richesse rare, dont l’influence se ressent encore dans le roman contemporain.
Barcelone en transition : le cadre social et politique de l’œuvre
« Le mystère de la crypte ensorcelée » s’inscrit dans un contexte historique précis et déterminant : l’Espagne de la fin des années 1970, en pleine transition démocratique après la mort de Franco. Mendoza capture avec brio cette période charnière à travers une Barcelone en mutation, où cohabitent les vestiges du régime autoritaire et les premiers souffles de liberté.
La ville catalane devient sous sa plume un véritable personnage, avec ses quartiers contrastés qui reflètent les divisions sociales persistantes. D’un côté, le quartier huppé de Saint-Gervais avec ses collèges religieux et ses villas bourgeoises ; de l’autre, les bas-fonds du « quartier chinois » où survit notre protagoniste, entre bars miteux et pensions insalubres.
Cette géographie urbaine sert de toile de fond à une critique sociale subtile. Le narrateur, par sa position marginale, traverse ces différents milieux sans appartenir à aucun, offrant un regard lucide sur les hypocrisies d’une société en transition. Son parcours dévoile les contradictions d’un pays où le changement politique n’a pas encore transformé les structures sociales.
Les institutions sont particulièrement visées par le regard acéré de l’auteur. L’Église, représentée par les sœurs lazaristes, la police encore marquée par les méthodes répressives de la dictature, et les asiles psychiatriques devenus lieux de relégation sociale, forment un triangle de pouvoir dont le narrateur fait les frais.
Les références politiques, quoique discrètes, parsèment le récit. Lorsque le protagoniste crie des slogans de gauche pour échapper à la police, ou quand il évoque des personnages nostalgiques du franquisme, Mendoza livre un témoignage de cette période d’incertitude où les forces progressistes et conservatrices s’affrontaient dans l’espace public.
La force du roman réside dans cette capacité à peindre une époque charnière sans jamais tomber dans le pamphlet. À travers les pérégrinations de son anti-héros, Mendoza offre un portrait saisissant d’une Barcelone à la croisée des chemins, où les structures sociales rigides commencent à se fissurer, annonçant l’émergence de la société espagnole contemporaine.

L’intrigue policière au service de la satire sociale
La trame du « Mystère de la crypte ensorcelée » emprunte au roman policier classique ses ressorts essentiels : une disparition inexpliquée, un détective improbable et une enquête semée d’embûches. Mais Mendoza détourne brillamment ces codes pour déployer une satire sociale mordante, où l’intrigue criminelle devient le révélateur des dysfonctionnements de la société espagnole post-franquiste.
L’énigme des pensionnaires qui disparaissent mystérieusement du collège des sœurs lazaristes permet à l’auteur d’explorer les milieux les plus contrastés de Barcelone. Des quartiers bourgeois aux bas-fonds, des institutions religieuses aux commissariats, l’enquête traverse tous les milieux sociaux et révèle les contradictions d’une Espagne en pleine mutation.
Le commissaire Flores incarne cette ambivalence institutionnelle : représentant de l’ordre mais corrompu, capable de violence gratuite mais parfois d’une étrange courtoisie. Sa collaboration forcée avec notre narrateur, ancien détenu d’asile psychiatrique, illustre la précarité des alliances dans cette période charnière où les règles sociales se recomposent.
L’investigation se déploie comme un jeu de miroirs déformants, où chaque indice révèle davantage sur la société que sur le crime lui-même. La disparition des jeunes filles ouvre une fenêtre sur l’hypocrisie des élites, le silence complice des institutions et la vulnérabilité des exclus dans un système encore profondément inégalitaire.
Mendoza subvertit également les attentes du lecteur en matière d’enquête policière. Les déductions de son détective improvisé relèvent autant du hasard que de la logique, ses méthodes sont discutables, et sa quête de vérité est indissociable de sa propre survie. Cette déconstruction du genre policier reflète l’instabilité d’une société en transition.
La force satirique du roman s’appuie sur cette structure d’enquête pour ausculter tous les recoins de la société barcelonaise. En suivant les pérégrinations de ce détective marginal, le lecteur découvre une radiographie sociale implacable mais jamais dénuée d’humanité, où l’absurdité de l’intrigue fait écho aux contradictions d’un pays cherchant à redéfinir son identité après des décennies d’autoritarisme.
Un style narratif entre humour noir et autodérision
L’originalité du « Mystère de la crypte ensorcelée » repose en grande partie sur son style narratif unique, où l’humour noir et l’autodérision se conjuguent pour créer une voix littéraire inoubliable. Mendoza excelle dans l’art de transformer les situations les plus dramatiques ou sordides en scènes d’un comique irrésistible, grâce au regard décalé de son narrateur.
La prose du roman oscille constamment entre registre familier et langage ampoulé, créant un effet de dissonance cognitive qui provoque le rire. Ce contraste stylistique reflète parfaitement la personnalité du protagoniste, ce marginal doté d’une culture autodidacte qui lui permet de manier tantôt l’argot des bas-fonds, tantôt une rhétorique quasi académique.
L’autodérision du narrateur constitue l’une des principales sources d’humour du récit. Sa façon de décrire sans complaisance sa propre laideur, sa malchance chronique ou ses échecs successifs crée une complicité immédiate avec le lecteur. Cette lucidité désarmante sur sa condition transforme ce personnage pathétique en héros attachant.
Les descriptions physiques sont particulièrement révélatrices de ce style unique. Qu’il s’agisse de sa sœur Candida, « dont le corps trapézoïdal lui donnait un air de nain qui a grandi », ou de ses propres « émanations auxiliaires », le narrateur déploie un talent d’observation caustique qui transforme la laideur en art littéraire.
La narration regorge également d’inventaires minutieux et absurdes, comme la liste des objets trouvés dans les poches du Suédois mort, détaillant jusqu’aux « orifices nasaux, auditifs et rectal : néant ». Ces énumérations obsessionnelles révèlent une conscience narrative qui transforme le banal en burlesque par la seule puissance du style.
Le génie de Mendoza transparaît dans cette alchimie stylistique qui parvient à allier critique sociale acerbe et comique libérateur. En créant un narrateur capable d’autodérision mais jamais cynique, dont l’humanité profonde transparaît à travers les pires situations, l’auteur invente une voix littéraire qui transcende sa propre marginalité pour atteindre une forme d’universalité dans l’absurde de la condition humaine.
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Les personnages secondaires : un panorama de la société barcelonaise
Si le narrateur anonyme occupe le devant de la scène, les personnages secondaires du « Mystère de la crypte ensorcelée » composent une galerie de portraits savoureux qui dessine un véritable panorama de la société barcelonaise post-franquiste. Mendoza déploie un talent caricatural exceptionnel pour croquer ces figures archétypales dont les traits grossis révèlent les contradictions sociales de l’époque.
Candida, la sœur du protagoniste, incarne la figure du déclassement social dans toute sa cruauté. Prostituée vieillissante aux illusions tenaces, elle est décrite sans complaisance mais jamais sans tendresse. Son attachement à l’idée qu’elle ressemble à Juanita Reina malgré son physique ingrat traduit ce besoin d’illusion qui permet de survivre dans les marges.
Le commissaire Flores représente l’ambiguïté des institutions durant cette période transitoire. Violent et corrompu, mais capable d’une étrange courtoisie, il symbolise la persistance des méthodes autoritaires dans une Espagne officiellement démocratisée. Sa relation avec le narrateur, mêlant mépris et dépendance mutuelle, illustre la reconfiguration chaotique des rapports de pouvoir.
Les religieuses du collège Saint-Gervais, avec leurs silences complices et leurs accommodements moraux, incarnent l’hypocrisie d’une Église ayant longtemps servi de pilier idéologique au régime franquiste. La confrontation entre l’ancienne et la nouvelle mère supérieure souligne les tensions au sein même de cette institution face aux changements sociaux.
Le jardinier Cagomelo Purga, avec sa dévotion naïve et sa sexualité réprimée, offre un contrepoint tragi-comique aux élites barcelonaises. Sa description du mariage chaste qu’il partageait avec sa défunte épouse – « Quand la passion était sur le point de nous vaincre, je frappais mon épouse à coups de ceinturon » – synthétise l’absurdité des mœurs imposées par le national-catholicisme.
L’art de Mendoza s’exprime pleinement dans cette mosaïque humaine où chaque personnage, même le plus fugace, devient emblématique d’une réalité sociale. Des petites bonnes bavardant devant les immeubles luxueux aux clients interlopes des bars miteux, en passant par le majordome des Peraplana, ces figures secondaires constituent les pièces d’un puzzle sociologique impitoyable mais jamais dénué d’humanité.
La structure du récit : entre enquête policière et quête identitaire
« Le mystère de la crypte ensorcelée » présente une architecture narrative sophistiquée qui dépasse largement le cadre du simple polar. Si l’intrigue suit ostensiblement la structure classique du roman d’enquête, avec ses indices, ses fausses pistes et ses révélations, Mendoza la double d’une quête identitaire qui transforme cette investigation en véritable odyssée personnelle.
Le récit avance selon une logique picaresque traditionnelle, où chaque rencontre devient une aventure autonome tout en contribuant à la progression générale de l’intrigue. Les épisodes successifs – l’entrevue avec Candida, l’interrogatoire du jardinier, la confrontation avec Isabel Peraplana – constituent autant de tableaux d’une société en transition qu’ils ne font avancer l’enquête.
La narration à la première personne, immédiate et sans recul, crée un effet d’urgence qui colle parfaitement à la situation précaire du protagoniste. Le lecteur découvre les indices en même temps que le détective improvisé, partageant ses erreurs d’interprétation et ses moments de lucidité dans un présent perpétuel qui renforce l’identification malgré l’étrangeté du personnage.
Le temps joue un rôle crucial dans cette structure narrative. L’enquête présente se superpose à une affaire similaire survenue six ans plus tôt, créant un jeu de miroirs temporels qui suggère une répétition cyclique des événements. Cette construction en écho renforce le sentiment d’une société figée malgré les apparences de changement.
Les digressions constantes du narrateur, ses commentaires métalinguistiques et ses réflexions philosophiques improvisées participent pleinement à la richesse structurelle de l’œuvre. Loin d’être de simples ornements stylistiques, ces apartés révèlent la quête identitaire qui sous-tend l’enquête policière : celle d’un homme tentant de reconquérir sa place dans le monde.
La construction du « Mystère de la crypte ensorcelée » trouve son originalité dans cette tension permanente entre progression de l’intrigue et exploration existentielle. En fusionnant les codes du roman policier et ceux du récit picaresque, Mendoza crée une structure narrative hybride parfaitement adaptée à cette époque de transition, où l’identité individuelle et collective de l’Espagne se reconstruit sur les ruines incertaines du franquisme.
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Eduardo Mendoza et la réinvention du roman policier post-franquiste
« Le mystère de la crypte ensorcelée » occupe une place particulière dans le paysage littéraire espagnol contemporain. Publié en 1979, ce roman a marqué un tournant dans la carrière d’Eduardo Mendoza, mais aussi dans l’évolution du roman post-franquiste, en proposant une voie originale entre littérature populaire et expérimentation formelle.
L’accueil critique fut d’emblée enthousiaste, reconnaissant dans cette œuvre la naissance d’une voix singulière. Son succès public, soutenu par le bouche-à-oreille, a confirmé la capacité de Mendoza à créer une littérature exigeante tout en restant accessible à un large lectorat. Cette double réception explique en partie la place particulière qu’occupe le roman dans le panthéon littéraire espagnol.
L’influence de ce premier volet d’une trilogie qui se poursuivra avec « Le labyrinthe aux olives » et « L’aventure du tocador de señoras » se mesure à l’aune des nombreux écrivains espagnols qui s’en sont inspirés. En réinventant le roman policier comme vecteur de satire sociale, Mendoza a ouvert la voie à toute une génération d’auteurs mêlant genres populaires et ambition littéraire.
Le personnage du détective anonyme, avec son regard décalé et sa langue inimitable, est devenu une figure culturelle qui dépasse le cadre strict de la littérature. Son retour dans les romans suivants de la trilogie a été accueilli comme celui d’une vieille connaissance par les lecteurs, témoignant de la force de cette création qui a imprimé sa marque dans l’imaginaire collectif espagnol.
La traduction de l’œuvre dans de nombreuses langues a contribué au rayonnement international de la littérature espagnole contemporaine. En France notamment, où le roman a été traduit par Anabel Herbout et Edgardo Cozarinsky, « Le mystère de la crypte ensorcelée » a fait découvrir à un public étranger cette vision à la fois tendre et caustique de l’Espagne post-franquiste.
Le charme singulier de cette œuvre perdure à travers les décennies, confirmant son statut de classique moderne. En associant tradition picaresque et modernité narrative, en conjuguant critique sociale et plaisir de lecture, Eduardo Mendoza a créé avec « Le mystère de la crypte ensorcelée » un roman emblématique de cette période charnière de l’histoire espagnole, tout en offrant une exploration universelle des marges de la société et de la condition humaine.
Mots-clés : Picaresque, Satire sociale, Barcelone, Post franquisme, Humour noir, Roman policier, Années 70
Extrait Première Page du livre
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Une visite inattendue
Nous étions partis pour gagner, nous pouvions y arriver. La tactique conçue par moi – qu’on me passe l’immodestie ! –, le dur entraînement auquel j’avais soumis les garçons, le cran qu’à force de menaces je leur avais inculqué : autant d’éléments en notre faveur. Tout allait bien ; nous étions sur le point de marquer un but ; l’ennemi s’effondrait. C’était une belle matinée d’avril ensoleillée et je notai en douce que les mûriers bordant le terrain semblaient couverts d’un aromatique duvet jaunâtre, indice de printemps. À partir de là, tout commença à aller mal : le ciel se couvrit sans avis préalable et Carrascosa, le type de la salle 13, que j’avais chargé d’assurer une défense musclée à technique contondante, se jeta sur le sol en criant qu’il ne voulait pas voir ses mains tachées de sang humain – ce que personne ne lui avait demandé – et que, du ciel, sa mère lui reprochait son agressivité, pas moins coupable pour avoir été inculquée. Par bonheur, mes fonctions d’avant se doublant de celles d’arbitre, je réussis, non sans déclencher les protestations, à annuler le but qu’ils venaient de nous assener. Mais je savais qu’une fois la détérioration entamée, personne ne l’arrêterait plus et que notre avenir sportif pendait, pour ainsi dire, à un fil. Quand je vis que Tonito se mettait à donner des coups de tête dans le poteau des buts ennemis, laissant filer les passes longues et, pourquoi le nier, précises que je lui lançais du milieu du terrain, je compris qu’il n’y avait plus rien à faire, que nous ne serions pas champions encore cette année-là.
Ça ne me gêna donc pas outre mesure que le docteur Chulferga, si tel est bien son nom, car je ne l’avais jamais vu écrit et je suis un peu dur de la feuille, me fasse signe d’abandonner la partie et de le rejoindre au-delà de la ligne de réparation ; il voulait me dire je ne sais quoi. Le docteur Chulferga était jeune, bas sur pattes, carré de corps, et se payait une barbe aussi épaisse que le verre de ses lunettes couleur caramel. Il était arrivé depuis peu d’Amérique du Sud, et déjà personne ne l’aimait. Je le saluai avec ce qu’il fallait de déférence pour dissimuler mon trouble.
— Le docteur Sugranes veut te voir, me dit-il.
Et moi de lui renvoyer la balle :
— Ce sera un plaisir. «
- Titre : La crypte ensorcelée
- Titre original : El misterio de la cripta embrujada
- Auteur : Eduardo Mendoza
- Éditeur : Éditions du Seuil
- Nationalité : Espagne
- Date de sortie en France : 1982
- Date de sortie en Espagne : 1979

Je m’appelle Manuel et je suis passionné par les polars depuis une soixantaine d’années, une passion qui ne montre aucun signe d’essoufflement.
Un roman que l’on a envie de découvrir.
A lire absolument Belette ! C’est à mourir de rire et ça n’a pas pris une ride, pour l’avoir lu plusieurs fois !