Présentation du roman et de l’auteur
« Le Chuchoteur » est un roman policier italien écrit par Donato Carrisi, publié pour la première fois en 2009 sous le titre original « Il Suggeritore » avant d’être traduit en français et édité par Calmann-Lévy en 2010. Ce premier roman de l’auteur a rapidement connu un grand succès en Italie puis à l’international, se voyant récompensé par de nombreux prix littéraires comme le prix Camaiore ou le prix SNCF du polar.
L’histoire nous plonge dans une enquête angoissante menée par une équipe de la police scientifique, confrontée à un tueur en série particulièrement retors qui s’en prend à des fillettes. Au cœur de l’intrigue, on suit les personnages de Mila Vasquez, une enquêtrice spécialisée dans les disparitions, et Goran Gavila, un criminologue renommé. Ensemble, ils vont tenter de comprendre le mode opératoire du tueur et de remonter jusqu’à lui, dans une course contre la montre glaçante.
Donato Carrisi signe avec ce thriller psychologique intense une entrée remarquée en littérature. Né en 1973 dans les Pouilles en Italie, il a étudié le droit et se spécialise dans la criminologie et les sciences du comportement. Scénariste pour la télévision et le cinéma, c’est avec « Le Chuchoteur » qu’il se lance dans l’écriture de romans, ouvrant la voie à une carrière prolifique. Son expérience et ses connaissances dans le domaine criminel apportent une vraie authenticité à ses récits, très documentés.
À travers ce premier opus glaçant, Donato Carrisi pose les bases de son univers, fait de violence et de noirceur, explorant avec une grande finesse psychologique les tréfonds de l’âme humaine. Son écriture maîtrisée et son sens aigu du suspense et du rythme en font d’emblée un maître du thriller, dans la lignée des plus grands auteurs du genre. « Le Chuchoteur » marque ainsi le début d’une œuvre forte et originale, entre roman noir et thriller psychologique, qui ne laissera pas les lecteurs indemnes.
Ce premier chapitre nous permet donc de situer le roman et son auteur, tout en donnant un premier aperçu de l’intrigue et des principales caractéristiques qui font la réussite de ce livre. Sans en dévoiler trop, il pose les jalons de l’analyse à venir et suscite la curiosité du lecteur, l’invitant à découvrir plus en détail ce sombre et passionnant thriller.
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L’intrigue et la structure narrative
« Le Chuchoteur » nous entraîne dans une enquête palpitante et terrifiante sur un tueur en série qui s’attaque à des petites filles, les enlevant sans laisser de traces avant de les tuer sauvagement. L’intrigue démarre sur la découverte macabre d’un « cimetière de bras » dans les bois, qui seront identifiés comme appartenant aux fillettes disparues. C’est le début d’une course contre la montre pour la police scientifique, chargée de résoudre ces crimes atroces.
Le récit alterne entre les points de vue des différents personnages, principalement Mila Vasquez et Goran Gavila, mais aussi d’autres membres de l’équipe d’investigation. Cette narration multiple permet de suivre leurs avancées, leurs doutes et leurs pistes, tout en maintenant un suspense haletant. Des chapitres viennent également éclairer le passé de certains personnages, comme celui de Mila, apportant une profondeur supplémentaire à l’intrigue.
En parallèle, on suit la traque d’un suspect, soupçonné des enlèvements en raison de son attirance malsaine pour les enfants. Mais cette piste se révèle être un leurre, savamment orchestré par le véritable tueur. Car le coupable n’est autre que le père Rolf, un ancien prêtre responsable d’un orphelinat sordide, qui a recueilli des années auparavant un garçon perturbé et pervers, Roger Dermis. C’est ce dernier, toujours en contact avec le père Rolf, qui s’avère être le redoutable « chuchoteur ».
La structure du roman ménage ainsi de nombreux rebondissements et fausses pistes, qui tiennent en haleine jusqu’à la révélation finale. Le lecteur est maintenu dans un état de tension permanent, porté par une écriture rythmée et une atmosphère oppressante. Les différents fils de l’intrigue se resserrent peu à peu, jusqu’à la confrontation ultime entre Mila et le tueur.
Cette construction narrative complexe et maîtrisée est l’une des grandes forces du roman de Donato Carrisi. Il parvient à développer une intrigue riche et haletante, servie par une écriture incisive et des personnages torturés mais attachants. Le lecteur est happé dans cette spirale infernale, pris au piège de ce récit labyrinthique qui explore les recoins les plus sombres de l’âme humaine, pour un résultat aussi terrifiant que captivant.
Les personnages principaux et leur évolution
Au cœur de l’intrigue du « Chuchoteur » se trouvent deux personnages complexes et tourmentés : Mila Vasquez et Goran Gavila. Mila est une enquêtrice spécialisée dans les affaires de disparitions, dotée d’un don unique pour retrouver les personnes disparues. Mais cette aptitude a un prix : Mila est une solitaire, incapable de nouer des relations, hantée par son propre passé. Au fil de l’enquête, on découvre les blessures secrètes de cette femme meurtrie, qui se scarifie pour expier une culpabilité qui la ronge.
Goran Gavila, quant à lui, est un criminologue réputé, spécialiste des tueurs en série. Brillant et torturé, il dirige l’équipe d’investigation d’une main de maître, tout en dissimulant ses propres démons. Gavila est hanté par la disparition inexpliquée de sa femme, qui a laissé un vide béant dans sa vie et celle de leur fils Tommy. Au cours de l’enquête, il se rapproche peu à peu de Mila, trouvant en elle une âme sœur capable de le comprendre.
Autour de ce duo gravitent d’autres personnages secondaires mais essentiels, comme les agents spéciaux Sarah Rosa et Klaus Boris, qui apportent leur expertise à l’enquête. Chacun a sa personnalité et ses failles, créant une dynamique de groupe complexe et tendue. Au fil des pages, on découvre leurs doutes, leurs peurs et leurs secrets, dans une exploration psychologique subtile.
En face d’eux se dresse la figure du tueur, longtemps insaisissable et mystérieuse. Au fur et à mesure que l’enquête progresse, le lecteur en apprend plus sur ce « chuchoteur » qui manipule ses victimes. Roger Dermis, un ancien pensionnaire de l’orphelinat dirigé par le père Rolf, a basculé dans le mal après avoir tué un de ses camarades, Billy. Devenu adulte, il enlève des fillettes pour revivre ce traumatisme originel, sous l’emprise perverse du père Rolf.
L’évolution de ces personnages au fil du récit est l’une des grandes réussites du roman. Mila et Gavila, en particulier, gagnent en profondeur et en humanité à mesure qu’ils affrontent leurs propres ténèbres. Leur relation ambiguë et tourmentée, faite de non-dits et de souffrances partagées, apporte une dimension supplémentaire à l’intrigue. Quant au tueur, il fascine autant qu’il révulse, incarnation du mal absolu qui met en lumière les failles d’une société incapable de protéger ses enfants.
Avec une grande maîtrise de la psychologie et de la caractérisation, Donato Carrisi dresse le portrait de personnages inoubliables, qui hantent longtemps le lecteur après avoir refermé le livre. Leur complexité et leur humanité donnent une profondeur et une intensité rares à ce thriller, bien au-delà d’une simple enquête policière. C’est aussi ce qui fait la force et l’originalité de ce roman, qui explore les recoins les plus sombres de l’âme humaine à travers des protagonistes fascinants et ambigus.
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Le thème central du mal et de la violence
« Le Chuchoteur » est un roman qui plonge au cœur des ténèbres, explorant avec une intensité rare le thème du mal et de la violence. Dès les premières pages, le lecteur est confronté à l’horreur absolue à travers la découverte du « cimetière de bras », ces restes mutilés de petites filles innocentes. Cette scène macabre donne le ton du récit, qui ne cessera dès lors d’explorer les abîmes de la cruauté humaine.
Car le mal est partout dans ce roman, incarné par la figure terrifiante du tueur en série qui s’en prend aux enfants. Roger Dermis, manipulé par le père Rolf, est un prédateur sans pitié qui enlève, torture et tue ses jeunes victimes avec une froide détermination. À travers lui, Donato Carrisi explore les racines de la violence et les mécanismes pervers qui conduisent un être humain à basculer dans l’horreur.
Mais le mal ne se limite pas à la figure du tueur. Il imprègne tout le récit, comme une présence diffuse et oppressante. Les personnages eux-mêmes, pourtant du côté des « gentils », portent en eux une part d’ombre et de souffrance. Mila et Gavila, en particulier, sont hantés par des traumatismes anciens qui les rongent de l’intérieur. Leur quête de vérité est aussi une lutte contre leurs propres démons, dans un combat sans fin contre le mal qui les habite.
Plus largement, « Le Chuchoteur » dresse un constat sombre sur une société gangrénée par la violence et l’indifférence. L’orphelinat du père Rolf, théâtre de sévices et de crimes impunis, apparaît comme un symbole de cette faillite collective. Les institutions, la police, l’Église, tous ont failli à protéger les plus faibles et les plus innocents. Le mal a pu prospérer en toute impunité, dans l’ignorance et le silence coupables.
En explorant avec une telle acuité le thème de la violence, Donato Carrisi ne cherche pas à choquer gratuitement, mais bien à interroger la nature humaine et les racines du mal. Son écriture clinique, presque froide dans la description des atrocités, rend compte de cette volonté de comprendre et d’analyser les mécanismes de la perversion. Mais il y a aussi, en filigrane, une forme de compassion pour les victimes et les âmes blessées, qui tempère la noirceur du propos.
Véritable plongée dans les abysses de la cruauté, « Le Chuchoteur » affronte avec courage et lucidité le thème dérangeant du mal absolu. Sans concession ni complaisance, il ausculte les recoins les plus sombres de la psyché humaine, pour un résultat aussi dérangeant que fascinant. C’est cette exploration sans fard de la part d’ombre en chacun de nous qui fait la force et l’originalité de ce roman, bien au-delà d’un simple thriller. Une lecture qui hante longtemps les nuits du lecteur, comme un écho lancinant à nos propres ténèbres intérieures.
L’ambiance sombre et oppressante
Dès les premières pages du « Chuchoteur », le lecteur est plongé dans une atmosphère sombre et inquiétante, qui ne le quittera plus jusqu’à la fin du roman. Donato Carrisi excelle dans l’art de créer une ambiance oppressante, qui transpire par tous les pores du récit. Chaque scène, chaque description est empreinte d’une tension palpable, qui maintient une angoisse diffuse tout au long de la lecture.
Les lieux où se déroule l’intrigue participent pleinement à cette atmosphère glauque et menaçante. Les bois où est découvert le « cimetière de bras » sont décrits comme un lieu sinistre, baigné d’une lumière blafarde et peuplé d’ombres inquiétantes. Plus tard, l’orphelinat délabré où officiait le père Rolf apparaît comme un véritable décor de film d’horreur, avec ses couloirs obscurs et ses pièces abandonnées qui semblent abriter des secrets indicibles.
Mais c’est surtout à travers l’écriture que Donato Carrisi parvient à installer cette ambiance si particulière. Sa prose incisive et sèche, presque clinique dans la description des atrocités, crée un contraste saisissant avec l’horreur des événements relatés. Les phrases courtes, les descriptions minutieuses, les dialogues tendus, tout concourt à installer un climat de tension permanente, qui va crescendo jusqu’au dénouement final.
Cette ambiance poisseuse imprègne aussi les personnages, qui semblent tous porter en eux une part d’ombre. Mila et Gavila, en particulier, sont des êtres tourmentés, rongés par la culpabilité et les secrets. Leur mal-être et leur solitude transparaissent dans chacun de leurs faits et gestes, ajoutant encore à la lourdeur ambiante. Même les personnages secondaires, comme le médecin légiste surnommé « Chang », participent de cette atmosphère étrange et dérangeante.
La structure narrative, faite de chapitres courts qui alternent les points de vue et les époques, renforce encore cette impression d’oppression et de morcellement. Le lecteur, sans cesse ballotté d’une scène à l’autre, d’un personnage à l’autre, peine à trouver ses repères et se sent comme pris au piège dans un labyrinthe malsain. Les flashbacks sur le passé des personnages, en particulier, viennent ajouter une dimension supplémentaire à cette ambiance déjà étouffante.
C’est peut-être là l’une des plus grandes réussites de Donato Carrisi dans ce roman : parvenir à créer une atmosphère aussi prenante et dérangeante, qui happe littéralement le lecteur dès les premières pages. Cette ambiance sombre et poisseuse, parfaitement maîtrisée de bout en bout, confère au « Chuchoteur » une identité unique, à la frontière du thriller et du roman noir. Une expérience de lecture intense et éprouvante, qui laisse une empreinte durable dans l’esprit du lecteur longtemps après avoir refermé le livre.
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Le suspense et les fausses pistes
L’un des talents de Donato Carrisi dans « Le Chuchoteur » est sans nul doute sa capacité à maintenir un suspense haletant tout au long du récit. Dès le début de l’enquête, le lecteur est happé par l’intrigue, pris dans un engrenage infernal qui ne le lâchera plus jusqu’à la dernière page. Les rebondissements s’enchaînent à un rythme effréné, chaque nouveau développement apportant son lot de surprises et de révélations.
Mais ce qui rend ce suspense si efficace, c’est aussi la manière dont l’auteur parvient à semer le doute et à brouiller les pistes. Tout au long du roman, le lecteur est amené à échafauder des hypothèses, à soupçonner tel ou tel personnage, pour mieux être détrompé quelques chapitres plus loin. Donato Carrisi joue avec nos attentes et nos certitudes, nous faisant croire à de fausses évidences pour mieux nous surprendre ensuite.
L’exemple le plus frappant de ces fausses pistes concerne le personnage d’Alexander Bermann, un pédophile notoire qui apparaît vite comme le coupable idéal. Tous les indices semblent le désigner, et l’équipe d’enquêteurs se lance à corps perdu sur cette piste, persuadée de tenir enfin le « chuchoteur ». Mais il ne s’agit en réalité que d’un leurre, savamment orchestré par le véritable tueur pour détourner l’attention de la police.
Ces rebondissements ne sont pas simplement des artifices scénaristiques, mais participent pleinement à la tension narrative et à l’atmosphère oppressante du roman. En brouillant constamment les frontières entre le vrai et le faux, le suspect et l’innocent, Donato Carrisi instille un sentiment de paranoïa et de doute permanent. Le lecteur, à l’image des enquêteurs, ne sait plus à quoi se fier, plongé dans un monde où les apparences sont trompeuses et le mal omniprésent.
Le final du roman, en particulier, est un modèle du genre en termes de suspense et de renversement de situation. Alors que toutes les pièces du puzzle semblent enfin s’assembler, Donato Carrisi parvient encore à nous surprendre en révélant la véritable identité du « chuchoteur ». Cette scène, d’une tension presque insoutenable, vient clore magistralement un récit riche en rebondissements et en fausses pistes.
Maître du suspense, Donato Carrisi signe avec « Le Chuchoteur » un thriller psychologique redoutablement efficace. Sa narration implacable, qui alterne révélations et fausses pistes, maintient le lecteur en haleine jusqu’à la toute fin. C’est cette construction minutieuse, ce sens aigu de la manipulation narrative, qui fait toute la force et l’originalité de ce roman. Une véritable mécanique de précision, qui happe le lecteur dans ses rouages implacables pour mieux le broyer, fasciné et terrifié à la fois.
La psychologie des tueurs en série
L’une des grandes forces du « Chuchoteur » réside dans la finesse de son analyse psychologique, en particulier en ce qui concerne la figure du tueur en série. Donato Carrisi, fort de ses connaissances en criminologie, explore avec une acuité troublante les méandres de l’esprit criminel. Loin des clichés habituels sur les « monstres » sanguinaires, il dresse le portrait nuancé et complexe d’un être humain basculant dans l’horreur.
Le personnage de Roger Dermis, qui se révèle être le véritable « chuchoteur », est à cet égard fascinant. Enfant perturbé et violent, il trouve en la personne du père Rolf un mentor pervers, qui va encourager et façonner ses pulsions meurtrières. C’est dans son passé, et en particulier dans le meurtre de son camarade Billy, que se noue le trauma originel qui le poussera, des années plus tard, à s’en prendre à des petites filles innocentes.
Mais ce qui rend ce personnage si dérangeant, c’est aussi sa part d’humanité. Loin d’être un « monstre » unidimensionnel, Roger Dermis apparaît comme un être blessé et meurtri, en quête désespérée d’amour et de reconnaissance. Sa relation ambiguë avec le père Rolf, faite de manipulation et de dépendance affective, éclaire d’un jour troublant les racines de sa folie meurtrière. On comprend que le mal, chez lui, est autant subi qu’agi.
Donato Carrisi explore avec une grande finesse les mécanismes psychologiques qui conduisent un individu à basculer dans l’horreur. La notion de « chuchoteur », centrale dans le roman, renvoie à cette idée d’une influence extérieure pernicieuse, qui vient réveiller et attiser les pulsions les plus sombres. Le père Rolf, par sa mainmise sur Roger Dermis, incarne parfaitement cette figure du manipulateur pervers, qui façonne et encourage le mal chez l’autre.
Mais au-delà du cas individuel de Roger Dermis, « Le Chuchoteur » propose une réflexion plus large sur la psychologie des tueurs en série. À travers les analyses du criminologue Gavila et les intuitions de Mila, le roman explore les différentes typologies de criminels, leur mode opératoire, leur rapport à la violence. On comprend que chaque tueur est unique, mu par des pulsions et des traumatismes qui lui sont propres.
Cette plongée dans les abîmes de l’esprit criminel, servie par une écriture clinique et précise, confère au « Chuchoteur » une profondeur et une puissance rares. Bien plus qu’un simple thriller, le roman de Donato Carrisi se veut une exploration des tréfonds de l’âme humaine, dans ce qu’elle a de plus sombre et de plus dérangeant. Une lecture qui interroge autant qu’elle fascine, et qui laisse le lecteur face à ses propres parts d’ombre, troublé et ébranlé.
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Les techniques d’investigation criminelle
L’un des aspects les plus fascinants du « Chuchoteur » réside dans la description minutieuse des techniques d’investigation criminelle. Donato Carrisi, fort de ses connaissances en criminologie, nous plonge dans les arcanes de la police scientifique avec un réalisme saisissant. Tout au long du roman, on suit les enquêteurs dans leur traque du tueur, et on découvre avec eux les méthodes et les outils utilisés pour résoudre les crimes les plus sordides.
Dès le début du récit, la découverte macabre du « cimetière de bras » donne lieu à une scène d’investigation particulièrement détaillée. Relevé d’empreintes, analyse des sols, prélèvements d’ADN… Chaque étape est décrite avec une précision quasi-clinique, donnant au lecteur l’impression troublante d’être sur la scène de crime aux côtés des enquêteurs. Cette attention portée aux détails techniques confère une authenticité et une crédibilité rares au récit.
Mais c’est surtout à travers le personnage de Gavila, le criminologue, que Donato Carrisi explore les arcanes de l’investigation criminelle. Véritable mentor de l’équipe, il guide les enquêteurs de son expertise et de ses intuitions fulgurantes. Sa méthode, qui consiste à se mettre dans la peau du tueur pour comprendre son mode opératoire et anticiper ses actions, est fascinante de précision psychologique. On le suit pas à pas dans son décryptage des indices, dans sa reconstruction minutieuse du profil du criminel.
Les techniques d’investigation déployées dans le roman ne se limitent pas à la police scientifique traditionnelle. Donato Carrisi explore aussi des méthodes plus modernes, comme l’analyse des données informatiques ou le recours à la géolocalisation. L’enquête prend ainsi une dimension presque « high-tech », en phase avec les évolutions les plus récentes de la criminalité. Mais l’auteur n’oublie jamais la dimension humaine de l’investigation, faite d’intuition, d’expérience et de ténacité.
Au fil des pages, le lecteur est ainsi invité à une plongée passionnante dans les rouages de l’investigation criminelle. Les détails techniques, loin d’être rébarbatifs, participent pleinement à la tension narrative et à la crédibilité de l’intrigue. On est saisi par l’ampleur et la complexité du travail des enquêteurs, par la rigueur et l’ingéniosité déployées pour débusquer le moindre indice. Une véritable immersion dans les coulisses d’une enquête hors norme.
Cette exploration minutieuse des techniques d’investigation criminelle ajoute une dimension supplémentaire au « Chuchoteur ». Bien plus qu’un simple ressort narratif, elle ancre le récit dans une réalité crue et tangible, au plus près du travail des forces de l’ordre. C’est cette authenticité, cette attention portée aux détails les plus techniques, qui confère au roman de Donato Carrisi une saveur si particulière. Une lecture qui fascine autant qu’elle instruit, et qui révèle la complexité et la rigueur du travail des « limiers » de la crime.
La critique de la société et des institutions
Au-delà de l’intrigue policière, « Le Chuchoteur » se veut aussi une critique acerbe de la société et des institutions. À travers l’enquête sur les meurtres de petites filles, Donato Carrisi dresse un constat sans concession sur un monde gangréné par l’indifférence, la violence et la corruption. Son regard est celui d’un anatomiste qui dissèque les maux de notre époque avec une précision chirurgicale.
Le premier objet de sa critique est sans nul doute l’Église, incarnée dans le roman par la figure ambivalente du père Rolf. Ce prêtre, qui dirige un orphelinat sordide, est en réalité un manipulateur pervers qui encourage les pulsions meurtrières de Roger Dermis. À travers lui, c’est toute une institution qui est pointée du doigt, accusée de couvrir et de favoriser les dérives les plus sordides au nom de la protection de son image. Une critique d’autant plus virulente qu’elle fait écho aux scandales de pédophilie qui ont ébranlé l’Église ces dernières années.
Mais la critique de Donato Carrisi ne s’arrête pas là. C’est toute la société qui est mise en accusation, à travers son incapacité à protéger les plus faibles et les plus innocents. Les petites filles assassinées par le « chuchoteur » apparaissent comme les victimes d’une indifférence collective, d’un système qui ferme les yeux sur la souffrance des enfants. Les institutions censées les protéger – police, services sociaux, justice – sont montrées comme défaillantes, bureaucratiques, incapables de prévenir ou de punir le mal.
Cette critique sociale transparaît aussi à travers les personnages principaux, qui tous à leur manière sont des marginaux, des écorchés vifs en lutte contre un système qui les broie. Mila, avec son passé douloureux et sa quête obsessionnelle des disparus, incarne une forme de résistance obstinée face à l’inacceptable. Gavila, lui, est un homme brisé qui a perdu foi en l’humanité, mais qui continue malgré tout à traquer les monstres. Même les « méchants », comme Roger Dermis, sont montrés comme les produits d’une société malade, qui fabrique des tueurs en série.
À travers ces destins brisés, ces vies abîmées, Donato Carrisi dresse un portrait sans concession de notre monde. Un monde où les prédateurs prospèrent, où les innocents sont sacrifiés sur l’autel de l’indifférence et de la corruption. Un monde où le mal s’infiltre dans les recoins les plus sombres de l’âme humaine, sans que personne ne semble capable de l’arrêter. Un réquisitoire puissant et dérangeant, qui interpelle le lecteur sur sa propre responsabilité.
Véritable radiographie d’une société malade, « Le Chuchoteur » est bien plus qu’un simple thriller. Par la voix de ses personnages et la brutalité de son intrigue, Donato Carrisi nous tend un miroir troublant, qui reflète les parts d’ombre de notre monde. Un constat amer et sans appel, qui laisse le lecteur face à ses propres interrogations sur la nature humaine et le fonctionnement de nos institutions. Une lecture qui dérange autant qu’elle fascine, et qui ne laisse personne indemne.
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L’originalité et la réussite du roman
« Le Chuchoteur » est un roman qui marque par son originalité et sa maîtrise narrative. Dès les premières pages, le lecteur est saisi par l’atmosphère unique qui se dégage du récit, à la frontière du thriller psychologique et du roman noir. Donato Carrisi parvient à créer un univers sombre et oppressant, où le mal semble tapir dans chaque recoin, n’attendant qu’un geste, qu’un mot, pour se déchaîner. Cette ambiance poisseuse, qui imprègne chaque scène, chaque description, confère au roman une identité forte et reconnaissable.
Mais l’originalité du « Chuchoteur » ne se limite pas à son atmosphère si particulière. C’est aussi dans la construction de l’intrigue que Donato Carrisi fait preuve d’une inventivité rare. Loin des schémas convenus du thriller classique, il propose une narration éclatée, qui alterne les points de vue et les temporalités. Le lecteur, sans cesse ballotté entre présent et passé, entre les différents protagonistes, se retrouve pris dans un labyrinthe narratif qui maintient un suspense haletant jusqu’aux dernières pages. Les fausses pistes, les rebondissements, les révélations savamment distillées, tout concourt à faire de ce roman une mécanique de précision, un puzzle diabolique qui ne dévoile son sens qu’à la toute fin.
Cette maîtrise de la narration s’accompagne d’une écriture d’une efficacité redoutable. Le style de Donato Carrisi, incisif et précis, presque clinique dans sa description de l’horreur, crée un contraste saisissant avec la noirceur de l’intrigue. Chaque mot semble choisi avec soin, chaque phrase ciselée pour servir la tension narrative. Les dialogues, secs et percutants, participent aussi de cette écriture tendue, qui ne laisse aucun répit au lecteur. Un style unique, reconnaissable entre tous, qui fait du « Chuchoteur » bien plus qu’un simple thriller.
Car au-delà de ses qualités formelles, le roman de Donato Carrisi est aussi une œuvre profonde et dérangeante, qui interroge la nature humaine et les racines du mal. À travers le personnage du « chuchoteur », ce manipulateur qui transforme les enfants en meurtriers, l’auteur explore les abîmes de la perversion et de la corruption de l’innocence. Il y a dans ce roman une vraie réflexion sur les mécanismes de la violence, sur la façon dont le mal se transmet et se perpétue. Une dimension presque philosophique, qui élève le débat bien au-delà d’une simple enquête criminelle.
Avec « Le Chuchoteur », Donato Carrisi signe un roman d’une originalité et d’une maîtrise rares. Par son atmosphère envoûtante, sa construction narrative implacable et sa réflexion sur les racines du mal, il renouvelle en profondeur les codes du thriller psychologique. Un véritable ovni littéraire, qui marque par sa noirceur et sa puissance d’évocation. Une œuvre qui happe le lecteur dès les premières pages, pour ne plus le lâcher, le laissant étourdi et fasciné, hanté pour longtemps par les visions cauchemardesques de cet univers si singulier. Un roman unique, appelé à marquer durablement le genre.
Extrait Première Page du livre
« 1
Quelque part dans les alentours de W., 5 février.
Le grand papillon l’emportait, se fiant à sa mémoire pour se déplacer dans la nuit. Il faisait vibrer ses larges ailes poussiéreuses, évitant les pièges des montagnes, aussi calmes que des géants endormis épaule contre épaule.
Au-dessus d’eux, un ciel de velours. En dessous, le bois. Très dense.
Le pilote se tourna vers le passager et indiqua devant lui un énorme trou blanc au sol, semblable au cratère lumineux d’un volcan.
L’hélicoptère vira dans cette direction.
Ils atterrirent au bout de sept minutes sur l’accotement de la nationale. La route était fermée et la zone occupée par la police. Un homme en costume bleu vint accueillir le passager jusque sous les hélices, retenant avec peine sa cravate.
— Bienvenue, professeur, nous vous attendions, dit-il à haute voix pour couvrir le bruit des rotors.
Goran Gavila ne répondit pas.
L’agent spécial Stern continua :
— Venez, je vous expliquerai en chemin.
Ils s’engagèrent sur un sentier accidenté, laissant derrière eux le bruit de l’hélicoptère qui reprenait de l’altitude, aspiré par le ciel d’encre.
La brume glissait comme un suaire, dévoilant le profil des collines. Autour, les parfums mélangés du bois étaient adoucis par l’humidité de la nuit qui remontait le long des vêtements, glissait froidement sur la peau.
— Cela n’a pas été simple, je vous assure : il faut que vous voyiez de vos propres yeux.
L’agent Stern précédait Goran de quelques pas, en se frayant un chemin parmi les arbustes, tout en lui parlant sans le regarder.
— Tout a commencé ce matin, vers onze heures. Deux jeunes garçons parcourent le sentier avec leur chien. Ils entrent dans le bois, escaladent la colline et débouchent dans la clairière. Le chien est un labrador et, vous savez, ils aiment creuser, ces chiens-là… Bref, l’animal devient comme fou parce qu’il a flairé quelque chose. Il creuse un trou. Et voilà qu’apparaît le premier.
Goran se concentrait pour le suivre, tandis qu’ils s’enfonçaient dans la végétation de plus en plus touffue le long de la pente progressivement plus raide. Il remarqua que le pantalon de Stern était légèrement déchiré à la hauteur du genou, signe qu’il avait déjà fait le trajet plusieurs fois cette nuit-là.
— Évidemment, les jeunes garçons s’enfuient immédiatement et préviennent la police locale, continua l’agent. Ils arrivent, examinent les lieux, les reliefs, ils cherchent des indices. Bref : la routine. Puis quelqu’un a l’idée de continuer à creuser, pour voir s’il y a autre chose… et voilà que le deuxième apparaît ! Là, ils nous ont appelés : on est ici depuis trois heures du matin. Nous ne savons pas encore combien il y en a, là-dessous. Voilà, nous sommes arrivés…
Devant eux s’ouvrit une petite clairière éclairée par des projecteurs – la gorge de feu du volcan. Soudain, les parfums du bois s’évanouirent et tous deux furent assaillis par une odeur âcre caractéristique. Goran leva la tête, se laissant envahir : acide phénique.
Et il vit.
Un cercle de petites fosses. Et une trentaine d’hommes en combinaison blanche qui creusaient dans cette lumière halogène et martienne, munis de petites pelles et de pinceaux pour enlever délicatement la terre. »
- Titre : Le Chuchoteur
- Auteur : Donato Carrisi
- Éditeur : Calmann-Lévy
- Pays : Italie
- Parution : 2010
Je m’appelle Manuel et je suis passionné par les polars depuis plus de 60 ans, une passion qui ne montre aucun signe d’essoufflement.