Los Angeles en noir et blanc : Plongée dans l’univers du Dahlia Noir

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Le Dahlia Noir de James Ellroy

Introduction : James Ellroy et le roman noir américain

James Ellroy, figure emblématique du roman noir américain contemporain, a marqué le genre avec son style incisif et son exploration des côtés les plus sombres de la société américaine. Né en 1948 à Los Angeles, Ellroy a grandi dans un environnement qui allait profondément influencer son œuvre, notamment l’assassinat non résolu de sa mère lorsqu’il avait 10 ans. Cette tragédie personnelle a nourri son obsession pour les crimes non élucidés et les mystères du passé, thèmes récurrents dans ses romans.

« Le Dahlia Noir », paru en 1988 aux éditions Rivages pour la version française, est considéré comme l’un des chefs-d’œuvre d’Ellroy. Ce roman s’inscrit dans la tradition du roman noir américain, genre né dans les années 1920 et popularisé par des auteurs comme Dashiell Hammett et Raymond Chandler. Ellroy reprend les codes du genre – enquête policière, corruption, violence – tout en les poussant à l’extrême, créant ainsi un style unique qui lui est propre.

L’œuvre d’Ellroy se distingue par sa volonté de déconstruire les mythes de l’Amérique d’après-guerre. À travers « Le Dahlia Noir », il dresse un portrait sans concession de Los Angeles dans les années 1940, révélant la corruption qui gangrène les institutions et la violence qui sous-tend la société. Le roman s’inspire d’un fait divers réel, l’assassinat non élucidé d’Elizabeth Short en 1947, pour tisser une intrigue complexe qui mêle fiction et réalité historique.

Le style d’écriture d’Ellroy dans « Le Dahlia Noir » est caractéristique de son approche littéraire. Avec une prose sèche, rythmée et souvent crue, il plonge le lecteur dans l’atmosphère oppressante de l’époque. Son utilisation du langage de l’époque, parfois argotique et politiquement incorrect, participe à l’authenticité du récit tout en soulignant les préjugés et les tensions sociales de l’époque.

« Le Dahlia Noir » marque également le début du « Quatuor de Los Angeles », une série de quatre romans qui explorent l’histoire sombre de la ville à travers les décennies. Cette œuvre a non seulement consolidé la réputation d’Ellroy comme maître du roman noir, mais a aussi influencé de nombreux auteurs contemporains du genre. Son impact s’est étendu au-delà de la littérature, inspirant des adaptations cinématographiques et contribuant à façonner l’image de Los Angeles dans l’imaginaire collectif.

En somme, « Le Dahlia Noir » représente un tournant dans la carrière de James Ellroy et dans l’histoire du roman noir américain. À travers cette œuvre, Ellroy a redéfini les limites du genre, mêlant avec brio enquête policière, critique sociale et exploration psychologique. Ce roman continue d’être étudié et admiré pour sa complexité narrative, sa profondeur thématique et son style unique, faisant d’Ellroy l’un des auteurs les plus influents du roman noir contemporain.

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Le contexte historique : Los Angeles dans les années 1940

Le Los Angeles des années 1940, tel que dépeint par James Ellroy dans « Le Dahlia Noir », est une ville en pleine mutation. L’après-guerre voit la cité des anges se transformer rapidement, passant d’une bourgade étendue à une métropole moderne et influente. Cette croissance rapide s’accompagne de profonds changements sociaux et économiques qui façonnent le paysage urbain et humain de la ville.

L’industrie cinématographique, déjà bien implantée, connaît un âge d’or qui attire une foule d’aspirants acteurs et de rêveurs. Hollywood devient synonyme de glamour et de succès, mais cache aussi une face sombre faite d’exploitation et de désillusions. Cette dualité entre rêve et réalité est au cœur de l’atmosphère que capture Ellroy dans son roman.

La fin de la Seconde Guerre mondiale a un impact considérable sur la ville. Le retour des soldats et l’afflux de population créent une dynamique de croissance, mais aussi des tensions sociales. La démobilisation entraîne une hausse du chômage et de la criminalité, tandis que la ségrégation raciale demeure une réalité prégnante.

Dans ce contexte, la corruption s’immisce à tous les niveaux de la société. Le département de police de Los Angeles, en particulier, est gangrené par des pratiques douteuses et des liens avec le crime organisé. Cette corruption institutionnelle, que Ellroy met en lumière dans son roman, reflète les défis auxquels la ville est confrontée pour maintenir l’ordre dans une période de changements rapides.

L’expansion urbaine de Los Angeles dans les années 1940 voit aussi l’émergence de nouveaux quartiers et le développement des banlieues. Cette croissance spatiale s’accompagne d’une ségrégation de fait, avec des quartiers ethniquement et socialement marqués. Ellroy utilise cette géographie sociale pour ancrer son récit dans la réalité complexe de la ville.

Enfin, la période d’après-guerre voit l’émergence de nouvelles formes de criminalité. Le crime organisé, déjà présent, se renforce et diversifie ses activités. Les affaires de mœurs, les scandales et les crimes violents font régulièrement la une des journaux, nourrissant une fascination morbide du public pour les faits divers sordides. C’est dans ce climat que l’affaire du Dahlia Noir, qui inspire le roman d’Ellroy, captive l’attention du public et devient emblématique de cette époque troublée.

L’intrigue complexe du Dahlia Noir

« Le Dahlia Noir » de James Ellroy présente une intrigue dense et complexe qui se déroule dans le Los Angeles de l’après-guerre. Au cœur du récit se trouve le meurtre brutal d’Elizabeth Short, surnommée le Dahlia Noir, dont le corps mutilé est découvert dans un terrain vague en janvier 1947. Cette affaire réelle, jamais élucidée, sert de point de départ à Ellroy pour tisser une toile narrative intriquée.

L’histoire est racontée du point de vue de Dwight « Bucky » Bleichert, un jeune officier de police ambitieux. Bucky et son partenaire Lee Blanchard se retrouvent impliqués dans l’enquête sur le meurtre d’Elizabeth Short. Leur investigation les plonge dans les bas-fonds de Los Angeles, révélant un monde de corruption, de violence et de perversion.

Au fil de l’enquête, Bucky découvre que le meurtre du Dahlia est lié à une série d’autres crimes non résolus. Il se heurte à la corruption au sein du département de police, aux intérêts du crime organisé, et à des personnalités influentes de la ville qui semblent déterminées à entraver l’enquête.

L’intrigue se complexifie avec l’introduction de Kay Lake, la petite amie de Lee, qui partage un passé trouble avec un criminel nommé Bobby De Witt. La relation entre Bucky, Lee et Kay forme un triangle émotionnel tendu qui ajoute une dimension personnelle à l’enquête professionnelle.

Ellroy entrelace habilement plusieurs fils narratifs : l’enquête sur le meurtre, les histoires personnelles des personnages, et une exploration plus large de la corruption systémique dans la ville. Il introduit également des éléments de l’histoire familiale de Bucky, notamment le meurtre non résolu de sa propre mère, qui résonne avec l’affaire du Dahlia.

À mesure que l’enquête progresse, Bucky se trouve de plus en plus obsédé par l’affaire et par Elizabeth Short elle-même. Cette obsession le conduit à des découvertes choquantes qui remettent en question tout ce qu’il croyait savoir sur l’affaire, ses collègues, et lui-même. L’intrigue culmine dans une série de révélations bouleversantes qui lient le meurtre du Dahlia à des secrets enfouis depuis longtemps, impliquant des personnages insoupçonnés.

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Les personnages principaux : Bucky Bleichert et Lee Blanchard

Dwight « Bucky » Bleichert et Lee Blanchard sont les protagonistes centraux du « Dahlia Noir », leur duo formant le cœur narratif et émotionnel du roman. Bucky, le narrateur, est un jeune officier de police ambitieux, ancien boxeur professionnel. Son intégrité et sa détermination sont mises à rude épreuve au fil de l’enquête. Ellroy dépeint Bucky comme un homme complexe, tiraillé entre son sens du devoir et ses propres démons intérieurs.

Lee Blanchard, le partenaire de Bucky, est un personnage plus expérimenté et tourmenté. Ancien boxeur lui aussi, Lee est hanté par la disparition de sa sœur cadette des années auparavant. Cette tragédie personnelle alimente son obsession pour l’affaire du Dahlia Noir, voyant en Elizabeth Short un écho de sa sœur perdue. Lee est présenté comme un policier efficace mais instable, capable de franchir les limites de la légalité dans sa quête de justice.

La relation entre Bucky et Lee est au cœur du récit. Initialement rivaux sur le ring, ils deviennent partenaires et amis, liés par leur passé de boxeurs et leur dévouement à l’enquête. Leur dynamique est complexe, mêlant respect mutuel, rivalité et une forme de fraternité. Cette relation est mise à l’épreuve par l’enquête sur le Dahlia Noir et par leur implication commune avec Kay Lake.

Au fil du roman, les personnalités de Bucky et Lee se révèlent contrastées. Bucky, initialement plus naïf et idéaliste, devient de plus en plus cynique et obsédé par l’affaire. Lee, quant à lui, sombre progressivement dans ses propres obsessions, sa stabilité mentale se détériorant à mesure que l’enquête progresse.

Ellroy utilise ces deux personnages pour explorer les thèmes de l’obsession, de la corruption et de la quête de rédemption. Bucky et Lee sont tous deux confrontés à leurs propres limites morales, forcés de naviguer dans un monde où la ligne entre le bien et le mal est souvent floue. Leur évolution au cours du roman reflète la transformation brutale que l’affaire du Dahlia Noir opère sur ceux qui s’y impliquent.

La complexité de ces personnages se manifeste également dans leurs relations avec les autres, notamment avec Kay Lake. Le triangle émotionnel qui se forme entre Bucky, Lee et Kay ajoute une dimension personnelle intense à leur enquête professionnelle, brouillant encore davantage les frontières entre leur vie privée et leur devoir de policier.

Elizabeth Short : victime et figure centrale du roman

Elizabeth Short, surnommée le « Dahlia Noir », est la victime autour de laquelle s’articule toute l’intrigue du roman d’Ellroy. Bien que morte dès le début de l’histoire, sa présence plane sur l’ensemble du récit, devenant une figure quasi mythique qui obsède les personnages et le lecteur. Ellroy s’inspire du véritable meurtre non élucidé d’Elizabeth Short en 1947 pour créer un personnage complexe et énigmatique.

Dans le roman, Elizabeth Short est présentée comme une jeune femme attirante et ambitieuse, venue à Los Angeles avec des rêves de gloire hollywoodienne. Ellroy la dépeint comme une figure tragique, à la fois victime et séductrice, dont la vie est marquée par une série de relations tumultueuses et d’échecs. Sa mort brutale et la mutilation de son corps deviennent le symbole de la corruption et de la violence qui sous-tendent la société de Los Angeles.

Au fil de l’enquête, la personnalité d’Elizabeth Short se révèle à travers les témoignages et les découvertes des enquêteurs. Ellroy construit un portrait nuancé, montrant une femme aux multiples facettes : tantôt naïve et vulnérable, tantôt manipulatrice et séductrice. Cette complexité rend le personnage d’autant plus fascinant et insaisissable.

La quête pour comprendre qui était vraiment Elizabeth Short et ce qui lui est arrivé devient l’obsession centrale des protagonistes, en particulier de Bucky Bleichert. À travers cette obsession, Ellroy explore les thèmes de l’identité, de la vérité et de l’illusion, remettant en question la possibilité même de connaître véritablement une personne.

Le meurtre d’Elizabeth Short agit comme un catalyseur qui révèle les aspects les plus sombres de la société de Los Angeles. Son corps mutilé devient une métaphore de la ville elle-même : belle en surface, mais profondément meurtrie et corrompue en son cœur. La recherche de son meurtrier pousse les personnages à explorer les recoins les plus sordides de la ville et d’eux-mêmes.

Enfin, Elizabeth Short incarne dans le roman la fascination morbide du public et des médias pour les crimes violents. Son surnom de « Dahlia Noir », inventé par la presse, souligne la manière dont son identité est reconstruite et mythifiée après sa mort. Ellroy utilise cet aspect pour critiquer la spectacularisation de la violence et la manière dont les victimes peuvent être déshumanisées et transformées en objets de curiosité publique.

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La corruption et la violence dans le Los Angeles d’après-guerre

Dans « Le Dahlia Noir », James Ellroy dépeint un Los Angeles d’après-guerre gangréné par la corruption et la violence. Cette représentation sombre et sans concession de la ville est au cœur du roman, servant de toile de fond à l’enquête sur le meurtre d’Elizabeth Short. La corruption n’est pas simplement un élément périphérique, mais une force omniprésente qui influence chaque aspect de l’histoire et de la vie des personnages.

Le département de police de Los Angeles est présenté comme profondément corrompu. Des officiers de tous rangs sont impliqués dans des activités illégales, allant de la simple acceptation de pots-de-vin à la participation active à des crimes violents. Cette corruption systémique complique l’enquête sur le meurtre du Dahlia, les protagonistes devant naviguer dans un système où la vérité est souvent sacrifiée au profit d’intérêts personnels ou politiques.

La violence est omniprésente dans le Los Angeles d’Ellroy. Elle se manifeste non seulement dans le meurtre brutal d’Elizabeth Short, mais aussi dans les interactions quotidiennes des personnages. La brutalité policière, les règlements de comptes du crime organisé et la violence domestique sont dépeints comme des occurrences banales dans cette société d’après-guerre.

Le crime organisé joue un rôle crucial dans cette représentation de Los Angeles. Ellroy montre comment les figures du crime sont profondément imbriquées dans le tissu social et politique de la ville, entretenant des relations complexes avec les forces de l’ordre et les élites locales. Cette collusion entre le monde criminel et les institutions censées le combattre contribue à l’atmosphère de corruption généralisée.

La violence et la corruption s’étendent au-delà du monde criminel et policier pour toucher toutes les strates de la société. Les personnages issus des classes supérieures sont souvent impliqués dans des activités illégales ou immorales, protégés par leur statut et leurs connexions. Cette représentation souligne l’idée que la corruption est un mal qui traverse toutes les classes sociales.

Ellroy utilise cette toile de fond de corruption et de violence pour explorer les thèmes de la moralité et de la justice. Les personnages principaux, en particulier Bucky Bleichert, sont constamment confrontés à des dilemmes éthiques, forcés de naviguer dans un monde où les lignes entre le bien et le mal sont souvent floues. Cette ambiguïté morale est au cœur de la vision noire et complexe que l’auteur offre de Los Angeles et de la nature humaine.

Le style d’écriture unique de James Ellroy

Le style d’écriture de James Ellroy dans « Le Dahlia Noir » est immédiatement reconnaissable et constitue une part essentielle de l’expérience de lecture. Caractérisé par une prose dense et percutante, Ellroy développe un langage unique qui plonge le lecteur dans l’atmosphère brute et sans concession du Los Angeles d’après-guerre.

La narration d’Ellroy est marquée par des phrases courtes et incisives, souvent dépourvues de verbes, qui créent un rythme haletant. Cette approche télégraphique donne une impression de rapidité et d’urgence, reflétant l’intensité de l’enquête et l’état d’esprit des personnages. Le style staccato d’Ellroy contribue à maintenir une tension constante tout au long du récit.

L’auteur utilise abondamment l’argot de l’époque et le jargon policier, ce qui renforce l’authenticité de l’univers qu’il dépeint. Ce langage cru et parfois politiquement incorrect n’est pas gratuit, mais sert à ancrer le lecteur dans la réalité brutale de l’époque et du milieu décrits. Ellroy ne recule pas devant les descriptions graphiques et les termes choquants, ce qui peut être dérangeant mais participe à l’atmosphère sombre et violente du roman.

Un autre aspect caractéristique du style d’Ellroy est sa capacité à mêler des éléments factuels à la fiction. Il incorpore des personnages et des événements historiques réels dans son récit, brouillant les frontières entre réalité et fiction. Cette technique donne une profondeur et une crédibilité supplémentaires à son Los Angeles fictif.

La structure narrative du roman est complexe, avec de multiples lignes d’intrigue qui s’entrecroisent. Ellroy manie habilement les flashbacks et les changements de perspective, créant un récit non linéaire qui reflète la nature labyrinthique de l’enquête. Cette complexité narrative exige une attention soutenue du lecteur mais offre une expérience de lecture riche et immersive.

Enfin, le style d’Ellroy se caractérise par une intensité émotionnelle palpable. À travers la voix de Bucky Bleichert, il explore les pensées et les sentiments les plus sombres de ses personnages avec une honnêteté brutale. Cette approche psychologique approfondie, combinée à son style d’écriture unique, crée une expérience de lecture viscérale et inoubliable.

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Les thèmes majeurs : obsession, identité et rédemption

L’obsession est un thème central dans « Le Dahlia Noir », imprégnant chaque aspect du récit. Elle se manifeste principalement à travers la quête incessante des protagonistes pour résoudre le meurtre d’Elizabeth Short. Bucky Bleichert et Lee Blanchard deviennent progressivement obnubilés par l’affaire, au point où elle consume leur vie professionnelle et personnelle. Cette obsession reflète celle d’Ellroy lui-même pour le meurtre non résolu de sa propre mère, ajoutant une dimension autobiographique au roman.

L’identité est un autre thème majeur exploré sous différents angles. L’enquête sur Elizabeth Short devient une quête pour comprendre qui elle était vraiment, au-delà des mythes et des rumeurs. Parallèlement, les personnages principaux sont confrontés à leur propre identité, remettant en question leurs valeurs et leurs motivations. Bucky, en particulier, voit son sens de soi profondément ébranlé au cours de l’enquête, oscillant entre son devoir de policier et ses désirs personnels.

La rédemption, ou la quête de celle-ci, sous-tend les actions de nombreux personnages. Bucky cherche à se racheter de ses erreurs passées et de son incapacité à résoudre le meurtre. Lee, hanté par la disparition de sa sœur, voit dans l’affaire du Dahlia une chance de rédemption. Cette quête de rédemption est souvent compromise par les choix moralement ambigus que les personnages sont amenés à faire, créant une tension constante entre leurs aspirations et leurs actions.

Ellroy explore également le thème de la corruption, non seulement institutionnelle mais aussi personnelle. Les personnages sont constamment confrontés à des choix éthiques difficiles, naviguant dans un monde où la frontière entre le bien et le mal est floue. Cette corruption morale reflète celle de la société dans son ensemble, suggérant que personne n’est véritablement innocent.

La violence, omniprésente dans le roman, n’est pas simplement un élément de l’intrigue mais un thème à part entière. Ellroy examine comment la violence façonne les individus et la société, créant un cycle de traumatismes et de vengeance. Le meurtre brutal d’Elizabeth Short devient un symbole de la violence latente qui sous-tend la société d’après-guerre.

Enfin, le thème de la vérité et de son insaisissabilité parcourt tout le roman. À mesure que l’enquête progresse, la vérité sur le meurtre du Dahlia Noir semble de plus en plus complexe et inaccessible. Ellroy suggère que la vérité absolue est peut-être impossible à atteindre, tant dans l’enquête criminelle que dans la compréhension de soi et des autres.

L’héritage du Dahlia Noir dans la culture populaire

« Le Dahlia Noir » de James Ellroy a laissé une empreinte indélébile dans la culture populaire, dépassant largement le cadre de la littérature policière. Depuis sa publication en 1987, le roman a influencé de nombreux auteurs, cinéastes et artistes, devenant une référence incontournable du genre noir. Son impact s’est étendu bien au-delà du cercle des amateurs de polars, touchant un large public et contribuant à façonner l’image de Los Angeles dans l’imaginaire collectif.

L’œuvre d’Ellroy a inspiré plusieurs adaptations cinématographiques et télévisuelles, dont la plus notable est le film de Brian De Palma sorti en 2006. Bien que ces adaptations aient reçu des accueils mitigés, elles ont contribué à maintenir l’intérêt du public pour l’histoire du Dahlia Noir et à introduire le roman auprès de nouvelles générations de lecteurs et de spectateurs.

Le style d’écriture unique d’Ellroy et sa manière de mêler fiction et réalité historique ont influencé de nombreux auteurs contemporains. On retrouve son influence dans le travail d’écrivains comme Dennis Lehane, Michael Connelly ou George Pelecanos, qui ont adopté certains aspects de son approche narrative et de son exploration des côtés sombres de la société américaine.

Le roman a également ravivé l’intérêt du public pour l’affaire réelle du meurtre d’Elizabeth Short. De nombreux ouvrages, documentaires et émissions de télévision consacrés à cette affaire non résolue ont vu le jour dans le sillage du succès du « Dahlia Noir », alimentant une fascination durable pour ce crime emblématique de l’Amérique d’après-guerre.

Dans le domaine des arts visuels, l’esthétique du noir et blanc associée au Dahlia Noir a inspiré de nombreux artistes. Des photographes et des peintres ont créé des œuvres s’inspirant de l’atmosphère sombre et mystérieuse du roman, contribuant à renforcer son statut iconique dans la culture populaire.

Enfin, « Le Dahlia Noir » a participé à la mythification de Los Angeles comme ville de tous les possibles et de tous les dangers. L’image d’une cité corrompue et violente, cachée derrière le glamour hollywoodien, est devenue un trope récurrent dans la littérature et le cinéma, influençant la perception populaire de la ville bien au-delà des frontières américaines.

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Le mot de la fin : Un chef-d’œuvre du roman noir contemporain

« Le Dahlia Noir » de James Ellroy s’impose comme un chef-d’œuvre incontestable du roman noir contemporain. Son impact sur le genre et la littérature en général est profond et durable. Ellroy a réussi à transcender les limites traditionnelles du polar pour créer une œuvre qui est à la fois un thriller captivant, une exploration psychologique complexe et une critique sociale acerbe.

La force du roman réside dans sa capacité à entrelacer une intrigue policière haletante avec une analyse pénétrante de la société américaine d’après-guerre. Ellroy ne se contente pas de raconter une histoire de meurtre ; il dissèque les mécanismes de pouvoir, de corruption et de violence qui sous-tendent la façade brillante de Los Angeles. Cette profondeur thématique élève « Le Dahlia Noir » au-delà du simple divertissement pour en faire une œuvre de littérature sérieuse.

Le style d’écriture unique d’Ellroy, avec sa prose incisive et son rythme effréné, a redéfini les possibilités stylistiques du genre noir. Son approche narrative audacieuse a ouvert la voie à une nouvelle génération d’écrivains, influençant profondément l’évolution du roman policier dans les décennies suivantes.

L’exploration psychologique des personnages, en particulier de Bucky Bleichert, ajoute une dimension de profondeur rarement atteinte dans le genre. Ellroy plonge dans les abysses de l’âme humaine, exposant les contradictions, les obsessions et les faiblesses de ses personnages avec une honnêteté brutale. Cette approche psychologique approfondie contribue à la résonance durable du roman.

« Le Dahlia Noir » se distingue également par sa capacité à brouiller les frontières entre fiction et réalité historique. En s’inspirant d’un fait divers réel et en y incorporant des éléments historiques authentiques, Ellroy crée un univers qui semble plus vrai que nature, remettant en question notre perception de l’histoire et de la vérité.

En conclusion, « Le Dahlia Noir » reste un pilier du roman noir contemporain, une œuvre qui continue de fasciner, de choquer et d’inspirer les lecteurs et les écrivains. Son influence s’étend bien au-delà du genre policier, faisant d’Ellroy l’un des auteurs les plus importants de sa génération. Le roman demeure un témoignage puissant de la capacité de la fiction à éclairer les aspects les plus sombres de la nature humaine et de la société.


Extrait Première Page du livre

 » Prologue
Vivante, je ne l’ai jamais connue, des choses de sa vie je n’ai rien partagé. Elle n’existe pour moi qu’au travers des autres, tant sa mort suscita de réactions transparaissant dans le moindre de leurs actes. En remontant dans le passé, ne cherchant que les faits, je l’ai reconstruite, petite fille triste et putain, au mieux quelqu’un-qui-aurait-pu-être, étiquette qui pourrait tout autant s’appliquer à moi. J’aurais souhaité pouvoir lui accorder une fin anonyme, la reléguer aux quelques mots laconiques du rapport final d’un inspecteur de la Criminelle, avec copie carbone pour le bureau du coroner, et quelques formulaires supplémentaires avant qu’on ne l’emmène à la fosse commune. La seule chose qui ne cadrait pas avec ce souhait, c’était qu’elle n’aurait pas voulu qu’il en fût ainsi. Malgré la brutalité des faits, elle aurait désiré que tout en fût connu. Et puisque je lui dois beaucoup, puisque je suis le seul qui connaisse vraiment toute l’histoire, j’ai entrepris la rédaction de ce mémoire.

Mais avant le Dahlia, il y eut mon partenaire, et avant cela encore, il y eut la guerre, les règlements et manœuvres militaires à la Division de Central, qui nous rappelaient que, flics, nous étions aussi soldats, bien que moins populaires, et de beaucoup, que ceux qui combattaient les Allemands et les Japs. Jour après jour, le service terminé, on nous obligeait à participer à des simulations d’alerte aérienne, des simulations de couvre-feu, des simulations d’évacuation d’incendie qui nous tenaient tous debout, au garde à vous, sur Los Angeles Street, dans l’espoir d’une attaque de Messerschmitt qui nous aurait donné l’illusion de paraître moins stupides. L’appel des équipes de jour se faisait par ordre alphabétique et peu de temps après l’obtention de mon diplôme de l’Académie, en août 1942, c’est là que je rencontrai Lee.

Je le connaissais déjà de réputation et j’avais nos palmarès respectifs inscrits noir sur blanc : Lee Blanchard, 43 victoires, 4 défaites, 2 nuls comme poids lourd, autrefois attraction régulière du Legion Stadium à Hollywood et moi : Bucky Bleichert, mi-lourd, 36 victoires, zéro défaite, zéro nul, jadis classé dixième par Ring Magazine, probablement parce que Nat Fleister trouvait amusante ma manière de taquiner mes adversaires de mes grandes dents de cheval. Les statistiques ne disaient pas tout et pourtant Blanchard cognait dur, encaissant six coups pour en rendre un, le modèle classique du boxeur qui cherche la tête ; moi, je dansais, frappant en contre avec crochets au foie, la garde toujours haute, craignant toujours que trop de coups au visage ne me démolissent ma petite gueule plus encore que ne l’avaient fait mes dents. Question style, Lee et moi étions comme l’eau et l’huile, et, chaque fois que nos épaules se frôlaient à l’appel, je me demandais toujours lequel de nous deux gagnerait. « 


  • Titre : Le Dahlia Noir
  • Auteur : James Ellroy
  • Éditeur : Rivages
  • Nationalité : États-Unis
  • Date de sortie : 1988

Page Facebook : www.facebook.com/JamesEllroy


Je m’appelle Manuel et je suis passionné par les polars depuis plus de 60 ans, une passion qui ne montre aucun signe d’essoufflement.


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