Famille, honneur et pouvoir : Décryptage du ‘Parrain’ de Mario Puzo

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Introduction : L’héritage littéraire du « Parrain »

« Le Parrain » de Mario Puzo, publié en 1969, s’est rapidement imposé comme un pilier de la littérature américaine contemporaine. Ce roman, qui plonge le lecteur dans les profondeurs de la mafia italo-américaine, a non seulement captivé des millions de lecteurs à travers le monde, mais a également redéfini le genre du roman policier et de la saga familiale.

Dès sa parution, « Le Parrain » a connu un succès fulgurant, restant en tête des ventes pendant de nombreuses semaines et s’écoulant à des millions d’exemplaires. Ce succès commercial s’est rapidement doublé d’une reconnaissance critique, faisant de Puzo l’un des auteurs les plus respectés de sa génération. L’œuvre a su transcender les frontières du simple divertissement pour s’imposer comme un véritable phénomène culturel.

L’impact de « Le Parrain » sur la littérature contemporaine est indéniable. Puzo a réussi à humaniser le monde du crime organisé, offrant une perspective nuancée sur des personnages traditionnellement perçus comme de simples antagonistes. Cette approche a ouvert la voie à de nombreux auteurs qui ont exploré par la suite les zones grises de la moralité et les complexités de la vie criminelle.

Au-delà de son influence littéraire, « Le Parrain » a profondément marqué l’imaginaire collectif. Les personnages créés par Puzo, en particulier Don Vito Corleone et son fils Michael, sont devenus des archétypes culturels, souvent référencés et parodiés dans divers médias. Le roman a également contribué à façonner la perception populaire de la mafia italo-américaine, pour le meilleur et pour le pire.

L’adaptation cinématographique du roman par Francis Ford Coppola en 1972 a encore amplifié l’héritage de l’œuvre. Le film, considéré comme l’un des plus grands chefs-d’œuvre du cinéma, a donné une nouvelle dimension aux personnages et à l’histoire, renforçant leur statut iconique dans la culture populaire.

L’influence de « Le Parrain » s’étend bien au-delà du domaine littéraire. Le roman a inspiré de nombreuses séries télévisées, jeux vidéo et même des documentaires explorant la réalité derrière la fiction. Il a également suscité un intérêt renouvelé pour l’histoire de la mafia et son rôle dans la société américaine.

Plus de cinquante ans après sa publication, « Le Parrain » continue de fasciner les lecteurs et d’inspirer les créateurs. Son exploration des thèmes universels tels que la famille, le pouvoir et la moralité reste d’une pertinence frappante. L’œuvre de Puzo demeure un point de référence incontournable pour quiconque s’intéresse à la littérature américaine du XXe siècle ou au genre du roman criminel.

En conclusion, l’héritage littéraire du « Parrain » est à la fois vaste et profond. Ce roman a non seulement redéfini un genre, mais a également laissé une empreinte indélébile sur la culture populaire. Son influence continue de se faire sentir, faisant de « Le Parrain » une œuvre véritablement intemporelle qui mérite amplement sa place dans le panthéon de la littérature mondiale.

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Le Parrain Mario Puzo
La Famille Corleone Mario Puzo
Le Sicilien Mario Puzo
Omerta Mario Puzo

Le contexte historique et social de l’Amérique des années 1940-50

« Le Parrain » de Mario Puzo, bien que publié en 1969, plonge ses racines dans l’Amérique des années 1940 et 1950, une période charnière qui a profondément façonné l’histoire du pays et le récit de Puzo. Cette époque, marquée par des changements sociaux, économiques et culturels majeurs, offre un arrière-plan riche et complexe à l’intrigue du roman.

Les années 1940 s’ouvrent sur une Amérique encore meurtrie par la Grande Dépression, mais rapidement propulsée dans la Seconde Guerre mondiale. L’entrée en guerre des États-Unis en 1941 transforme le pays en une véritable machine de guerre, mobilisant toutes les ressources nationales. Cette période voit l’émergence d’une économie florissante, stimulée par l’effort de guerre, qui pose les bases de la prospérité d’après-guerre. C’est dans ce contexte de bouleversement que la famille Corleone, comme de nombreuses familles immigrées, cherche à s’établir et à prospérer.

L’après-guerre marque le début d’une ère de prospérité sans précédent pour les États-Unis. Le boom économique des années 1950 voit l’émergence d’une classe moyenne affluente et l’expansion des banlieues. Cette période de croissance et d’optimisme contraste fortement avec les activités souterraines du crime organisé, créant une tension narrative que Puzo exploite habilement dans son roman. La quête du « rêve américain » devient un thème central, tant pour les citoyens respectables que pour les familles mafieuses cherchant à légitimer leurs activités.

Sur le plan social, les années 1940 et 1950 sont marquées par des changements profonds. L’immigration italienne, qui avait atteint son apogée dans les premières décennies du XXe siècle, a donné naissance à des communautés solides dans les grandes villes américaines. Ces enclaves ethniques, comme Little Italy à New York, forment le cadre de nombreuses scènes du « Parrain ». Puzo dépeint avec justesse les tensions entre la préservation des traditions du Vieux Monde et l’aspiration à l’intégration dans la société américaine.

La période d’après-guerre voit également l’intensification de la lutte pour les droits civiques. Bien que ce mouvement ne soit pas au centre du récit de Puzo, il contribue à créer une atmosphère de changement social et de remise en question des structures de pouvoir existantes. Cette dynamique se reflète dans l’évolution des personnages du roman, en particulier Michael Corleone, qui navigue entre les valeurs traditionnelles de sa famille et les réalités changeantes de l’Amérique moderne.

Le contexte politique de la Guerre Froide, qui débute à la fin des années 1940, influence également l’arrière-plan du roman. La peur du communisme et la paranoia qui en résulte créent un climat de méfiance que Puzo intègre subtilement dans les relations entre ses personnages et les institutions gouvernementales. Les liens entre le crime organisé et certains aspects de la politique américaine, notamment dans le contexte de la révolution cubaine, trouvent un écho dans l’intrigue du « Parrain ».

L’essor des médias de masse, en particulier la télévision dans les années 1950, contribue à façonner une nouvelle culture populaire américaine. Cette évolution se reflète dans le roman à travers le personnage de Johnny Fontane, une star de cinéma clairement inspirée de Frank Sinatra. Puzo capture ainsi l’interconnexion croissante entre le monde du divertissement, la politique et le crime organisé.

Enfin, les années 1940 et 1950 voient une intensification des efforts du gouvernement pour lutter contre le crime organisé. Les audiences du comité Kefauver au début des années 1950 mettent en lumière l’étendue des activités mafieuses aux États-Unis, créant un contexte de pression accrue sur les familles criminelles. Cette réalité historique se traduit dans le roman par la nécessité pour la famille Corleone de s’adapter et de « légitimer » ses activités.

En dépeignant cette période charnière de l’histoire américaine, Puzo offre plus qu’un simple décor à son récit. Il crée un miroir de la société américaine, reflétant ses aspirations, ses contradictions et ses zones d’ombre. Le contexte historique et social des années 1940 et 1950 devient ainsi un personnage à part entière du « Parrain », enrichissant la narration et donnant une profondeur supplémentaire à cette saga familiale devenue un classique de la littérature américaine.

La famille Corleone : un microcosme de la mafia italo-américaine

Dans « Le Parrain », Mario Puzo dresse un portrait saisissant de la famille Corleone, offrant aux lecteurs une plongée fascinante dans l’univers complexe de la mafia italo-américaine. À travers cette famille fictive, Puzo parvient à capturer l’essence même des organisations criminelles qui ont marqué l’histoire des États-Unis au XXe siècle, créant ainsi un véritable microcosme de ce monde clandestin.

Au cœur de ce microcosme se trouve Don Vito Corleone, le patriarche, dont la figure incarne les valeurs traditionnelles siciliennes transplantées sur le sol américain. Son parcours, de l’immigrant pauvre au puissant chef mafieux, illustre l’ascension sociale tant convoitée par de nombreux immigrés italiens. Vito Corleone personnifie l’archétype du « parrain » : un homme respecté, craint, mais aussi profondément ancré dans les valeurs familiales. Sa façon de gérer les affaires, mêlant faveurs personnelles et menaces voilées, reflète les méthodes de contrôle social et économique employées par la véritable mafia.

La structure familiale des Corleone, avec ses ramifications complexes, ses loyautés absolues et ses trahisons dévastatrices, est une représentation fidèle de l’organisation des familles mafieuses. Puzo met en lumière le concept de « famille » dans son double sens : le lien de sang et l’organisation criminelle. Cette dualité est au cœur de la dynamique des Corleone, où les affaires de la « Famille » s’entremêlent inextricablement avec les relations familiales personnelles.

Les différents membres de la famille Corleone incarnent diverses facettes de la vie mafieuse. Sonny, le fils aîné impulsif, représente la violence brute souvent associée à la mafia. Tom Hagen, le consigliere adopté, symbolise l’intégration d’éléments non italiens dans l’organisation et l’importance croissante des aspects légaux et stratégiques dans les opérations mafieuses. Fredo, le fils faible, illustre les tensions et les tragédies personnelles qui peuvent découler de l’incapacité à répondre aux attentes d’une telle organisation.

Michael Corleone, initialement étranger au monde criminel de sa famille, incarne la nouvelle génération de mafieux. Son évolution, d’un jeune homme idéaliste à un chef mafieux impitoyable, reflète la transformation de la mafia elle-même, passant d’une organisation basée sur des codes d’honneur traditionnels à une entreprise criminelle plus sophistiquée et impersonnelle. Le parcours de Michael est emblématique de la façon dont la mafia s’est adaptée et a évolué face aux changements de la société américaine.

Puzo dépeint avec justesse les activités diversifiées de la famille Corleone, allant du racket à l’infiltration d’industries légitimes comme le cinéma et les syndicats. Cette représentation reflète la réalité historique de la mafia italo-américaine, qui a su étendre son influence bien au-delà des activités criminelles traditionnelles. L’auteur met en lumière la façon dont ces organisations ont cherché à « légitimer » leurs opérations, brouillant les frontières entre le monde légal et illégal.

Les relations de la famille Corleone avec les autres familles mafieuses, les politiciens et les forces de l’ordre offrent un aperçu des réseaux complexes d’influence et de corruption qui caractérisaient la mafia. Les négociations, les alliances et les guerres entre familles décrites dans le roman sont un reflet fidèle des dynamiques qui ont façonné l’histoire de la mafia italo-américaine.

Le code d’honneur des Corleone, avec son accent mis sur la loyauté, le respect et la vengeance, est une représentation vivante de l’omertà, le code du silence qui a longtemps protégé la mafia de l’intervention légale. Puzo illustre comment ces valeurs, importées de Sicile, ont été adaptées et parfois perverties dans le contexte américain.

En dépeignant les femmes de la famille Corleone, Puzo offre également un aperçu du rôle souvent négligé des femmes dans la société mafieuse. Bien que largement exclues des affaires criminelles, ces femmes jouent un rôle crucial dans le maintien de la structure familiale et la transmission des valeurs traditionnelles.

Enfin, la saga des Corleone capture l’essence du « rêve américain » vu à travers le prisme de la criminalité organisée. L’ascension de la famille, de ses humbles débuts à son statut de puissance criminelle, reflète les aspirations et les contradictions de nombreux immigrés cherchant à réussir dans leur pays d’adoption, quel qu’en soit le prix.

En créant la famille Corleone, Puzo a réussi à condenser l’histoire complexe et multifacette de la mafia italo-américaine en un récit captivant et nuancé. Ce microcosme permet aux lecteurs de comprendre non seulement les mécanismes internes de ces organisations criminelles, mais aussi leur place dans le tissu social et culturel plus large de l’Amérique du XXe siècle. La famille Corleone est ainsi devenue bien plus qu’un simple élément de fiction : elle s’est imposée comme un prisme à travers lequel on peut examiner et comprendre une partie significative de l’histoire américaine.

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Michael Corleone : l’évolution d’un personnage complexe

Au cœur du roman « Le Parrain » de Mario Puzo se trouve Michael Corleone, un personnage dont l’évolution dramatique incarne les thèmes centraux de l’œuvre. Son parcours, de jeune homme idéaliste à chef mafieux impitoyable, offre une exploration fascinante de la corruption morale et de la nature du pouvoir dans l’Amérique du milieu du XXe siècle.

Au début du roman, Michael est présenté comme l’outsider de la famille Corleone. Héros de guerre décoré et étudiant brillant, il représente l’espoir d’une nouvelle génération d’Américains d’origine italienne, cherchant à s’intégrer pleinement dans la société mainstream. Son refus initial de participer aux affaires familiales le distingue de ses frères et symbolise une rupture potentielle avec le monde criminel de son père. Cette position d’outsider permet à Puzo d’offrir au lecteur un point de vue extérieur sur le monde de la mafia, tout en préparant le terrain pour la transformation spectaculaire qui va suivre.

Le point de bascule dans l’évolution de Michael survient avec la tentative d’assassinat de son père. Cet événement catalyseur pousse Michael à s’impliquer dans les affaires familiales, d’abord par devoir filial, puis de manière de plus en plus active. La scène où Michael protège son père à l’hôpital marque le début de sa transformation, révélant une aptitude insoupçonnée pour la stratégie et le sang-froid face au danger.

L’assassinat de Sollozzo et du capitaine McCluskey représente un moment crucial dans l’arc narratif de Michael. Cet acte de violence calculée non seulement solidifie sa position au sein de la famille Corleone, mais symbolise aussi son point de non-retour. Puzo dépeint magistralement les conflits internes de Michael à ce moment-là, sa lutte entre le sens du devoir envers sa famille et la conscience des implications morales de ses actes.

L’exil de Michael en Sicile offre à Puzo l’opportunité d’explorer les racines culturelles de son personnage. Cette période permet à Michael de se connecter avec ses origines siciliennes, tout en approfondissant sa compréhension des codes d’honneur et de vengeance qui régissent le monde mafieux. Son mariage avec Apollonia et la tragédie qui s’ensuit renforcent son détachement émotionnel, élément clé de sa transformation en chef mafieux.

Le retour de Michael aux États-Unis marque le début de son ascension au sein de l’organisation Corleone. Puzo illustre brillamment comment les qualités qui faisaient de Michael un outsider – son éducation, son intelligence stratégique, sa capacité à naviguer dans le monde légitime – deviennent ses plus grands atouts dans la gestion des affaires familiales. Sa relation avec Kay Adams, symbole de son ancien désir d’intégration dans la société américaine, devient de plus en plus complexe, reflétant la dualité croissante de sa personnalité.

À mesure que Michael consolide son pouvoir, Puzo explore la façon dont le pouvoir corrompt et isole. Les décisions de plus en plus impitoyables de Michael, culminant avec l’élimination des chefs des autres familles et même de son propre beau-frère, Carlo, montrent comment sa quête de contrôle et de sécurité pour sa famille le conduit à trahir les valeurs mêmes qu’il prétendait protéger initialement.

La relation de Michael avec son frère Fredo est particulièrement révélatrice de son évolution. Le passage de la protection fraternelle à la trahison ultime illustre à quel point Michael s’est éloigné de ses valeurs familiales d’origine, sacrifiant les liens du sang sur l’autel du pouvoir et de la vengeance.

Vers la fin du roman, Puzo présente un Michael Corleone au sommet de son pouvoir, mais profondément isolé. Son succès dans le monde criminel s’accompagne d’une perte progressive de son humanité. La scène finale, où Kay confronte Michael sur ses actions, souligne la transformation complète du personnage. Le mensonge de Michael à Kay, suivi de la fermeture symbolique de la porte, marque la fin de son voyage moral et son acceptation totale de son rôle de Don.

L’arc narratif de Michael Corleone est une étude magistrale de la façon dont les circonstances et les choix peuvent transformer un individu. Puzo utilise ce personnage pour explorer des thèmes universels tels que le devoir familial, le prix du pouvoir, et la nature corruptrice de la violence. La complexité de Michael réside dans sa conscience constante de ses actions, ce qui le rend à la fois fascinant et tragique.

En fin de compte, l’évolution de Michael Corleone de l’idéaliste au pragmatique impitoyable sert de métaphore puissante pour l’évolution de la mafia elle-même, passant d’une organisation basée sur des codes d’honneur traditionnels à une entreprise criminelle moderne et sans scrupules. À travers ce personnage, Puzo offre une réflexion profonde sur la nature du mal, le coût moral du succès, et les contradictions inhérentes au rêve américain.

Les thèmes centraux : famille, honneur et pouvoir

« Le Parrain » de Mario Puzo est une œuvre riche et complexe qui explore en profondeur trois thèmes interconnectés : la famille, l’honneur et le pouvoir. Ces concepts forment le cœur du roman, s’entrelaçant pour créer un récit captivant qui transcende le simple roman policier pour devenir une exploration profonde de la nature humaine et de la société américaine du milieu du XXe siècle.

La famille est sans doute le thème le plus prégnant du roman. Puzo présente la famille Corleone non seulement comme une unité biologique, mais aussi comme une entité sociale et économique. Le concept de « famille » dans « Le Parrain » est dual, englobant à la fois les liens du sang et l’organisation criminelle. Cette dualité est au cœur de nombreux conflits du roman, où les personnages doivent constamment naviguer entre leurs obligations familiales et les exigences de l’organisation mafieuse. Vito Corleone incarne cette dualité, étant à la fois un père aimant et un chef mafieux redoutable. Sa philosophie, selon laquelle un homme qui ne passe pas de temps avec sa famille ne peut jamais être un vrai homme, illustre l’importance primordiale accordée aux liens familiaux dans la culture italo-américaine dépeinte par Puzo.

L’évolution de la dynamique familiale au fil du roman reflète les changements plus larges dans la société américaine. La transition du pouvoir de Vito à Michael symbolise le passage d’une génération à l’autre, avec toutes les tensions et les conflits que cela implique. Les relations entre les frères Corleone, en particulier entre Michael et Fredo, explorent les complexités des rivalités fraternelles et les conséquences tragiques lorsque les liens familiaux sont mis à l’épreuve par le pouvoir et l’ambition.

L’honneur, autre thème central du roman, est présenté comme un code moral complexe qui guide les actions des personnages. Dans l’univers du « Parrain », l’honneur n’est pas simplement une question de moralité personnelle, mais un système de valeurs qui régit les interactions sociales et professionnelles. Le concept d’honneur dans le roman est souvent en contradiction avec la loi conventionnelle, créant une tension morale qui alimente de nombreux conflits de l’histoire.

Puzo explore comment le code d’honneur de la mafia, enraciné dans les traditions siciliennes, s’adapte et parfois se déforme dans le contexte américain. L’importance accordée au respect, à la loyauté et à la vengeance façonne les décisions des personnages, souvent avec des conséquences tragiques. La façon dont Michael Corleone interprète et applique ce code d’honneur au fil de son évolution illustre comment ces valeurs peuvent être manipulées et perverties au service du pouvoir personnel.

Le pouvoir, troisième thème majeur du roman, est présenté comme une force à la fois attrayante et corruptrice. Puzo dépeint la quête et l’exercice du pouvoir à travers le prisme de la famille Corleone, montrant comment il façonne les relations, influence les décisions et transforme les individus. Le pouvoir dans « Le Parrain » n’est pas seulement une question de force brute ou de richesse, mais aussi d’influence, de respect et de capacité à contrôler son environnement.

L’ascension de Michael Corleone au sommet de l’organisation familiale sert de fil conducteur pour explorer les effets corrosifs du pouvoir. À mesure que Michael accumule plus de pouvoir, il devient de plus en plus isolé et impitoyable, illustrant l’adage selon lequel le pouvoir corrompt et le pouvoir absolu corrompt absolument. La transformation de Michael d’un jeune homme idéaliste en un chef mafieux calculateur met en lumière le coût personnel et moral de la quête du pouvoir.

Puzo examine également comment le pouvoir s’exerce au-delà du monde criminel, s’étendant à la politique, aux affaires et même à l’église. Les interactions de la famille Corleone avec ces différentes sphères d’influence révèlent un réseau complexe de pouvoir qui transcende les frontières entre le légal et l’illégal, remettant en question les notions conventionnelles de moralité et de justice.

L’interconnexion de ces trois thèmes – famille, honneur et pouvoir – crée la richesse et la profondeur du « Parrain ». La famille est à la fois une source de force et une vulnérabilité, l’honneur sert de justification morale à des actes souvent immoraux, et le pouvoir est présenté comme un objectif qui justifie tous les moyens tout en corrompant ceux qui le recherchent. Cette complexité thématique élève « Le Parrain » au-delà d’un simple récit de gangsters pour en faire une œuvre qui explore les aspects fondamentaux de la condition humaine et de la société américaine.

En tissant ces thèmes à travers son récit, Puzo crée un miroir de la société américaine du milieu du XXe siècle, reflétant ses aspirations, ses contradictions et ses zones d’ombre. « Le Parrain » devient ainsi une exploration nuancée du « rêve américain », montrant comment les idéaux d’opportunité et de succès peuvent être poursuivis et pervertis dans les marges de la société. Le roman invite les lecteurs à réfléchir sur la nature du bien et du mal, sur les compromis moraux que les individus sont prêts à faire au nom de la famille ou du succès, et sur les conséquences à long terme de ces choix.

En conclusion, les thèmes de la famille, de l’honneur et du pouvoir dans « Le Parrain » ne sont pas seulement des éléments narratifs, mais des lentilles à travers lesquelles Puzo examine la complexité de l’expérience humaine. C’est cette profondeur thématique qui a permis au roman de transcender son époque et son genre pour devenir un classique de la littérature américaine, offrant des réflexions intemporelles sur la nature du pouvoir, les liens familiaux et les codes moraux qui régissent nos vies.

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La structure narrative et le style d’écriture de Puzo

« Le Parrain » de Mario Puzo se distingue non seulement par son intrigue captivante et ses personnages mémorables, mais aussi par sa structure narrative ingénieuse et son style d’écriture unique. Ces éléments contribuent de manière significative à l’impact durable du roman et à sa place dans le panthéon de la littérature américaine du XXe siècle.

La structure narrative du « Parrain » est à la fois complexe et habilement maîtrisée. Puzo adopte une approche non linéaire, entrelaçant habilement le présent narratif avec de nombreux flashbacks qui enrichissent la compréhension des personnages et de leurs motivations. Cette technique permet à l’auteur de créer un tableau riche et multidimensionnel de la famille Corleone et de son ascension dans le monde du crime organisé.

Le roman s’ouvre sur le mariage de Connie Corleone, une scène qui sert de point d’ancrage à partir duquel Puzo déploie son récit dans plusieurs directions temporelles. Cette ouverture est particulièrement efficace car elle présente immédiatement au lecteur l’ensemble du clan Corleone et établit les dynamiques familiales et sociales qui seront explorées tout au long du roman. À partir de ce point, Puzo navigue avec aisance entre différentes périodes, révélant progressivement l’histoire de Vito Corleone, l’évolution de Michael, et les intrigues complexes qui façonnent le destin de la famille.

L’utilisation des flashbacks par Puzo n’est pas simplement un artifice narratif, mais un outil puissant pour développer la profondeur psychologique de ses personnages. En révélant des éléments clés du passé au moment opportun, l’auteur permet au lecteur de comprendre les motivations et les actions des personnages dans le présent. Cette technique est particulièrement efficace dans le développement du personnage de Vito Corleone, dont l’histoire d’immigrant devenu parrain est dévoilée par bribes, ajoutant des couches de complexité à ce personnage central.

Puzo emploie également une structure narrative qui alterne entre différents points de vue, bien que le récit reste principalement centré sur la famille Corleone. Cette approche permet à l’auteur d’offrir une perspective plus large sur le monde de la mafia, en introduisant des personnages secondaires et des sous-intrigues qui enrichissent le récit principal. Les histoires de Johnny Fontane, Lucy Mancini, ou encore de Nino Valenti, bien que périphériques à l’intrigue principale, ajoutent de la profondeur et de la texture à l’univers du roman.

Le style d’écriture de Puzo dans « Le Parrain » est tout aussi remarquable que sa structure narrative. L’auteur adopte une prose directe et sans fioritures, qui contraste avec la complexité des thèmes abordés. Cette approche stylistique contribue à l’accessibilité du roman, permettant à Puzo de traiter de sujets profonds et souvent sombres sans alourdir le texte.

La force du style de Puzo réside dans sa capacité à mêler des descriptions détaillées et des dialogues percutants. Ses descriptions, qu’il s’agisse des rituels familiaux, des machinations criminelles ou des paysages de New York et de Sicile, sont vivantes et immersives, permettant au lecteur de se plonger pleinement dans l’univers du roman. Les dialogues, quant à eux, sont ciselés et révélateurs, capturant efficacement les nuances des relations entre les personnages et les subtilités du monde mafieux.

Un aspect particulièrement notable du style de Puzo est sa capacité à créer une tension narrative soutenue. Même dans les passages descriptifs ou les scènes apparemment banales, l’auteur maintient un sens du danger imminent, reflétant la réalité précaire du monde dans lequel évoluent ses personnages. Cette tension est souvent ponctuée par des explosions de violence brutale, dont l’impact est d’autant plus fort qu’elles contrastent avec le ton généralement mesuré du récit.

Puzo excelle également dans l’art de la caractérisation. Chaque personnage, même secondaire, est doté d’une voix distinctive et d’une personnalité bien définie. L’auteur utilise habilement les détails physiques, les manières de parler et les habitudes pour donner vie à ses personnages, créant un casting mémorable qui reste gravé dans l’esprit du lecteur bien après la fin du roman.

Un autre aspect remarquable du style de Puzo est sa capacité à intégrer des éléments de la culture italo-américaine et du jargon mafieux sans pour autant aliéner le lecteur non initié. Les termes italiens et les expressions spécifiques au monde du crime organisé sont introduits de manière organique, enrichissant l’authenticité du récit sans entraver sa compréhension.

La structure narrative et le style d’écriture de Puzo se combinent pour créer un rythme narratif captivant. Le roman alterne entre des passages de tension croissante et des moments de calme relatif, créant une dynamique qui maintient l’intérêt du lecteur tout au long de l’œuvre. Cette maîtrise du rythme est particulièrement évidente dans la façon dont Puzo gère les moments clés de l’intrigue, comme la tentative d’assassinat de Vito Corleone ou l’ascension de Michael au pouvoir.

En conclusion, la structure narrative complexe et le style d’écriture maîtrisé de Mario Puzo dans « Le Parrain » sont des éléments cruciaux qui contribuent à la puissance et à la longévité de l’œuvre. La narration non linéaire, l’utilisation habile des flashbacks, et l’alternance des points de vue créent un récit riche et multidimensionnel. Combinés à une prose directe mais évocatrice, des dialogues percutants et une caractérisation mémorable, ces éléments font du « Parrain » non seulement un récit captivant, mais aussi une œuvre littéraire d’une grande sophistication. Le talent de Puzo réside dans sa capacité à marier une histoire complexe à un style accessible, créant ainsi un roman qui a su captiver un large public tout en gagnant le respect de la critique littéraire.

Les personnages secondaires et leur importance dans l’intrigue

Dans « Le Parrain », Mario Puzo crée un univers riche et complexe qui s’étend bien au-delà des membres principaux de la famille Corleone. Les personnages secondaires jouent un rôle crucial dans l’enrichissement de l’intrigue, l’approfondissement des thèmes centraux et la création d’un tableau vivant et authentique du monde de la mafia italo-américaine. Loin d’être de simples figurants, ces personnages apportent une profondeur et une texture essentielles au récit.

Un des personnages secondaires les plus mémorables est Tom Hagen, le consigliere adopté de la famille Corleone. Bien qu’il ne soit pas lié par le sang aux Corleone, Tom incarne la loyauté et l’intelligence stratégique qui sont si cruciales dans le monde de la mafia. Son statut d’outsider – étant d’origine irlandaise dans une organisation dominée par les Italiens – offre une perspective unique sur les dynamiques familiales et organisationnelles des Corleone. À travers Tom, Puzo explore les thèmes de l’adoption, de l’assimilation et de la loyauté qui transcendent les liens du sang. Les conflits internes de Tom, en particulier lorsqu’il est temporairement écarté de son poste de consigliere, ajoutent une couche supplémentaire de tension dramatique à l’intrigue.

Johnny Fontane, le filleul de Vito Corleone et star de cinéma en déclin, est un autre personnage secondaire crucial. À travers Johnny, Puzo étend son exploration du pouvoir de la famille Corleone au monde du show-business, illustrant comment l’influence de la mafia s’étend bien au-delà du monde criminel traditionnel. L’histoire de Johnny, avec ses hauts et ses bas, sert de contrepoint à l’ascension de la famille Corleone, montrant comment même ceux qui semblent avoir tout peuvent encore avoir besoin de la protection et de l’influence du Parrain. La quête de Johnny pour relancer sa carrière offre également un aperçu fascinant des coulisses d’Hollywood, ajoutant une dimension supplémentaire au récit.

Le personnage de Kay Adams, la petite amie puis épouse de Michael Corleone, joue un rôle crucial en tant que pont entre le monde fermé de la mafia et la société américaine plus large. À travers les yeux de Kay, le lecteur voit l’évolution de Michael et l’impact corrosif que le pouvoir et la violence ont sur leur relation. Kay représente l’innocence et les valeurs de la société conventionnelle, et son parcours de l’ignorance à la prise de conscience douloureuse des réalités du monde de Michael est l’un des arcs narratifs les plus poignants du roman.

Sollozzo, le « Turc », bien que n’apparaissant que brièvement dans le roman, est un personnage secondaire dont l’impact sur l’intrigue est immense. Son ambition et sa proposition d’affaires concernant le trafic de drogue sont le catalyseur qui déclenche une grande partie de l’action du roman. À travers Sollozzo, Puzo explore les changements dans le monde du crime organisé et les tensions entre les méthodes traditionnelles et les nouvelles opportunités criminelles.

Les frères de Michael, Sonny et Fredo, bien que faisant partie de la famille principale, peuvent être considérés comme des personnages secondaires essentiels. Sonny, avec son tempérament explosif et son leadership impétueux, offre un contraste saisissant avec la froideur calculatrice de Michael. Sa mort violente est un tournant majeur dans l’intrigue, poussant Michael plus profondément dans le monde qu’il avait initialement rejeté. Fredo, quant à lui, incarne la faiblesse et l’inadéquation au sein d’une famille qui valorise la force et la compétence. Son arc narratif, culminant avec sa trahison et sa mort aux mains de Michael, est l’une des tragédies les plus poignantes du roman.

Les personnages féminins secondaires, tels que Connie Corleone et Lucy Mancini, offrent un aperçu fascinant du rôle des femmes dans le monde machiste de la mafia. Connie, en particulier, avec son mariage tumultueux avec Carlo Rizzi, illustre les difficultés et les dangers auxquels sont confrontées les femmes dans ce milieu. Son évolution au fil du roman, de jeune mariée naïve à une femme amère et vengeur, ajoute une dimension supplémentaire à l’exploration par Puzo des conséquences du mode de vie mafieux sur la famille.

Les antagonistes secondaires, tels que les chefs des autres familles mafieuses – Barzini, Tattaglia, et les autres – jouent un rôle crucial dans la création de la tension et du conflit nécessaires à l’intrigue. Leurs machinations et leurs rivalités avec les Corleone créent un réseau complexe d’alliances et de trahisons qui maintient le lecteur en haleine tout au long du roman.

Même les personnages qui n’apparaissent que brièvement, comme Luca Brasi, le redoutable exécuteur de Vito, ou Clemenza et Tessio, les caporegimes loyaux, contribuent à créer un monde riche et crédible. Chacun de ces personnages a sa propre histoire et sa propre personnalité, ajoutant de la profondeur et de la texture à l’univers créé par Puzo.

En conclusion, les personnages secondaires du « Parrain » sont bien plus que de simples faire-valoir pour les protagonistes principaux. Ils sont essentiels à la richesse et à la complexité du récit de Puzo. Chacun d’entre eux apporte une perspective unique sur le monde de la mafia, explore différents aspects des thèmes centraux du roman, et contribue à créer un tableau vivant et multidimensionnel de la vie dans et autour de la famille Corleone. C’est à travers ces personnages que Puzo étend son exploration au-delà des limites de la famille immédiate, offrant un aperçu plus large de la société italo-américaine et du monde du crime organisé. Leur présence et leurs histoires entrelacées avec celles des personnages principaux créent la tapisserie riche et complexe qui fait du « Parrain » un chef-d’œuvre de la littérature américaine.

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L’influence du « Parrain » sur la culture populaire

« Le Parrain » de Mario Puzo, depuis sa publication en 1969, a laissé une empreinte indélébile sur la culture populaire, transcendant les frontières de la littérature pour influencer profondément le cinéma, la télévision, la musique et même le langage quotidien. L’impact de cette œuvre est si vaste et multiforme qu’il est difficile de surestimer son importance dans le paysage culturel des dernières décennies.

L’influence la plus immédiate et peut-être la plus significative du « Parrain » s’est manifestée dans le domaine cinématographique. L’adaptation du roman par Francis Ford Coppola en 1972 est largement considérée comme l’un des plus grands films de tous les temps. Cette adaptation a non seulement popularisé l’œuvre de Puzo auprès d’un public encore plus large, mais a également établi de nouvelles normes pour le genre du film de gangsters. Les performances iconiques de Marlon Brando en tant que Vito Corleone et d’Al Pacino en tant que Michael ont redéfini la façon dont les personnages de mafieux étaient représentés à l’écran, apportant une profondeur et une complexité psychologique sans précédent à ces rôles.

L’esthétique visuelle du film, des costumes aux décors en passant par la photographie, a également eu une influence durable. L’image du mafieux en costume sombre, parlant d’une voix rauque et faisant des « offres qu’on ne peut pas refuser » est devenue un trope culturel instantanément reconnaissable, souvent imité et parodié dans d’innombrables films et émissions de télévision ultérieurs.

Au-delà du cinéma, « Le Parrain » a profondément influencé la télévision. Des séries comme « Les Sopranos » doivent beaucoup à l’œuvre de Puzo, explorant les thèmes de la famille, du pouvoir et de la moralité dans le contexte de la mafia moderne. La représentation nuancée des personnages du « Parrain », oscillant entre leur vie familiale et leurs activités criminelles, a ouvert la voie à une nouvelle génération de « anti-héros » à la télévision, changeant fondamentalement la façon dont les histoires sont racontées dans ce médium.

L’influence du « Parrain » s’étend également à la musique populaire. De nombreux artistes, en particulier dans le hip-hop et le rap, ont fait référence au roman et aux films dans leurs paroles, adoptant l’esthétique et les thèmes du « Parrain » pour exprimer des idées de pouvoir, de respect et de loyauté. L’imagerie mafieuse inspirée du « Parrain » est devenue un élément récurrent dans les clips vidéo et l’image publique de nombreux artistes.

Dans le domaine de la mode et du design, l’influence du « Parrain » est également palpable. Le style vestimentaire des personnages, en particulier les costumes impeccables et les chapeaux fedora, a connu des résurgences périodiques dans la mode masculine. L’esthétique des années 1940 et 1950 dépeinte dans le roman et les films a inspiré de nombreux créateurs et stylistes.

Le langage et les expressions du « Parrain » ont pénétré profondément dans le lexique populaire. Des phrases comme « Je vais lui faire une offre qu’il ne pourra pas refuser » ou « Ce n’est pas personnel, c’est strictement professionnel » sont devenues des références culturelles largement reconnues, utilisées bien au-delà de leur contexte original. L’utilisation de termes italiens comme « consigliere » ou « omertà » s’est également répandue, enrichissant le vocabulaire populaire lié au crime organisé.

L’influence du « Parrain » s’est également fait sentir dans le domaine des jeux vidéo. De nombreux jeux, notamment dans le genre des jeux de gangsters en monde ouvert, s’inspirent fortement de l’atmosphère et des thèmes du roman de Puzo. Ces jeux permettent aux joueurs d’explorer de manière interactive les dynamiques de pouvoir et les dilemmes moraux si centraux à l’œuvre originale.

Sur un plan plus large, « Le Parrain » a profondément influencé la façon dont la société perçoit et comprend la mafia italo-américaine. Bien que le roman soit une œuvre de fiction, il a façonné l’imaginaire collectif concernant le crime organisé, parfois au point de brouiller les lignes entre la réalité historique et la fiction dramatique. Cette influence a été si forte que certains véritables mafieux auraient commencé à imiter le comportement et le style des personnages du « Parrain ».

Dans le domaine de la littérature, l’impact du « Parrain » est tout aussi significatif. Le roman a redéfini le genre du roman de gangsters, ouvrant la voie à des œuvres qui explorent de manière plus nuancée et complexe le monde du crime organisé. De nombreux auteurs ont été inspirés par l’approche de Puzo, mêlant saga familiale et intrigue criminelle pour créer des récits riches et multidimensionnels.

L’influence du « Parrain » s’étend même au monde des affaires et de la politique, où les métaphores et les leçons tirées du roman sont souvent invoquées. Les concepts de loyauté, de stratégie et de leadership incarnés par les personnages du « Parrain » sont fréquemment cités dans des contextes bien éloignés du monde de la mafia.

En conclusion, l’influence du « Parrain » sur la culture populaire est vaste et multiforme, s’étendant bien au-delà des domaines traditionnels de la littérature et du cinéma. L’œuvre de Puzo a façonné notre compréhension collective du crime organisé, influencé notre langage quotidien, inspiré des générations d’artistes dans divers médiums, et continué à résonner dans la conscience populaire plus de cinquante ans après sa publication initiale. Le « Parrain » n’est pas simplement un grand roman ou une série de films acclamés ; c’est un phénomène culturel qui a laissé une marque indélébile sur l’imaginaire collectif, cimentant sa place non seulement dans l’histoire de la littérature, mais dans l’histoire culturelle du 20e et du 21e siècle.

Analyse critique : forces et faiblesses de l’œuvre

« Le Parrain » de Mario Puzo, publié en 1969, est une œuvre qui a marqué de manière indélébile la littérature américaine et la culture populaire. Cependant, comme toute œuvre majeure, elle présente à la fois des forces remarquables et des faiblesses notables qui méritent une analyse approfondie.

L’une des plus grandes forces du roman réside dans sa capacité à créer un univers immersif et captivant. Puzo excelle dans l’art de la narration, tissant une toile complexe d’intrigues, de trahisons et de loyautés qui maintient le lecteur en haleine du début à la fin. La richesse des détails sur le fonctionnement interne de la mafia, les rituels familiaux et les machinations du pouvoir donne au récit une authenticité saisissante. Cette plongée dans un monde habituellement fermé au regard extérieur est l’un des aspects les plus fascinants du roman.

La caractérisation des personnages est une autre force majeure de l’œuvre. Puzo crée des personnages complexes et multidimensionnels qui transcendent les stéréotypes habituels des récits de gangsters. Vito Corleone, en particulier, est un personnage d’une profondeur remarquable, à la fois figure paternelle bienveillante et chef mafieux impitoyable. L’évolution de Michael Corleone, d’outsider idéaliste à chef mafieux calculateur, est magistralement dépeinte, offrant une étude fascinante sur la corruption du pouvoir et la perte de l’innocence.

L’exploration des thèmes universels est un autre point fort du « Parrain ». Puzo utilise le cadre de la mafia pour explorer des questions profondes sur la famille, l’honneur, le pouvoir et l’identité américaine. Le roman offre une réflexion nuancée sur le « rêve américain » et ses contradictions, montrant comment la quête de succès et de respect peut conduire à la criminalité et à la violence.

La structure narrative du roman, avec ses multiples lignes d’intrigue et ses sauts temporels, est habilement maîtrisée. Puzo parvient à maintenir la cohérence du récit tout en offrant des aperçus du passé qui enrichissent la compréhension des personnages et de leurs motivations. Cette complexité narrative ajoute de la profondeur à l’histoire sans jamais perdre le lecteur.

Cependant, « Le Parrain » n’est pas exempt de faiblesses. L’une des critiques les plus fréquentes concerne la représentation des personnages féminins. Bien que certains personnages féminins, comme Kay Adams, soient bien développés, beaucoup d’autres restent relégués à des rôles secondaires ou stéréotypés. Le monde du « Parrain » est largement dominé par les hommes, et les femmes sont souvent réduites à des rôles de mères, d’épouses ou d’objets sexuels, reflétant peut-être les attitudes de l’époque mais limitant néanmoins la portée de l’œuvre.

Une autre faiblesse potentielle réside dans la glorification implicite de la vie mafieuse. Bien que Puzo montre les conséquences néfastes de la violence et de la criminalité, il y a des moments où le style de vie des Corleone est présenté sous un jour séduisant. Cette ambiguïté morale, bien qu’elle puisse être considérée comme une force narrative, a été critiquée pour son potentiel à romanticiser le crime organisé.

Le roman a également été critiqué pour ses descriptions parfois excessivement détaillées, en particulier dans les passages traitant des affaires et des machinations politiques. Bien que ces détails ajoutent à l’authenticité du récit, ils peuvent parfois ralentir le rythme de l’histoire et détourner l’attention des éléments dramatiques principaux.

Certains critiques ont également souligné que le roman perpétue certains stéréotypes sur les Italo-Américains et la culture italienne. Bien que Puzo cherche à offrir une représentation nuancée de la communauté italo-américaine, l’association étroite entre italianité et criminalité dans le roman a été vue comme problématique par certains.

La résolution de certaines sous-intrigues, notamment celle impliquant Johnny Fontane à Hollywood, a été critiquée pour son manque de profondeur et sa conclusion quelque peu abrupte. Ces éléments, bien qu’intéressants, peuvent sembler moins bien intégrés à l’arc narratif principal.

Enfin, bien que le style d’écriture de Puzo soit généralement loué pour son efficacité, certains passages ont été critiqués pour leur prose parfois maladroite ou leur dialogues occasionnellement peu naturels.

En conclusion, « Le Parrain » reste une œuvre d’une puissance remarquable, dont les forces l’emportent largement sur les faiblesses. Sa capacité à créer un monde riche et complexe, à développer des personnages mémorables et à explorer des thèmes universels en fait un classique indéniable de la littérature américaine. Les faiblesses de l’œuvre, qu’il s’agisse de la représentation des femmes, de la glorification potentielle de la criminalité ou de certains aspects stylistiques, reflètent en partie les attitudes et les conventions de son époque. Néanmoins, ces aspects problématiques ne diminuent pas l’impact global du roman ni sa place importante dans le canon littéraire. « Le Parrain » reste une œuvre complexe et nuancée qui continue de susciter débats et analyses, témoignant de sa richesse et de sa pertinence durable.

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Le mot de la fin

Plus de cinq décennies après sa publication, « Le Parrain » de Mario Puzo continue d’exercer une influence profonde sur la littérature contemporaine, témoignant de sa puissance narrative et de la résonance de ses thèmes. L’œuvre de Puzo a non seulement redéfini le genre du roman de gangsters, mais a également laissé une empreinte indélébile sur la façon dont les écrivains abordent les récits de crime, de famille et de pouvoir.

L’une des contributions les plus significatives du « Parrain » à la littérature contemporaine réside dans sa capacité à élever le roman de genre au statut de littérature sérieuse. Puzo a démontré qu’un récit de crime pouvait être un véhicule pour explorer des thèmes profonds et universels, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle génération d’auteurs qui mêlent habilement le populaire et le littéraire. Des écrivains comme Dennis Lehane, James Ellroy et Don Winslow, bien que travaillant dans des styles distincts, doivent beaucoup à l’exemple du « Parrain » dans leur approche du roman noir.

L’exploration nuancée de la moralité dans un monde criminel, si centrale dans « Le Parrain », est devenue un élément récurrent dans la littérature contemporaine. Les personnages complexes de Puzo, ni totalement héroïques ni entièrement villains, ont inspiré une tendance vers des protagonistes moralement ambigus dans la fiction moderne. Cette approche a enrichi la littérature contemporaine, permettant des explorations plus profondes de la nature humaine et des dilemmes éthiques.

La structure narrative ambitieuse du « Parrain », mêlant saga familiale et thriller criminel, a également influencé la façon dont les auteurs contemporains construisent leurs récits. L’entrelacement habile de multiples lignes d’intrigue et la création d’un univers riche et détaillé sont devenus des éléments que les lecteurs attendent désormais des romans ambitieux, quel que soit leur genre.

L’impact du « Parrain » se fait également sentir dans la manière dont les écrivains contemporains abordent les thèmes de l’identité ethnique et de l’expérience immigrante. Bien que l’œuvre de Puzo ait été critiquée pour ses stéréotypes, elle a néanmoins ouvert la voie à des explorations plus nuancées de ces questions dans la littérature moderne. Des auteurs issus de diverses communautés ethniques ont pu s’inspirer du modèle du « Parrain » pour raconter leurs propres histoires d’intégration, de conflit culturel et de quête d’identité.

La représentation du pouvoir et de ses effets corrupteurs dans « Le Parrain » continue d’influencer la littérature contemporaine. Les écrivains modernes puisent souvent dans l’exemple de Puzo lorsqu’ils explorent les dynamiques du pouvoir, que ce soit dans le contexte du crime organisé, de la politique ou des affaires. L’arc de Michael Corleone, en particulier, reste un modèle pour la représentation de la corruption morale et de la perte d’innocence.

L’influence du « Parrain » s’étend également au-delà du genre du crime et du thriller. Des auteurs de fiction littéraire s’inspirent de l’approche de Puzo pour créer des sagas familiales complexes, mêlant histoire personnelle et grands événements historiques. La capacité du « Parrain » à tisser une narration intime avec un contexte social et historique plus large reste un modèle pour de nombreux écrivains contemporains.

Dans le domaine de la caractérisation, l’impact du « Parrain » est tout aussi significatif. La création de personnages mémorables et multidimensionnels, capables de susciter à la fois l’empathie et la répulsion du lecteur, est devenue un objectif pour de nombreux auteurs contemporains. La profondeur psychologique des personnages de Puzo a établi un nouveau standard dans la fiction.

L’héritage du « Parrain » se manifeste également dans la façon dont les écrivains contemporains abordent la violence dans leurs œuvres. La représentation à la fois brutale et stylisée de la violence par Puzo, et son exploration de ses conséquences psychologiques et émotionnelles, ont influencé de nombreux auteurs dans leur traitement de ce thème délicat.

En outre, l’impact du « Parrain » sur la littérature contemporaine dépasse les frontières linguistiques et culturelles. Son influence se fait sentir dans la littérature mondiale, inspirant des auteurs de différents pays à explorer les thèmes du crime organisé, de la famille et du pouvoir dans leurs propres contextes culturels.

Enfin, il est important de noter que l’influence du « Parrain » ne se limite pas à son imitation directe. De nombreux auteurs contemporains ont réagi à l’œuvre de Puzo en cherchant à subvertir ou à réinventer les tropes qu’il a établis. Cette dynamique de réponse et de réinvention maintient l’héritage du « Parrain » vivant et pertinent dans le paysage littéraire actuel.

En conclusion, « Le Parrain » de Mario Puzo occupe une place unique et durable dans la littérature contemporaine. Son influence se manifeste non seulement dans le genre du crime et du thriller, mais aussi dans la fiction littéraire plus large. L’œuvre continue d’inspirer les écrivains dans leur exploration de thèmes universels, leur construction de récits complexes et leur création de personnages mémorables. Plus qu’un simple classique figé dans le temps, « Le Parrain » reste une force dynamique dans la littérature, son héritage étant constamment réinterprété et réinventé par de nouvelles générations d’écrivains. Sa capacité à transcender les genres et à toucher aux vérités fondamentales de la condition humaine assure que son impact continuera à se faire sentir dans la littérature pour les années à venir.


Extrait Première Page du livre

 » 1

Assis dans la salle d’audience du 3e tribunal criminel de New York, Amerigo Bonasera attendait que la justice se prononce et le venge des deux hommes qui avaient si cruellement blessé sa fille, après avoir tenté de la déshonorer.

Le juge, personnage massif et d’aspect redoutable, releva les manches de sa robe comme s’il se proposait d’infliger un châtiment corporel aux deux jeunes gens qui se tenaient debout devant lui. Une expression de mépris majestueux et glacé était empreinte sur ses traits. Mais il y avait dans son attitude quelque chose de factice que Bonasera percevait fort bien sans se l’expliquer encore.

« Vous vous êtes conduits comme des dégénérés de la pire espèce », s’écria le juge, d’une voix agressive. C’est vrai, c’est vrai, pensa Bonasera. Des bêtes, des chiens. Les deux jeunes gens, visage rasé, luisant comme un sou neuf, cheveux drus et lustrés, proprement taillés en brosse, inclinèrent modestement la tête et se composèrent le visage de l’humilité contrite. « Vous vous êtes conduits comme des fauves dans la jungle, reprit le juge. Et c’est une chance pour vous que cette pauvre jeune fille ait su défendre son honneur, sinon vous en aviez pour vingt ans. »

Le juge s’interrompit ; sous la voûte broussailleuse des sourcils, ses yeux glissèrent un regard furtif vers l’homme au teint olivâtre : le métèque Bonasera ; et revinrent se poser sur les documents placés devant lui. C’étaient des rapports en faveur de la mise en liberté sous surveillance. Le juge fronça les sourcils, haussa les épaules, comme s’il ne se rendait qu’à contrecœur aux arguments avancés pour obtenir son indulgence, et reprit son discours.

« Mais, en raison de votre jeunesse, de vos familles honorables, parce que vous n’avez encore jamais été condamnés et parce que, dans sa majesté, la loi ne cherche pas de vengeance, je vous condamne céans à trois ans d’internement dans un pénitencier. Avec bénéfice du sursis. »

Quarante ans de deuil professionnel, la fréquentation quotidienne du désespoir empêchèrent seuls que ne parût sur le visage d’Amerigo Bonasera, entrepreneur de pompes funèbres, l’immensité du sentiment de frustration et de haine qu’il ressentit à cet instant. Sa fille bien-aimée, si jeune, si belle, était toujours à l’hôpital, la mâchoire brisée, la joue piquée de points de suture. Et ces deux monstres étaient libres ? L’audience tournait à la farce. Déjà les heureux parents entouraient leurs fils adorés. Bonasera contemplait ce hideux spectacle. Oh, comme ils avaient l’air contents, comme ils souriaient, maintenant !…

Un flot de bile noire, aigre et amer, remplit la bouche de Bonasera et ruissela entre ses dents serrées. Il prit le petit mouchoir blanc qu’il portait en pochette et l’appuya sur sa bouche. Déjà les deux jeunes gens remontaient d’un pas dégagé l’allée centrale ; rassurés, souriants, ils passèrent devant Bonasera sans même le regarder. Il les laissa passer, pressant toujours contre ses lèvres la fine toile blanche. « 


  • Titre : Le Parrain
  • Titre original : The Godfather
  • Auteur : Mario Puzo
  • Éditeur : Robert Laffont
  • Pays : États-Unis
  • Parution : 1969

Autoportrait de l'auteur du blog

Je m’appelle Manuel et je suis passionné par les polars depuis plus de 60 ans, une passion qui ne montre aucun signe d’essoufflement.


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