Mystères insulaires et âme tourmentée : plongez dans ‘L’île’ de Jérôme Loubry
Jérôme Loubry s’est imposé comme une figure incontournable du thriller psychologique français ces dernières années. Avec la publication de « L’île » chez Calmann-Lévy en 2024, l’auteur confirme sa place de choix dans le paysage littéraire contemporain. Ce nouvel opus vient enrichir une bibliographie déjà remarquable, marquée par des succès tels que « Les Chiens de Détroit » et « Les Sœurs de Montmorts ».
Né en 1976, Loubry a d’abord exercé dans le milieu de la restauration avant de se consacrer pleinement à l’écriture. Cette expérience professionnelle transparaît souvent dans ses œuvres, où l’exploration de la psyché humaine occupe une place centrale. Son style, reconnaissable entre mille, mêle habilement suspense haletant et profondeur psychologique.
« L’île » s’inscrit dans la continuité de ses précédents romans tout en marquant une évolution dans son écriture. Publié chez Calmann-Lévy, maison d’édition prestigieuse fondée en 1836, ce livre bénéficie d’une visibilité importante sur le marché littéraire français. Le choix de cet éditeur pour son nouveau roman témoigne de la reconnaissance dont jouit désormais l’auteur.
Le contexte de publication de « L’île » est particulièrement intéressant. En 2024, le genre du thriller psychologique connaît un regain d’intérêt auprès du public français. Les lecteurs, en quête d’évasion et de frissons, se tournent volontiers vers des récits alliant mystère et introspection. Loubry, avec son style unique, répond parfaitement à cette attente.
Par ailleurs, l’île de Porquerolles, cadre principal du roman, connaît une popularité croissante en tant que destination touristique. Ce choix de lieu n’est pas anodin et contribue à ancrer le récit dans une réalité géographique familière tout en lui conférant une dimension insulaire propice au mystère.
Avec « L’île », Jérôme Loubry offre donc à ses lecteurs une nouvelle exploration des recoins sombres de l’âme humaine, dans un cadre à la fois enchanteur et inquiétant. Ce roman s’annonce comme un jalon important dans la carrière de l’auteur, promettant de captiver un large public avide de sensations fortes et de réflexions profondes.
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Résumé de l’intrigue : Les mystères de Porquerolles
« L’île » plonge le lecteur dans une intrigue captivante qui se déroule sur l’île paradisiaque de Porquerolles. L’histoire se construit autour de deux lignes temporelles entrelacées : le présent, en décembre 2024, et le passé, durant l’été 2019. Ce va-et-vient temporel crée une tension palpable tout au long du récit.
Dans le présent, nous suivons Laurie, une jeune policière municipale récemment affectée à Porquerolles. Elle se retrouve confrontée à une affaire troublante : le corps d’une femme est découvert sur l’île, tenant dans sa main une mystérieuse cassette audio. L’identité de la victime soulève des questions car elle semble être Diane, une jeune femme censée être décédée cinq ans auparavant.
Le passé nous ramène à l’été 2019, où nous rencontrons Diane et son groupe d’amis : son frère Paul, Lucas, Sabrina et Cassandre. Ils passent leurs vacances dans un manoir sur l’île, comme ils le font chaque année. Cependant, cette fois-ci, une atmosphère étrange et inquiétante s’installe progressivement. Des événements inexpliqués se produisent, mettant à l’épreuve les relations au sein du groupe et révélant des secrets enfouis.
Au cœur de l’intrigue se trouve le manoir, véritable personnage à part entière. Ses murs semblent abriter des secrets sombres, et son histoire est intimement liée à celle de l’île et de ses habitants. La musique joue également un rôle crucial dans le récit, notamment à travers la compilation musicale sur la cassette, qui devient un élément clé de l’enquête.
Alors que Laurie tente de démêler les fils de cette affaire complexe, elle se heurte à la réticence des habitants de l’île et à ses propres démons. Les révélations s’enchaînent, brouillant la frontière entre réalité et illusion, passé et présent. L’île elle-même semble conspirer pour garder ses secrets.
Au fil des pages, Loubry tisse habilement une toile de mystère, où chaque personnage cache une part d’ombre. Les thèmes de la mémoire, de l’identité et du deuil s’entrechoquent, créant un récit psychologique intense. Le dénouement, aussi surprenant que troublant, invite le lecteur à remettre en question tout ce qu’il croyait savoir, laissant une impression durable bien après la dernière page tournée.
Structure narrative : Le jeu entre passé et présent
La structure narrative de « L’île » est un élément clé de son efficacité en tant que thriller psychologique. Jérôme Loubry a choisi d’articuler son récit autour de deux lignes temporelles distinctes : le présent, situé en décembre 2024, et le passé, durant l’été 2019. Cette dualité temporelle n’est pas un simple artifice littéraire, mais le cœur même du mystère qui enveloppe l’intrigue.
Dans les chapitres consacrés au présent, le lecteur suit l’enquête de Laurie, la jeune policière municipale. Ces sections sont écrites dans un style direct, presque clinique, reflétant l’urgence et la confusion qui entourent la découverte du corps. Le rythme y est soutenu, ponctué par les découvertes successives et les interrogations croissantes de Laurie.
Les passages relatant l’été 2019 adoptent un ton différent. Ici, Loubry emploie une narration plus atmosphérique, presque onirique par moments. Le lecteur est immergé dans l’ambiance estivale de Porquerolles, tout en percevant une tension sous-jacente qui monte progressivement. Ces chapitres sont riches en dialogues et en descriptions sensorielles, contrastant avec l’aspect plus factuel du présent.
L’alternance entre ces deux temporalités n’est pas régulière, ce qui contribue à maintenir le suspense. Loubry joue habilement avec les attentes du lecteur, coupant parfois une scène au moment crucial pour basculer dans l’autre époque. Cette technique crée un effet de miroir entre les deux périodes, où les événements du passé éclairent progressivement ceux du présent, et vice versa.
Au fil du récit, les frontières entre passé et présent deviennent de plus en plus floues. Des échos, des répétitions, des motifs récurrents apparaissent, suggérant des liens profonds entre les deux époques. Cette structure en puzzle invite le lecteur à participer activement à la résolution de l’énigme, en assemblant les pièces d’information disséminées à travers les deux lignes temporelles.
Le point culminant de cette structure narrative intervient lorsque les deux temporalités convergent dans un dénouement saisissant. Loubry parvient à tisser les fils du passé et du présent en une révélation finale qui remet en question tout ce que le lecteur croyait savoir. Cette résolution, à la fois surprenante et cohérente, démontre la maîtrise de l’auteur dans l’art de la construction narrative, faisant de « L’île » un exemple remarquable de storytelling moderne dans le genre du thriller psychologique.

Personnages principaux : Analyse psychologique
Dans « L’île », Jérôme Loubry dépeint des personnages complexes et profondément humains, chacun portant ses propres blessures et secrets. Au cœur du récit se trouve Diane, personnage énigmatique dont la présence – ou l’absence – hante l’ensemble de l’histoire. Diane est présentée comme une jeune femme sensible, en proie à des troubles dépressifs, mais aussi profondément attachée à l’île de Porquerolles. Sa psyché fragile et son lien presque mystique avec le manoir forment l’un des axes centraux de l’intrigue.
Laurie, la policière municipale, incarne le présent de l’histoire. Son personnage est marqué par un passé douloureux, notamment la perte de sa sœur, qui influence sa perception de l’affaire en cours. Sa détermination à résoudre le mystère se mêle à ses propres questionnements existentiels, créant un personnage à la fois fort et vulnérable.
Paul, le frère de Diane, est un personnage pivot. Son rôle protecteur envers sa sœur cache une personnalité plus complexe, tiraillée entre affection et frustration. Loubry explore avec finesse les dynamiques fraternelles, montrant comment l’amour familial peut coexister avec des sentiments plus ambigus.
Les amis de Diane – Lucas, Sabrina et Cassandre – forment un groupe dont les interactions révèlent les tensions et les non-dits. Chacun porte un masque social qui se fissure au fil du récit. Lucas, en particulier, est dépeint comme un personnage instable, dont les actions impulsives cachent une profonde insécurité.
Cassandre, native de l’île, apporte une dimension locale à l’intrigue. Son désir d’évasion contraste avec son attachement à Porquerolles, illustrant le conflit intérieur de nombreux insulaires. Sa relation avec sa mère, empreinte de tensions, ajoute une couche supplémentaire à la complexité psychologique des personnages.
Enfin, Benoît, le disquaire, joue un rôle clé dans la narration présente. Son attachement à Diane et sa connaissance de la musique en font un personnage à la fois témoin et catalyseur de l’intrigue. Sa perspective offre un contrepoint intéressant à celle de Laurie, enrichissant la compréhension des événements passés. À travers ces personnages richement développés, Loubry tisse une toile psychologique complexe, où chaque individu est à la fois victime et acteur du drame qui se joue sur l’île.
Thèmes majeurs : Mémoire, deuil et identité
« L’île » de Jérôme Loubry explore en profondeur plusieurs thèmes interconnectés, parmi lesquels la mémoire, le deuil et l’identité se démarquent particulièrement. Ces thèmes constituent la colonne vertébrale émotionnelle et psychologique du récit, donnant à l’intrigue une résonance profondément humaine.
La mémoire joue un rôle central dans le roman. Loubry examine comment nos souvenirs façonnent notre perception du présent et influencent nos actions. Les personnages sont constamment tiraillés entre ce qu’ils croient se rappeler et la réalité des événements passés. Cette exploration de la fiabilité de la mémoire crée une tension narrative palpable, où le lecteur, tout comme les protagonistes, doit remettre en question la véracité de ce qui est présenté comme des faits.
Le deuil est un autre thème omniprésent dans « L’île ». La disparition présumée de Diane agit comme un catalyseur, révélant comment chaque personnage gère la perte et la douleur. Loubry dépeint avec finesse les différentes facettes du deuil : le déni, la colère, la culpabilité, et finalement l’acceptation. Ce processus est particulièrement poignant dans le cas de Paul, le frère de Diane, dont le chagrin teinte chacune de ses actions et décisions.
L’identité est explorée sous plusieurs angles dans le roman. Les personnages luttent pour définir qui ils sont, à la fois individuellement et en relation avec les autres. L’île de Porquerolles elle-même devient un miroir de cette quête identitaire, son isolement géographique reflétant l’isolement émotionnel des protagonistes. Loubry interroge habilement la manière dont notre environnement et nos expériences passées façonnent notre sens de soi.
Le lien entre ces trois thèmes se cristallise dans la figure de Diane. Son identité reste floue tout au long du récit, constamment redéfinie par les souvenirs des autres personnages et les révélations progressives de l’intrigue. Le deuil lié à sa disparition présumée influence profondément la dynamique du groupe, tandis que la quête pour comprendre ce qui lui est réellement arrivé devient une exploration de la nature même de la mémoire et de l’identité.
Enfin, Loubry tisse ces thèmes dans une réflexion plus large sur la nature de la vérité et de la réalité. En jonglant entre passé et présent, entre souvenirs et faits, l’auteur invite le lecteur à s’interroger sur la façon dont nous construisons notre réalité et notre histoire personnelle. « L’île » devient ainsi non seulement un thriller psychologique captivant, mais aussi une méditation profonde sur les fondements de l’expérience humaine.
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L’île comme personnage : Symbolisme et atmosphère
Dans « L’île », Jérôme Loubry élève Porquerolles au rang de véritable personnage, lui conférant une présence presque tangible qui influence profondément le déroulement de l’intrigue. L’île n’est pas un simple décor ; elle est une entité vivante, respirante, qui façonne les destins des protagonistes et garde jalousement ses secrets.
L’auteur dépeint Porquerolles comme un microcosme, un monde en soi où les règles habituelles semblent suspendues. Son isolement géographique reflète l’isolement émotionnel des personnages, créant une atmosphère de huis clos psychologique. Les descriptions vivides de Loubry – les plages de sable fin, les forêts de pins, les criques isolées – ne servent pas seulement à planter le décor, mais à établir un lien presque mystique entre l’île et ses habitants.
Le symbolisme de l’île est exploité à travers plusieurs dimensions. Elle représente à la fois un refuge et une prison, un paradis et un purgatoire. Pour Diane, l’île est un havre de paix, un lieu où elle se sent en harmonie avec elle-même. Pour d’autres, comme Cassandre, elle incarne une cage dorée dont il faut s’échapper. Cette dualité crée une tension constante qui sous-tend l’ensemble du récit.
L’atmosphère de l’île change au fil des saisons, reflétant l’évolution de l’intrigue. L’été insouciant de 2019 contraste fortement avec l’hiver menaçant de 2024. Loubry utilise magistralement les éléments naturels – la mer, le vent, les orages – pour amplifier la tension narrative. Les tempêtes qui s’abattent sur l’île semblent être l’expression de sa colère ou de son chagrin, comme si elle réagissait aux événements qui s’y déroulent.
Le manoir, centre névralgique de l’histoire, est présenté comme une extension organique de l’île. Ses murs semblent vibrer au rythme des émotions des personnages, ses pièces gardent l’écho des drames passés. Loubry anthropomorphise subtilement le bâtiment, lui prêtant des intentions et des humeurs, renforçant ainsi l’impression que l’île elle-même est un acteur de l’intrigue.
Enfin, l’île sert de métaphore à l’inconscient collectif des personnages. Ses recoins cachés, ses grottes mystérieuses, ses chemins sinueux symbolisent les secrets enfouis et les vérités dissimulées. En explorant l’île, les protagonistes explorent en réalité les tréfonds de leur psyché. Cette symbiose entre le cadre géographique et le paysage mental des personnages est l’une des grandes forces du roman, faisant de Porquerolles bien plus qu’un simple lieu : un personnage à part entière, complexe et fascinant.
Le rôle de la musique dans le récit
Dans « L’île », Jérôme Loubry fait de la musique un élément central de la narration, lui conférant un rôle qui va bien au-delà d’un simple arrière-plan sonore. La musique devient un personnage à part entière, un fil conducteur qui relie les différentes temporalités et les états d’esprit des protagonistes. Elle agit comme un révélateur d’émotions, un déclencheur de souvenirs et un portail entre le passé et le présent.
Au cœur de l’intrigue se trouve une mystérieuse cassette audio, découverte sur le corps de la victime. Cette compilation musicale, intitulée « Summer of Love », n’est pas qu’un simple indice ; elle incarne la mémoire collective du groupe d’amis et cristallise leurs expériences partagées sur l’île. Chaque chanson de la compilation devient une clé pour déverrouiller des souvenirs enfouis et des vérités cachées.
Loubry utilise habilement des références musicales spécifiques pour évoquer des atmosphères et des époques. La chanson « Crimson and Clover » de Tommy James and the Shondells, par exemple, est intimement liée au personnage de Diane. Elle représente non seulement ses moments de bonheur, mais aussi la dualité de sa personnalité, reflétant les thèmes de l’amour et de la transformation. Cette association entre musique et personnage ajoute une profondeur émotionnelle au récit.
La présence de Benoît, le disquaire passionné, renforce l’importance de la musique dans l’histoire. Ses connaissances encyclopédiques sur les chansons et leurs contextes offrent des perspectives uniques sur l’intrigue. À travers lui, Loubry explore comment la musique peut être interprétée différemment selon les individus et les époques, ajoutant ainsi une couche supplémentaire de complexité au mystère.
La musique joue également un rôle crucial dans la structure narrative du roman. Les changements de tempo et d’ambiance musicale reflètent les variations de rythme de l’intrigue. Des moments de calme et de contemplation sont associés à des mélodies douces, tandis que les passages plus tendus sont accompagnés de références à des musiques plus intenses. Cette symphonie narrative contribue à l’immersion du lecteur dans l’atmosphère de l’île.
Enfin, la musique dans « L’île » sert de métaphore à la mémoire elle-même. Tout comme une chanson peut évoquer instantanément un souvenir ou une émotion, les morceaux mentionnés dans le roman déclenchent des réactions chez les personnages, révélant des aspects cachés de leur psyché. Loubry utilise cette analogie pour explorer la nature subjective et émotionnelle de la mémoire, questionnant ainsi la fiabilité des souvenirs et la façon dont ils façonnent notre perception du présent.
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Suspense et révélations : Techniques narratives
Dans « L’île », Jérôme Loubry démontre une maîtrise remarquable des techniques narratives propres au thriller psychologique. L’auteur tisse une toile de suspense complexe, maintenant le lecteur en haleine du début à la fin. Sa principale force réside dans sa capacité à distiller les informations avec parcimonie, créant un équilibre parfait entre révélations et mystères.
L’utilisation de deux lignes temporelles distinctes est l’un des outils les plus efficaces de Loubry pour générer du suspense. En alternant entre le présent de l’enquête et le passé des événements sur l’île, il crée un jeu de miroirs où chaque époque éclaire et obscurcit l’autre simultanément. Cette structure permet à l’auteur de contrôler le rythme des révélations, offrant des réponses qui soulèvent immédiatement de nouvelles questions.
Loubry excelle également dans l’art du cliffhanger. Chaque chapitre se termine sur une note de suspense, incitant le lecteur à poursuivre sa lecture. Ces fins de chapitres sont souvent construites autour d’une révélation partielle, d’une question sans réponse, ou d’une action interrompue, créant ainsi une tension narrative constante qui traverse l’ensemble du roman.
La technique du point de vue multiple enrichit considérablement la narration. En présentant l’histoire à travers les yeux de différents personnages, Loubry offre des perspectives variées sur les événements, tout en semant le doute sur la fiabilité de chaque narrateur. Cette approche permet de maintenir l’ambiguïté sur les véritables motivations des personnages et sur la réalité des faits relatés.
L’auteur joue habilement avec les attentes du lecteur, mettant en place des fausses pistes et des revirements inattendus. Il utilise des éléments classiques du genre, comme des indices trompeurs ou des suspects évidents, pour mieux les subvertir par la suite. Cette manipulation subtile des conventions du thriller psychologique maintient le lecteur dans un état constant de questionnement et d’anticipation.
Enfin, la révélation finale est orchestrée de manière magistrale. Loubry accumule les tensions et les mystères tout au long du récit pour les résoudre dans un dénouement à la fois surprenant et satisfaisant. Cette résolution ne se contente pas de répondre aux questions posées ; elle remet en perspective l’ensemble de l’histoire, invitant le lecteur à reconsidérer tout ce qu’il croyait savoir. C’est dans cette capacité à transformer la compréhension globale du récit que réside la véritable force narrative de « L’île ».
Entre lyrisme et tension : les subtilités de l’écriture de Jérôme Loubry dans ‘L’île’
L’écriture de Jérôme Loubry dans « L’île » se distingue par sa richesse et sa précision. Son style, à la fois fluide et incisif, sert parfaitement l’atmosphère de mystère et de tension qui imprègne le roman. Loubry maîtrise l’art de la description, peignant des tableaux vivides de Porquerolles qui transportent le lecteur au cœur de l’action. Ses phrases, souvent courtes et percutantes, rythment le récit et maintiennent un tempo soutenu, particulièrement dans les scènes de suspense.
L’auteur excelle dans la création d’ambiances. Il utilise un vocabulaire sensoriel riche pour évoquer les odeurs de la mer, le bruissement des feuilles, la chaleur du soleil sur la peau. Cette approche immersive renforce le sentiment de présence sur l’île et accentue le contraste entre la beauté du cadre et la noirceur des événements qui s’y déroulent. Loubry joue habilement avec les métaphores et les comparaisons, donnant vie à l’environnement et en faisant un personnage à part entière.
Le dialogue est un autre point fort de l’écriture de Loubry. Les conversations entre les personnages sonnent juste, révélant subtilement leurs personnalités et leurs motivations. L’auteur maîtrise l’art du non-dit, utilisant les silences et les hésitations pour exprimer ce que les mots ne peuvent dire. Cette technique renforce la tension psychologique et ajoute de la profondeur aux interactions entre les protagonistes.
Dans la narration des événements passés, Loubry adopte un style plus lyrique, presque onirique par moments. Cette approche contraste efficacement avec le ton plus direct et factuel des chapitres situés dans le présent. Ce jeu sur les registres stylistiques contribue à différencier clairement les deux lignes temporelles tout en soulignant la nature subjective et émotionnelle des souvenirs.
L’une des forces de Loubry réside dans sa capacité à distiller des informations cruciales de manière subtile. Il parsème son récit d’indices et de détails apparemment anodins qui prennent tout leur sens lors du dénouement. Cette technique demande une grande maîtrise de la structure narrative et témoigne de la minutie avec laquelle l’auteur a construit son intrigue.
Enfin, l’écriture de Loubry se caractérise par une grande économie de moyens. Chaque mot semble pesé, chaque phrase construite avec soin pour maximiser son impact. Cette concision n’empêche pas l’auteur de développer des réflexions profondes sur des thèmes complexes comme la mémoire, l’identité et le deuil. Au contraire, elle les rend d’autant plus percutantes, laissant au lecteur l’espace nécessaire pour méditer sur ces questions au-delà de la simple intrigue policière.
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Entre complexité narrative et maturité thématique : ‘L’île’, l’apogée du style Loubry
« L’île » de Jérôme Loubry, publié en 2024 chez Calmann-Lévy, s’inscrit dans la continuité de l’œuvre de l’auteur tout en marquant une évolution notable dans son style et ses thématiques. Ce roman confirme la maîtrise de Loubry dans le genre du thriller psychologique, genre qu’il a exploré avec succès dans ses précédents ouvrages tels que « Les Chiens de Détroit » ou « Les Refuges ».
Avec « L’île », Loubry approfondit son exploration des traumatismes et des secrets enfouis, thèmes récurrents dans son œuvre. Cependant, il y ajoute une dimension supplémentaire en intégrant des éléments de mystère liés à un lieu isolé, l’île de Porquerolles, qui devient presque un personnage à part entière. Cette approche rappelle « Les Sœurs de Montmorts », où le lieu jouait également un rôle central, mais « L’île » pousse le concept plus loin en créant une atmosphère encore plus oppressante et énigmatique.
Le roman se démarque par sa structure narrative complexe, alternant entre différentes époques et points de vue. Cette technique, déjà présente dans « Le Douzième Chapitre », atteint ici un nouveau niveau de sophistication, permettant à Loubry de tisser une intrigue dense et captivante. L’auteur démontre ainsi sa capacité à manier des récits non linéaires tout en maintenant la tension et l’engagement du lecteur.
« L’île » témoigne également de l’évolution de Loubry dans le traitement des personnages. Ses protagonistes gagnent en profondeur et en complexité, notamment à travers l’exploration de leurs relations et de leurs passés. Cette approche plus nuancée des personnages, déjà amorcée dans « De soleil et de sang », s’affirme pleinement dans ce nouveau roman.
Par ailleurs, « L’île » révèle une ambition littéraire croissante chez Loubry. Sans sacrifier l’efficacité de son écriture, l’auteur intègre des réflexions plus poussées sur des thèmes comme l’identité, la mémoire et l’influence du lieu sur la psyché humaine. Cette dimension plus philosophique, subtilement intégrée à l’intrigue, enrichit le récit et offre une nouvelle perspective sur le travail de l’auteur.
Enfin, ce roman consolide la place de Jérôme Loubry parmi les auteurs français de thriller les plus talentueux de sa génération. « L’île » représente à la fois une continuation et une évolution de son style, démontrant sa capacité à se renouveler tout en restant fidèle à ses thèmes de prédilection. Ce livre marque une étape importante dans la carrière de Loubry, laissant présager des œuvres encore plus ambitieuses à l’avenir.
Extrait Première Page du livre
» 1
« The killer awoke before dawn,
He put his boots on,
He took a face from the ancient gallery
And he walked on down the hall. »
« The End », The Doors, 1968.
Porquerolles, décembre 2024
L’île n’est pas contente…
Benoît observait le ciel noir d’encre quand un éclair déchira l’obscurité, immédiatement suivi par la lourde plainte du grondement orageux. Le premier depuis l’été, songea l’homme d’une trentaine d’années en se dirigeant vers l’intérieur de sa boutique.
Cette fois-ci, elle est même en colère.
Bien qu’habitant Porquerolles depuis seulement huit ans, il avait appris à en détecter les humeurs. C’est un vieil habitant qui, un soir de juillet, à l’ombre des peupliers entourant la place d’Armes, lui avait expliqué comment l’île s’exprimait : « Les tempêtes, les orages, les jours de grand vent, la sécheresse prématurée manifestent son mal-être. Les jours calmes, les récoltes d’olives généreuses, la soyeuse apparence de la mer, son bien-être. » Au début, Benoît s’était amusé de cet animisme provençal, lui qui avait jusqu’alors vécu à Paris. Au fil des conversations avec les Porquerollais, il avait compris que rien de tout cela n’était vraiment sérieux. Que chacun croyait en l’île sans réellement y croire, juste pour le folklore. Cette rationalité s’effritait cependant quand le temps tournait au mauvais, quand les pêcheurs voyaient leurs barques amarrées tanguer avec violence sur le ressac ou lorsque la sécheresse épuisait les arbres fruitiers. Alors les hommes et les femmes se rassemblaient plus nombreux dans la fraîcheur de l’église du village. Certains pour prier le crucifié. D’autres pour prier la terre sous leurs pieds. Ensuite, aux terrasses des cafés, à l’heure de l’apéritif, les visages ravinés, d’habitude enjoués, demeuraient sérieux et songeurs, comme voilés d’une malédiction. C’est donc à force de côtoyer les insulaires qu’à chaque fois que l’air s’alourdissait d’une promesse d’orage, Benoît ne pouvait s’empêcher de penser que l’île était malheureuse. «
- Titre : L’île
- Auteur : Jérôme Loubry
- Éditeur : Calmann-Lévy Noir
- Nationalité : France
- Date de sortie : 2024
Page Facebook : www.facebook.com/loubryjerome
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Je m’appelle Manuel et je suis passionné par les polars depuis plus de 60 ans, une passion qui ne montre aucun signe d’essoufflement.