Hervé Commère signe avec « Regarde » un puzzle littéraire original et addictif

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Présentation de l’intrigue et des personnages principaux

Le roman « Regarde » d’Hervé Commère, paru aux éditions Fleuve noir en 2020, nous plonge dans une intrigue captivante et mystérieuse, portée par des personnages complexes et tourmentés. Au cœur de l’histoire se trouve Mylène Archère, une femme d’affaires qui a connu une vie tumultueuse, marquée par un amour passionnel avec Pascal Kopinski, un jeune musicien. Leur idylle intense mais brève s’est brutalement terminée lorsque Pascal a été assassiné en prison, après un braquage qui a mal tourné. Mylène, également incarcérée, apprend la terrible nouvelle et sombre dans le désespoir.

Des années plus tard, Mylène tente de se reconstruire, travaillant dans un dépôt-vente et louant régulièrement des lieux de vacances pour s’évader du quotidien. C’est lors d’un de ces séjours qu’elle découvre une roulotte qui semble avoir appartenu à Pascal. Troublée par cette découverte, elle se lance dans une quête effrénée pour comprendre ce qui s’est réellement passé et si, par miracle, son amant serait encore en vie.

Mylène est entourée de personnages hauts en couleur, notamment Gary, un gitan impétueux et loyal, ainsi que Mathieu et Anna, ses collègues et amis du dépôt-vente. Ensemble, ils vont tenter de démêler les fils de cette énigme, qui semble de plus en plus complexe à mesure que l’histoire avance. Entre indices troublants et révélations choquantes, Mylène va devoir affronter les fantômes de son passé et les zones d’ombre de son présent.

Au fil des pages, d’autres personnages intrigants font leur apparition, comme les frères de Mylène, riches hommes d’affaires avec lesquels elle entretient des relations distantes, ou encore l’inspecteur Dagan, qui semble vouloir aider Mylène dans sa quête de vérité. Mais le plus troublant reste sans doute Béatrice, une mystérieuse inconnue qui semble tirer les ficelles dans l’ombre, épiant Mylène à distance et orchestrant un jeu de piste malsain.

« Regarde » nous entraîne ainsi dans un labyrinthe de secrets et de mensonges, où les personnages sont tour à tour suspects et victimes, manipulateurs et manipulés. Hervé Commère tisse une toile narrative complexe et addictive, qui tient le lecteur en haleine jusqu’à la dernière page, dans l’attente de découvrir enfin la vérité sur Pascal et sur les véritables motivations de ceux qui gravitent autour de Mylène.

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La construction narrative : une histoire racontée par bribes, entre présent et souvenirs

Dans « Regarde », Hervé Commère adopte une construction narrative originale et déroutante, qui contribue à maintenir un suspense constant tout au long du roman. L’histoire ne suit pas une ligne chronologique classique, mais alterne sans cesse entre le présent de Mylène et les souvenirs de son passé tumultueux. Cette structure en puzzle, où les pièces s’assemblent progressivement, reflète la quête de vérité et d’identité de l’héroïne, qui tente de reconstituer le fil de sa propre histoire.

Le récit est ainsi ponctué de flashbacks, qui nous plongent dans les moments clés de la vie de Mylène : sa rencontre avec Pascal, leur passion dévorante, le braquage qui a fait basculer leur destin, et les années de prison qui ont suivi. Ces retours en arrière sont souvent déclenchés par des éléments du présent, comme un objet, une sensation ou une parole, qui font resurgir chez Mylène des images et des émotions enfouies. Cette mécanique narrative, qui entremêle subtilement les temporalités, permet au lecteur de découvrir peu à peu les zones d’ombre du passé et de comprendre la complexité des personnages.

Mais le présent n’est pas en reste, et l’intrigue principale se déroule bien dans l’actualité de Mylène, lancée sur les traces de Pascal et de ceux qui semblent vouloir la manipuler. Les chapitres consacrés à cette quête haletante alternent avec les séquences de souvenirs, créant un rythme soutenu et une tension permanente. Le lecteur, comme Mylène, doit sans cesse jongler entre les indices du présent et les révélations du passé pour tenter de démêler le vrai du faux et de comprendre le sens de cette étrange machination.

Cette construction en mosaïque, qui mêle habilement les pièces du puzzle, confère au roman une dimension presque cinématographique. On pense parfois à ces thrillers psychologiques qui jouent sur la fragmentation de la narration pour maintenir le spectateur en haleine et le surprendre par des retournements inattendus. Hervé Commère maîtrise parfaitement ce « montage » littéraire, qui tient le lecteur en éveil et l’incite à s’interroger sur la fiabilité des personnages et la réalité des faits rapportés.

Ainsi, la construction narrative de « Regarde », aussi déroutante soit-elle, s’avère d’une efficacité redoutable pour servir le propos du roman. En épousant les doutes et les questionnements de Mylène, en nous faisant partager ses espoirs et ses désillusions au gré des souvenirs qui refont surface, elle nous plonge au cœur d’une quête existentielle et nous invite à nous interroger, à notre tour, sur le poids du passé et la part de vérité qui se cache dans nos propres histoires.

Mylène, une héroïne complexe et mystérieuse, marquée par son passé

Au centre de l’intrigue de « Regarde » se trouve Mylène Archère, une héroïne fascinante et énigmatique, dont la personnalité et le parcours sont révélés progressivement au fil des pages. Ancienne femme d’affaires brillante et redoutable, Mylène a connu une vie rythmée par les succès professionnels et les drames personnels. Son mariage avec Louis, un avocat respecté, lui a offert une existence confortable mais sans passion, jusqu’à ce qu’elle rencontre Pascal Kopinski, un jeune musicien charismatique qui va bouleverser son destin.

Mais c’est surtout son passé trouble et ses années de prison qui façonnent la Mylène que nous découvrons au début du roman. Hantée par le souvenir de Pascal et par les circonstances tragiques de sa mort, elle tente de se reconstruire tant bien que mal, oscillant entre la résignation et l’espoir d’une vie meilleure. Son travail au dépôt-vente et ses escapades dans des lieux de vacances loués pour quelques jours semblent être ses seuls échappatoires, jusqu’à ce que la découverte d’indices troublants la lance sur les traces de son amant disparu.

Au fil de sa quête, Mylène révèle une personnalité complexe et ambivalente, forgée par les épreuves et les désillusions. Derrière sa façade de femme forte et indépendante, elle cache une profonde vulnérabilité et une soif inextinguible d’amour et de vérité. Son histoire avec Pascal, racontée par bribes au gré des souvenirs qui refont surface, nous dévoile une Mylène passionnée et impulsive, prête à tout abandonner pour vivre pleinement sa relation tumultueuse.

Mais les années de prison ont laissé des traces indélébiles sur la psyché de Mylène. Marquée par la violence, la solitude et le désespoir, elle a dû se forger une carapace pour survivre dans cet univers hostile. Les flashbacks qui évoquent son quotidien carcéral, ses confrontations avec les autres détenues et ses tentatives pour garder espoir nous révèlent une femme résiliente et combative, mais aussi profondément meurtrie et hantée par le sentiment d’avoir tout perdu.

C’est cette dualité, cette tension constante entre force et fragilité, entre espoir et résignation, qui rend Mylène si attachante et si humaine. Au fil des révélations sur son passé et des rebondissements de l’intrigue, elle gagne en épaisseur et en nuances, dévoilant une personnalité riche et insaisissable. Ses doutes, ses peurs et ses contradictions en font une héroïne fascinante, qui suscite tour à tour l’empathie, l’admiration et la curiosité du lecteur.

Ainsi, Mylène incarne à merveille la figure de l’héroïne mystérieuse et torturée, dont le passé douloureux ne cesse de resurgir et de la hanter. À travers son parcours chaotique et sa quête obsessionnelle, Hervé Commère explore avec finesse les thèmes de la rédemption, de la résilience et de la quête identitaire, faisant de Mylène un personnage inoubliable qui porte en lui toute la complexité et la profondeur de la nature humaine.

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Pascal, l’amour perdu : entre fantasme et réalité

Au cœur de l’intrigue de « Regarde » se trouve la relation intense et passionnelle entre Mylène et Pascal Kopinski, un jeune musicien charismatique qui a bouleversé sa vie. Bien que physiquement absent de l’intrigue principale, Pascal hante chaque page du roman, tant il occupe les pensées et les souvenirs de Mylène. Leur histoire d’amour, brève mais d’une intensité rare, est racontée par bribes au fil des flashbacks qui ponctuent le récit, dévoilant peu à peu la profondeur de leurs sentiments et la tragédie qui a scellé leur destin.

Pascal apparaît d’abord comme un fantasme, une figure idéalisée qui incarne pour Mylène la passion, la liberté et l’émancipation. Leur rencontre, décrite comme un véritable coup de foudre, est empreinte d’une sensualité et d’une complicité presque magiques. Pascal, avec son charisme magnétique et son talent musical, semble être l’homme dont Mylène a toujours rêvé, celui qui peut lui faire oublier sa vie rangée et sans saveur auprès de son mari Louis. Leur relation, vécue dans l’urgence et l’intensité, prend rapidement des allures de conte de fées moderne, où l’amour triomphe de tous les obstacles.

Mais au fil des souvenirs de Mylène, le portrait de Pascal se fait plus nuancé et plus ambivalent. Si leur passion est indéniable, leur histoire est aussi marquée par l’impulsivité, l’insouciance et une forme d’immaturité. Le braquage qui les conduira en prison apparaît ainsi comme le point culminant de cette folie amoureuse, où le désir de liberté et de transgression l’emporte sur la raison. Pascal, malgré son aura romantique, n’est pas exempt de défauts et de zones d’ombre, comme le suggère son obsession pour les bandes enregistrées par Ruben, son ancien collaborateur musical.

La mort tragique de Pascal en prison, puis les indices troublants qui laissent penser qu’il serait encore en vie, viennent encore brouiller les pistes et questionner la réalité de cet amour absolu. Mylène, dans sa quête obsessionnelle pour retrouver la trace de son amant perdu, oscille sans cesse entre l’espoir et le doute, entre le souvenir lumineux de leur passion et la crainte d’avoir été abandonnée, voire trahie. Pascal devient alors une figure fantomatique et insaisissable, qui échappe à toute tentative de définition ou de compréhension.

C’est finalement cette ambiguïté, cette tension constante entre fantasme et réalité, qui fait de Pascal un personnage si fascinant et si troublant. À travers les yeux de Mylène, il incarne tour à tour l’amour absolu, le désir d’émancipation, la tentation de la transgression, mais aussi la peur de l’abandon et le poids du passé. Son absence physique dans l’intrigue principale ne fait que renforcer son aura mystérieuse et son impact émotionnel, comme si sa présence continuait de hanter chaque instant de la vie de Mylène.

Ainsi, Pascal apparaît comme une figure complexe et insaisissable, qui cristallise tous les thèmes du roman : l’amour, la perte, la quête identitaire, le poids des secrets et la part d’ombre qui sommeille en chacun de nous. À travers ce personnage entre ombre et lumière, Hervé Commère explore avec finesse les méandres du cœur humain et les frontières poreuses entre rêve et réalité, faisant de Pascal le moteur émotionnel et le symbole même de la quête existentielle de Mylène.

Une intrigue policière teintée de manipulation psychologique

Si « Regarde » est avant tout un roman sur l’amour, la perte et la quête identitaire, il n’en demeure pas moins que l’intrigue repose sur une trame policière haletante, qui tient le lecteur en haleine jusqu’à la dernière page. Dès les premiers chapitres, Hervé Commère installe une atmosphère de suspense et de mystère, alors que Mylène découvre des indices troublants qui laissent penser que Pascal, son amant supposément mort en prison, serait encore en vie. Cette révélation soudaine est le point de départ d’une enquête fiévreuse, qui va entraîner Mylène et ses proches dans un labyrinthe de secrets et de manipulations.

Car au fil des pages, il devient évident que quelqu’un tire les ficelles dans l’ombre, orchestrant un jeu de piste malsain qui semble destiné à faire sombrer Mylène dans la folie. Les indices contradictoires s’accumulent, les pistes se brouillent, et chaque nouveau rebondissement vient remettre en question ce que Mylène croyait savoir sur Pascal, sur leur histoire et sur elle-même. Le lecteur, à l’instar de l’héroïne, est sans cesse ballotté entre espoir et désillusion, entre vérité et mensonge, dans une quête de la vérité qui prend des allures de descente aux enfers.

Mais plus qu’une simple enquête policière, « Regarde » explore avec une finesse psychologique remarquable les méandres de la manipulation mentale et de la perversion narcissique. Le personnage de Béatrice, la mystérieuse inconnue qui semble tirer les ficelles de cette machination, incarne à merveille la figure du manipulateur pervers, qui se joue des faiblesses et des espoirs de sa victime pour mieux l’asservir. Les messages cryptiques, les coïncidences troublantes, les indices contradictoires sont autant d’outils pour maintenir Mylène dans un état de confusion et de détresse permanente, brouillant les frontières entre réalité et paranoïa.

Hervé Commère excelle dans l’art de distiller le doute et la suspicion, faisant de chaque personnage un suspect potentiel et de chaque révélation une possible illusion. Le lecteur, à l’instar de Mylène, est sans cesse invité à remettre en question ses certitudes et à s’interroger sur la nature même de la réalité. Cette ambiguïté constante, savamment entretenue par une narration en puzzle qui alterne présent et flashbacks, confère au roman une dimension presque métaphysique, où la quête de vérité se mue en une exploration des tréfonds de la psyché humaine.

Car au-delà de la résolution de l’énigme policière, c’est bien la question de l’identité et de la résilience qui est au cœur de « Regarde ». À travers les épreuves qu’elle traverse et les manipulations qu’elle subit, Mylène est confrontée à ses propres zones d’ombre, à ses failles et à ses démons intérieurs. Sa quête obsessionnelle pour retrouver Pascal devient alors une métaphore de sa propre quête identitaire, de son combat pour se reconstruire et se réapproprier son histoire.

Ainsi, en mêlant habilement les codes du thriller psychologique et de l’introspection intime, Hervé Commère signe un roman d’une rare intensité, qui maintient le lecteur en haleine jusqu’à la dernière page. La dimension policière de l’intrigue, loin d’être un simple ressort narratif, se révèle être un formidable outil pour explorer les abîmes de l’âme humaine et les mécanismes de la manipulation mentale, faisant de « Regarde » bien plus qu’un simple page-turner, mais une véritable expérience littéraire et émotionnelle.

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Les thèmes de l’amour, de la quête identitaire et de la rédemption

Au-delà de son intrigue policière haletante, « Regarde » est avant tout un roman d’une grande profondeur thématique, qui explore avec une rare acuité les grands questionnements de l’existence humaine. Au fil des pages, Hervé Commère tisse une réflexion subtile et nuancée sur l’amour, la quête identitaire et la rédemption, donnant à son récit une portée universelle qui transcende le simple thriller psychologique.

L’amour, tout d’abord, est au cœur du roman, incarné par la relation intense et passionnelle entre Mylène et Pascal. Leur histoire, racontée par bribes au gré des souvenirs qui refont surface, se lit comme une ode à la passion absolue, celle qui bouleverse une vie et laisse une empreinte indélébile. Mais c’est aussi un amour marqué du sceau de la perte et de l’absence, un amour fantôme qui hante chaque page et chaque pensée de Mylène. À travers cette relation unique et tragique, Hervé Commère interroge la nature même du sentiment amoureux, son pouvoir salvateur et destructeur, sa capacité à nous faire toucher du doigt l’absolu tout en nous confrontant à nos propres limites.

Car c’est bien de quête identitaire qu’il s’agit aussi dans « Regarde ». Mylène, au fil de sa recherche obsessionnelle pour retrouver Pascal, est en réalité à la recherche d’elle-même, de celle qu’elle était avant le drame qui a fait basculer sa vie. Les épreuves qu’elle traverse, les manipulations qu’elle subit, les doutes qui l’assaillent sont autant d’étapes d’un voyage intérieur qui la confronte à ses zones d’ombre, à ses failles et à ses démons. Sa quête de vérité devient alors une métaphore de sa propre reconstruction, de son combat pour se réapproprier son histoire et donner un sens à son existence.

Cette dimension initiatique du roman est renforcée par la présence, en filigrane, du thème de la rédemption. Mylène, marquée par son passé de femme d’affaires impitoyable et par les erreurs qui l’ont conduite en prison, aspire confusément à une forme de rachat, de purification par l’épreuve. Sa quête pour Pascal, sa volonté de faire éclater la vérité, son obstination à ne pas se laisser sombrer malgré les manipulations peuvent se lire comme une tentative désespérée de se racheter, de prouver sa valeur et de trouver enfin la paix intérieure.

Ces thèmes s’entremêlent et se répondent tout au long du roman, conférant à l’intrigue une profondeur et une résonance qui dépassent le simple suspense. Hervé Commère, en fin observateur de l’âme humaine, explore avec une grande subtilité les méandres du cœur et de l’esprit, les contradictions qui nous animent, les espoirs et les illusions qui nous font avancer. Son écriture ciselée, qui alterne avec brio moments de tension et d’introspection, parvient à donner vie et chair à des questionnements universels, faisant de chaque lecteur un compagnon de route de Mylène dans sa quête existentielle.

Ainsi, « Regarde » se révèle être bien plus qu’un simple thriller psychologique. C’est un roman profondément humain, qui parle avec une rare justesse de notre besoin d’amour, de notre soif de vérité et de notre quête incessante de sens. Une œuvre qui, en explorant les abysses de la manipulation et de la perte, parvient paradoxalement à faire jaillir une lumière, celle de la résilience et de l’espoir, et qui nous invite, à notre tour, à ne jamais cesser de chercher notre propre vérité.

Un style d’écriture immersif, entre poésie et noirceur

L’une des grandes forces de « Regarde » réside incontestablement dans le style unique et captivant d’Hervé Commère, qui parvient à créer une atmosphère immersive où se mêlent poésie et noirceur. Dès les premières pages, le lecteur est happé par une écriture ciselée, qui joue subtilement sur les registres et les tonalités pour nous faire entrer dans l’univers mental de Mylène, cette héroïne à fleur de peau dont nous partageons les doutes, les espoirs et les tourments.

Le style de Commère se caractérise d’abord par une grande poésie, une attention portée à la musicalité de la langue et à la force évocatrice des images. Les descriptions, qu’il s’agisse des paysages traversés par Mylène lors de ses escapades ou des sensations qui l’assaillent au gré de ses souvenirs, sont empreintes d’une sensualité et d’une délicatesse qui tranchent avec la noirceur de l’intrigue. Cette écriture presque impressionniste, qui s’attache à capter l’instant et l’émotion plus qu’à décrire avec exactitude, contribue grandement à nous faire entrer dans la psyché de Mylène, à nous faire ressentir avec acuité ses émotions et ses états d’âme.

Mais la poésie chez Commère n’est jamais mièvrerie ou artifice. Elle s’accompagne au contraire d’une noirceur, d’une âpreté qui ancrent le récit dans une réalité crue et sans fard. Les scènes de prison, les moments de désespoir et de solitude, la violence des sentiments et des actions sont dépeints avec un réalisme quasi clinique, une précision chirurgicale qui ne laisse aucune place à l’édulcoration. Cette noirceur, loin d’être gratuite, sert au contraire à donner une profondeur et une vérité aux personnages, à rendre palpable la souffrance qui les habite et les choix douloureux auxquels ils sont confrontés.

C’est dans l’entrelacement constant de ces deux registres, la poésie et la noirceur, que se joue toute la singularité et la force du style de Commère. Comme si la beauté du verbe, la finesse des images venaient contrebalancer l’âpreté du propos, offrant au lecteur des instants de grâce et de respiration au cœur même des ténèbres. Cette alternance crée un rythme, une respiration qui rend le récit intensément vivant et humain, à l’image des personnages qui nous sont donnés à voir dans toute leur complexité et leurs contradictions.

Cette écriture immersive, qui place le lecteur au plus près des sensations et des émotions des personnages, est renforcée par la structure même du roman, cette narration en puzzle qui alterne présent et flashbacks, moments d’action et d’introspection. En épousant au plus près les méandres de la pensée de Mylène, en nous faisant partager ses doutes, ses peurs et ses espoirs au fil des souvenirs qui refont surface, Commère crée une proximité troublante avec son héroïne, une intimité presque dérangeante qui rend son histoire d’autant plus poignante et réelle.

Ainsi, par son style unique, tout en nuances et en contrastes, Hervé Commère réussit le tour de force de transformer un thriller psychologique en une expérience littéraire d’une rare intensité. Son écriture envoûtante, qui mêle avec brio poésie et noirceur, sublime et trivial, parvient à toucher au cœur même de la condition humaine, dans ce qu’elle a de plus beau et de plus sombre à la fois. Une prouesse stylistique qui, loin d’être un simple exercice de virtuosité, se met tout entière au service de l’histoire et des personnages, pour nous offrir un roman d’une puissance émotionnelle et d’une profondeur rares.

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La symbolique des lieux (la roulotte, la prison) et des objets

Dans « Regarde », les lieux et les objets ne sont pas de simples éléments de décor, mais revêtent une dimension symbolique forte, qui éclaire en filigrane les thèmes majeurs du roman. Deux lieux en particulier se distinguent par leur importance et leur portée métaphorique : la roulotte et la prison. Ces espaces, aux antipodes l’un de l’autre, incarnent les deux pôles entre lesquels oscille la vie de Mylène, entre liberté et enfermement, entre rêve et réalité.

La roulotte, tout d’abord, représente bien plus qu’un simple lieu de villégiature pour Mylène. C’est un espace hors du temps, presque irréel, où se rejoue sans cesse sa relation avec Pascal. Chaque objet, chaque détail de la décoration semble faire écho à leur histoire d’amour, comme si leur passion s’était imprimée dans les murs mêmes. Mais la roulotte est aussi, paradoxalement, le lieu où Mylène prend conscience de l’absence et de la perte. C’est en découvrant cet espace figé, comme suspendu dans le passé, qu’elle mesure pleinement le vide laissé par Pascal et l’impossibilité de revenir en arrière. La roulotte devient alors le symbole d’un bonheur perdu, d’un rêve qui se dérobe sans cesse et que Mylène va tenter de reconquérir à travers sa quête.

À l’opposé, la prison incarne l’enfermement, la solitude, l’annihilation de toute liberté et de tout espoir. Les descriptions minutieuses de l’univers carcéral, de ses rituels et de ses violences, donnent une réalité presque palpable à cette expérience de la réclusion, qui a marqué Mylène au fer rouge. Mais la prison est aussi, d’une certaine manière, un espace mental, une métaphore des barrières invisibles qui entravent Mylène même une fois libre. Son incapacité à se défaire du passé, à se reconstruire pleinement après le drame, peut se lire comme une forme d’emprisonnement intérieur, dont elle va chercher à s’extraire à travers sa quête de vérité.

Aux côtés de ces lieux symboliques, certains objets jouent également un rôle clé dans le roman, cristallisant les enjeux émotionnels et psychologiques de l’intrigue. Le livre « Regarde », tout d’abord, qui donne son titre au roman, incarne le lien indéfectible entre Mylène et Pascal, leur amour de la littérature et leur complicité unique. Les lettres qu’ils s’échangent en prison, en utilisant les premières phrases de chaque page comme un code secret, sont autant de preuves tangibles de leur connexion par-delà les murs et les années. De même, la tasse émaillée et le disque du Charismatic Orchestra, découverts dans la roulotte, sont comme des talismans, des reliques d’un passé révolu qui viennent raviver la flamme de l’espoir chez Mylène.

Mais l’objet le plus emblématique reste sans doute le téléphone portable de Mylène, véritable incarnation de la manipulation et de l’emprise exercées par Béatrice. Cet objet du quotidien, censé représenter la connexion et la communication, devient ici l’instrument d’une surveillance perverse, d’une intrusion dans l’intimité de Mylène. Le fait que celle-ci décide de garder le téléphone malgré tout, d’accepter sciemment d’être espionnée, peut se lire comme une forme de réappropriation, un refus de se laisser anéantir par la peur et la paranoïa.

Ainsi, par tout un jeu de symboles et de métaphores, « Regarde » donne à voir la géographie intime de ses personnages, les espaces physiques et mentaux dans lesquels ils évoluent et se débattent. Loin d’être de simples touches de réalisme ou de couleur locale, les lieux et les objets participent pleinement de la dimension psychologique du roman, éclairant en creux les thèmes de l’enfermement et de la liberté, de la mémoire et de l’oubli, de la manipulation et de la résilience. Une preuve supplémentaire, s’il en fallait, de la maestria d’Hervé Commère, qui parvient à faire de chaque élément du décor un rouage essentiel de son implacable mécanique romanesque.

Une réflexion sur le poids des secrets et du passé

Au-delà de son intrigue haletante et de ses personnages fascinants, « Regarde » est aussi un roman qui invite à une profonde réflexion sur le poids des secrets et du passé dans nos vies. À travers le parcours de Mylène, cette héroïne meurtrie qui se débat avec les fantômes de son histoire, Hervé Commère explore avec une grande finesse les mécanismes de la mémoire et de l’oubli, et la façon dont nos choix passés peuvent continuer à nous hanter et à nous définir bien des années après.

Toute l’intrigue du roman repose sur un enchevêtrement de secrets, de non-dits et de faux-semblants, qui viennent peu à peu ébranler les certitudes de Mylène et remettre en question tout ce qu’elle croyait savoir sur son propre passé. Qu’il s’agisse des zones d’ombre entourant la mort de Pascal, des manipulations perverses orchestrées par Béatrice ou des silences de ses proches, chaque révélation vient ajouter une pièce au puzzle, tout en soulevant de nouvelles interrogations. Cette opacité, savamment entretenue par une narration en fragmentation, peut se lire comme une métaphore de la condition humaine, de notre difficulté à saisir pleinement le sens de notre propre histoire et à nous libérer du poids des secrets enfouis.

Car les secrets, dans « Regarde », ne sont pas seulement des éléments de suspense ou des ressorts dramatiques. Ils ont une véritable consistance, une présence presque physique qui vient peser sur les personnages et influencer chacun de leurs actes. Pour Mylène, le secret de la mort de Pascal, le doute quant à sa survie, est comme un boulet qu’elle traîne depuis des années, un poids qui entrave sa reconstruction et sa capacité à se projeter dans l’avenir. De même, les secrets de Béatrice, les raisons obscures qui la poussent à s’acharner sur Mylène, viennent ajouter une dimension presque métaphysique à l’intrigue, comme si une part du réel échappait irrémédiablement à notre compréhension.

Mais le roman ne se contente pas de constater le poids des secrets et du passé. Il explore aussi, en filigrane, les chemins possibles de la résilience et de la libération. Pour Mylène, la quête de vérité, si douloureuse soit-elle, est aussi une manière de se réapproprier son histoire, de faire la lumière sur les zones d’ombre pour pouvoir enfin tourner la page. Chaque découverte, chaque révélation, aussi déstabilisante soit-elle, est aussi un pas vers une forme d’apaisement, une manière de dénouer peu à peu les fils du passé pour se reconstruire dans le présent.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit, au final : apprendre à vivre avec son passé, sans pour autant s’y laisser enfermer. L’un des grands enseignements du roman est peut-être que le poids des secrets et des blessures anciennes ne disparaît jamais totalement, mais qu’il est possible d’apprendre à l’apprivoiser, à le transformer en une force plutôt qu’en un fardeau. C’est tout le sens du parcours de Mylène, de sa lente reconstruction au fil des pages, de sa capacité à affronter ses démons intérieurs pour se réinventer une nouvelle vie.

Ainsi, en explorant les méandres de la mémoire et de l’oubli, en sondant les abîmes du secret et du non-dit, « Regarde » nous offre une réflexion d’une grande profondeur sur la part d’ombre qui habite chaque existence. Mais loin de sombrer dans le pessimisme ou le désenchantement, le roman d’Hervé Commère se veut aussi un message d’espoir, une invitation à ne jamais cesser de lutter pour sa vérité et pour sa liberté. Une leçon de vie qui, par-delà le suspense et les rebondissements, donne à cette œuvre une résonance universelle et une puissance émotionnelle rare.

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« Regarde » : un puzzle littéraire original qui tient le lecteur en haleine

Dans « Regarde », Hervé Commère réussit le pari audacieux de proposer un puzzle littéraire original, qui tient le lecteur en haleine de la première à la dernière page. En mêlant habilement les codes du thriller psychologique, du roman noir et de l’introspection intime, il parvient à créer une œuvre hybride et inclassable, qui sans cesse déjoue nos attentes et nous entraîne dans un labyrinthe de faux-semblants et de révélations.

L’une des grandes forces du roman réside dans sa construction narrative en fragmentation, qui épouse les méandres de la mémoire et de l’enquête de Mylène. En alternant sans cesse présent et flashbacks, moments d’action et d’introspection, Hervé Commère crée un sentiment d’urgence et d’incertitude qui colle parfaitement à l’état d’esprit de son héroïne, tout en maintenant un suspense constant. Chaque chapitre apporte son lot de nouvelles questions et de nouvelles pistes, relançant l’intrigue tout en approfondissant notre compréhension des personnages et des enjeux.

Cette structure en puzzle n’est pas seulement un artifice formel, mais fait écho au thème central du roman : la quête de vérité et d’identité. Tout comme Mylène tente de reconstituer le fil de sa propre histoire à partir de bribes éparses de souvenirs et d’indices, le lecteur est invité à assembler patiemment les pièces du puzzle, à formuler ses propres hypothèses pour tenter de démêler le vrai du faux. Cette participation active du lecteur, cette invitation à se faire détective aux côtés de Mylène, crée une immersion et une identification d’une rare intensité.

Mais « Regarde » n’est pas qu’un simple jeu de piste intellectuel. C’est aussi un roman profondément humain, qui explore avec une grande justesse les tourments intérieurs de ses personnages. La quête de Mylène, si elle est motivée par un désir de vérité, est aussi et surtout une quête existentielle, une tentative désespérée de donner un sens à son existence et de se reconstruire après le drame. Chaque rebondissement, chaque révélation vient ainsi faire écho à ses doutes, ses espoirs et ses blessures intimes, donnant à l’intrigue une résonance qui dépasse le simple suspense.

C’est cette alchimie subtile entre tension narrative et profondeur psychologique qui fait toute la réussite du roman. En parvenant à nous tenir en haleine tout en nous faisant réfléchir sur des thèmes aussi universels que l’amour, la perte, la résilience ou le poids des secrets, Hervé Commère signe bien plus qu’un page-turner efficace. Il nous offre une expérience de lecture totale, qui engage à la fois notre intellect, notre imagination et notre sensibilité.

« Regarde » s’impose ainsi comme un puzzle littéraire original et ambitieux, qui renouvelle avec brio les codes du thriller psychologique. Un roman qui, par son architecture narrative audacieuse, son style incisif et sa profondeur thématique, parvient à créer une œuvre d’une grande singularité, à la fois addictive et profondément humaine. Une réussite qui confirme Hervé Commère comme l’un des auteurs les plus talentueux et les plus prometteurs de sa génération, capable de transcender les genres pour nous offrir une littérature exigeante et accessible, à l’image de son héroïne : complexe, lumineuse et inoubliable.


Extrait Première Page du livre

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Le charleston est une partie de la batterie, composée de deux cymbales accolées et actionnées par une pédale, sur lesquelles le batteur fait rebondir ses baguettes. Le son produit m’électrisera toujours, on dirait une étincelle. Je me souviens très précisément de la première fois où je l’ai entendu. C’était le 26 mars 2004, le jour où ma vie a changé. Ce ne sont pas des mots en l’air. Si je n’étais pas entrée dans le studio Del’Orto cette après-midi-là, je n’aurais peut-être pas quitté mon mari, et je n’aurais à coup sûr pas braqué cette bijouterie quelques mois plus tard. J’ai eu le temps de remonter très exactement le fil de ma vie, d’identifier tous les rouages de mon parcours depuis la cellule où j’ai passé huit ans. Tout part de ces quelques pas, mes talons de femme d’affaires claquant sur le parquet de ce studio mythique, et cette batterie dans le fond, derrière laquelle se trouvait un jeune homme presque nu.

Je ne connaissais pas grand-chose à la musique ni aux lieux dans lesquels on la fabriquait. À la tête d’un cabinet d’investissement portant mon nom, Mylène Archère, j’avais l’assurance d’une femme de 45 ans née dans l’opulence et le pouvoir, ayant suivi de grandes études et épousé un brillant avocat, du flair, une certaine audace et de bons conseillers, et également quelques réussites spectaculaires à mon actif. J’avais le temps, l’argent et, en ce jeudi, le sourire. Dans mon tailleur sur mesure, j’écoutais mes deux plus proches collaborateurs évoquer la rentabilité du lieu, les perspectives et les charges afférentes. Aux murs, les pochettes d’albums de Quincy Jones, Diana Ross, Isaac Hayes ou U2, des disques d’or encadrés et de larges plaques multicolores dont j’apprendrais plus tard qu’elles servaient à mater le son ou au contraire à le faire exploser. Au fond de chacune des pièces, une vitre immense nous séparait de consoles dignes de tours de contrôle. « 


  • Titre : Regarde
  • Auteur : Hervé Commère
  • Éditeur : Fleuve noir
  • Nationalité : France
  • Date de sortie : 2020

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Je m’appelle Manuel et je suis passionné par les polars depuis plus de 60 ans, une passion qui ne montre aucun signe d’essoufflement.


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