Rire et décadence : voyage dans l’univers de Maria Vittoria dal Pozzo

Tout va très bien, Madame la Comtesse ! de Francesco Muzzopappa

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Une aristocrate haute en couleur : présentation de la Comtesse Maria Vittoria

Au cœur de ce roman hilarant se trouve un personnage inoubliable : la Comtesse Maria Vittoria dal Pozzo della Cisterna. Avec ses soixante-huit ans (qu’elle défend férocement contre quiconque lui en attribue davantage), cette aristocrate turinoise incarne l’élégance d’une noblesse sur le déclin. Son ton mordant et son regard acéré sur le monde qui l’entoure font d’elle une narratrice exceptionnelle.

Francesco Muzzopappa nous livre une héroïne à la fois hautaine et vulnérable, décalée et lucide. Son raffinement inné se heurte constamment à la vulgarité du monde moderne, créant des situations comiques où son mépris se révèle aussi drôle qu’attachant. Sa voix intérieure nous confie sans filtre ses jugements sur tout et tous, de la « Coprova » aux pâtisseries discount.

L’auteur excelle dans la construction d’un personnage féminin complexe, loin des clichés. Maria Vittoria porte le poids de traditions séculaires tout en affrontant des problèmes très contemporains. Son amour pour le vermouth, les chaussons à la cannelle de chez Baratti & Milano et sa détestation des Gocciole dessinent par petites touches un portrait savoureux.

Au fil des pages, nous découvrons son parcours : une éducation stricte dans un collège suisse, un mariage avec l’intelligent mais laid Amedeo, et sa relation compliquée avec son fils Emanuele, qu’elle qualifie régulièrement de crétin. Ces fragments biographiques construisent une femme qui, malgré ses défauts, force le respect par sa détermination et son sens de l’honneur familial.

La comtesse nous rappelle ces grands personnages comiques de la littérature qui, par leur inadaptation au monde, en révèlent les absurdités. Derrière ses manières aristocratiques et son intransigeance se cache une femme pragmatique, prête à tout pour sauver ce qui peut l’être de son patrimoine et de sa dignité.

L’intelligence de Muzzopappa se manifeste dans cette figure centrale qui, sans jamais basculer dans la caricature pure, porte la dimension satirique du roman. Maria Vittoria incarne une certaine Italie, un monde ancien qui s’efface mais refuse de disparaître sans combattre. Son énergie et son franc-parler en font une héroïne parfaitement contemporaine, malgré son appartenance à un autre temps.

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L’humour comme arme sociale : le style satirique de Muzzopappa

La force de « Tout va très bien, Madame la Comtesse ! » réside dans son humour finement ciselé, qui fonctionne comme un scalpel disséquant les différentes couches de la société italienne. Francesco Muzzopappa manie l’art de la satire avec une dextérité remarquable, transformant chaque observation sociale en occasion de rire. Son écriture mordante rappelle l’héritage des grands humoristes britanniques qu’il cite d’ailleurs lui-même comme influences : Tom Sharpe et P.G. Wodehouse.

Les dialogues pétillants constituent l’un des points forts du roman. L’auteur excelle dans la création de conversations absurdes où les malentendus entre classes sociales et générations deviennent source de comique. Le langage châtié de la comtesse se heurte constamment au vocabulaire cru du « gamin » ou aux expressions ampoulées du « gentleman braqueur », créant des décalages savoureux.

L’humour de Muzzopappa s’appuie également sur un sens aigu de l’observation des détails sociaux révélateurs. Qu’il s’agisse des chouchous roses ornant les cheveux d’une conseillère bancaire ou des navires miniatures grotesques sculptés par le braqueur-artiste, chaque élément descriptif devient prétexte à une pique savoureuse. La satire opère ainsi à plusieurs niveaux, touchant aussi bien les apparences que les aspirations ridicules des personnages.

La dimension satirique du roman se nourrit de contrastes exacerbés : nobles désargentés contre nouveaux riches vulgaires, culture classique face à références populaires, traditions ancestrales confrontées aux codes contemporains. Ces oppositions, loin d’être manichéennes, offrent à l’auteur d’infinies possibilités de créer des situations cocasses où chaque camp révèle ses propres absurdités.

Muzzopappa utilise par ailleurs l’autodérision comme instrument de nuance. En faisant reconnaître à Maria Vittoria certaines de ses propres contradictions, il évite l’écueil d’une satire unidirectionnelle qui ne moquerait que les classes populaires. Cette intelligence narrative permet au roman de dépasser le simple divertissement pour atteindre une dimension critique plus profonde des apparences sociales.

La plume aiguisée de l’auteur s’inspire visiblement d’une riche tradition littéraire tout en conservant une fraîcheur contemporaine. Son talent particulier réside dans sa capacité à entrelacer références culturelles classiques et observations sur la société moderne, créant ainsi un humour intelligent qui jamais ne méprise ses personnages, même lorsqu’il en expose impitoyablement les travers. Cette bienveillance subtile donne à sa satire sociale une profondeur rare.

Le choc des mondes : aristocratie déchue et culture populaire

Le roman de Muzzopappa explore avec finesse la confrontation entre deux univers que tout semble opposer : l’aristocratie traditionnelle incarnée par la comtesse et la culture populaire contemporaine. Cette collision culturelle génère les moments les plus drôles du livre, notamment lorsque Maria Vittoria se retrouve catapultée hors de sa zone de confort. Ses observations sur le centre commercial Olimpo avec ses fausses colonnes doriques ou son dégoût pour les sandwichs McDonald’s révèlent autant sa morgue que sa vulnérabilité face à un monde qui n’est plus le sien.

Le déclin économique de la noblesse constitue la toile de fond de cette confrontation. La comtesse qui autrefois disposait d’une brigade de dix-huit domestiques se retrouve réduite à manger des Gocciole discount et à ne conserver qu’un seul majordome, Orlando. Cette précarisation force des compromis impensables pour une dal Pozzo della Cisterna, créant un terrain fertile pour la comédie des situations. L’auteur dépeint avec justesse cette aristocratie qui s’accroche aux apparences alors que son monde s’effondre.

L’un des aspects les plus savoureux du roman tient dans l’appropriation par le « gamin » dealer des codes sociaux que la comtesse pensait réservés à sa classe. Sa capacité à repasser parfaitement les chemises ou à préparer un tiramisu exquis bouleverse les préjugés de Maria Vittoria. Muzzopappa joue ainsi habilement avec les stéréotypes, montrant comment les compétences pratiques peuvent transcender les barrières sociales, tandis que l’aristocratie ne conserve souvent que les apparences de sa grandeur passée.

Le langage devient un champ de bataille particulièrement savoureux entre ces mondes différents. Les expressions châtiées de la comtesse contrastent avec le vocabulaire cru du jeune dealer, créant des quiproquos hilarants. Pourtant, au fil des pages, une forme d’entente se tisse entre ces personnages aux antipodes sociaux, suggérant qu’au-delà des différences de classes subsiste une humanité commune que l’auteur célèbre avec tendresse.

La culture populaire contemporaine, avec ses séries télévisées violentes et ses idoles fugaces, devient sous la plume de Muzzopappa un miroir déformant des valeurs aristocratiques. La comtesse qui suit religieusement « Danse avec les stars » tout en méprisant la vulgarité ambiante incarne cette ambivalence d’une noblesse qui rejette le monde moderne tout en y participant malgré elle. Cette double posture crée une tension comique constante qui structure le roman.

La rencontre de ces univers opposés révèle finalement que la frontière entre culture élitiste et culture populaire est plus poreuse qu’il n’y paraît. Maria Vittoria découvre que l’honneur et la dignité peuvent exister en dehors des codes aristocratiques, tandis que ses nouveaux compagnons reconnaissent en elle une forme d’authenticité qui transcende sa condition sociale. Cette reconnaissance mutuelle, sans jamais tomber dans le sentimentalisme facile, constitue l’une des réussites les plus subtiles de cette comédie sociale incisive.

Personnages secondaires mémorables : caricatures et tendresse

Si la comtesse Maria Vittoria occupe indéniablement le devant de la scène, Francesco Muzzopappa déploie autour d’elle une galerie de personnages secondaires remarquablement ciselés. Chacun d’eux, tout en frôlant parfois la caricature, conserve une humanité touchante qui empêche le roman de basculer dans la simple farce. Ces figures gravitant autour de l’héroïne contribuent largement à la richesse narrative et à l’atmosphère unique de l’œuvre.

Orlando, le majordome impassible et poète à ses heures, incarne la quintessence du serviteur aristocratique avec une touche d’excentricité. Sa dévotion pour la comtesse n’a d’égale que sa passion pour la poésie, créant un décalage comique entre son apparence guindée et ses aspirations artistiques. Sa présence discrète mais constante représente le dernier lien de Maria Vittoria avec son monde d’antan, tout en offrant au lecteur un contrepoint savoureux à l’extravagance de sa maîtresse.

Le « gentleman braqueur » dévoile une identité à multiples facettes, oscillant entre malfrat et artiste incompris. Sa passion incongrue pour la sculpture de bateaux miniatures peuplés de marins borgnes révèle une sensibilité inattendue derrière le masque du braqueur. Muzzopappa dose parfaitement le ridicule et la tendresse dans ce personnage qui se rêve en célébrité du crime tout en collectionnant religieusement les coupures de presse mentionnant ses exploits.

Le « gamin dealer » au langage cru mais au cœur tendre représente peut-être la plus belle réussite parmi les seconds rôles. Son expertise surprenante dans les tâches ménagères, sa fascination pour la série « Total Violence New York » et son attachement progressif à la comtesse composent un personnage complexe qui transcende le stéréotype social qu’il semble initialement incarner. Sa casquette TVNY offerte en cadeau symbolise cette capacité du roman à transformer des objets ordinaires en moments d’émotion authentique.

Emanuele, le fils « crétin » de Maria Vittoria, et la redoutable Ludmilla Coprova forment un duo antagoniste qui cristallise les préoccupations de la comtesse. Le premier, décrit sans complaisance comme intellectuellement limité mais physiquement séduisant, évolue mystérieusement au fil du récit. La seconde, avec ses « nichons made in Miami » et son avidité sans bornes, représente tout ce que méprise l’aristocrate. Leur présence, bien que souvent indirecte, structure les motivations profondes de l’héroïne.

L’intelligence narrative de Muzzopappa se manifeste particulièrement dans sa capacité à faire évoluer ces personnages au-delà de leurs apparences initiales. Chacun révèle, au détour d’une réplique ou d’un geste, une profondeur inattendue qui suscite l’empathie du lecteur. Cette alchimie entre caricature sociale et humanité fondamentale confère au roman une dimension touchante qui dépasse le simple divertissement pour atteindre une vérité plus profonde sur les relations humaines par-delà les barrières sociales.

L’art du dialogue et des situations absurdes

Francesco Muzzopappa excelle tout particulièrement dans l’écriture des dialogues, véritable colonne vertébrale de son roman. Les échanges entre la comtesse et ses improbables compagnons d’infortune étincellent d’intelligence et d’humour. L’auteur maîtrise parfaitement le rythme des réparties, alternant entre réflexions intérieures caustiques de Maria Vittoria et conversations hilarantes où les malentendus linguistiques et culturels créent une symphonie comique parfaitement orchestrée.

Les situations absurdes s’enchaînent avec une logique implacable, propulsant l’aristocrate dans des contextes toujours plus inconfortables pour son statut. Qu’il s’agisse de sa première expérience dans un McDonald’s, de sa visite au centre commercial Olimpo ou de sa cohabitation forcée dans la maison aux allures de chalet kitsch, chaque nouvelle étape pousse la comtesse hors de sa zone de confort. L’art de Muzzopappa consiste à rendre ces moments parfaitement crédibles malgré leur excentricité.

La construction narrative repose sur un talent remarquable pour l’escalade comique. Chaque tentative de résolution d’un problème en engendre invariablement un nouveau, plus absurde encore. De l’idée initiale de l’enlèvement jusqu’aux lettres de menaces composées de coupures de magazine, les situations s’emboîtent avec une logique folle qui rappelle les meilleures comédies britanniques, tout en conservant une saveur typiquement italienne.

Les quiproquos linguistiques entre les différentes strates sociales génèrent certains des moments les plus savoureux du livre. Lorsque la comtesse tente d’expliquer au « gamin » pourquoi elle se voile le visage au centre commercial, ou quand le « gentleman braqueur » la convainc de composer une lettre de menaces, les dialogues révèlent toute la virtuosité de l’auteur. Ces conversations improbables fonctionnent comme un révélateur social tout en maintenant un rythme comique soutenu.

Le talent de Muzzopappa pour les situations absurdes s’exprime pleinement dans les scènes de groupe, notamment lors de la préparation du tiramisu. Cette séquence domestique transformée en moment surréaliste, où l’aristocrate, le braqueur et le dealer coopèrent dans une improbable harmonie culinaire, illustre parfaitement comment l’auteur parvient à créer des moments de grâce comique au cœur même de l’absurdité la plus totale.

La virtuosité dialogique de l’auteur ne s’épuise jamais au fil des pages, conservant une fraîcheur remarquable. Les conversations évoluent subtilement à mesure que les personnages apprennent à se connaître, sans jamais perdre leur étincelle comique originelle. Cette orchestration du verbe et des situations improbables fait de ce roman une mécanique d’horlogerie narrative où chaque élément, aussi extravagant soit-il, trouve sa place dans une construction d’ensemble parfaitement maîtrisée.

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Une comédie aux inspirations littéraires anglaises

Dans sa note d’auteur, Francesco Muzzopappa ne cache pas ses influences: Tom Sharpe et P.G. Wodehouse figurent parmi ses maîtres avoués. Cette filiation avec les grands humoristes britanniques transparaît de façon évidente dans la structure même du roman. On y retrouve cette mécanique narrative si particulière où des personnages excentriques sont propulsés dans des situations toujours plus improbables, créant un effet boule de neige typique de l’humour anglais classique.

L’esprit de Wodehouse souffle particulièrement sur la relation entre Maria Vittoria et Orlando, qui évoque immanquablement celle entre Bertie Wooster et son impeccable majordome Jeeves. Toutefois, Muzzopappa réinvente ce duo classique en lui insufflant une saveur typiquement italienne. La comtesse, contrairement au riche héritier britannique, lutte contre la déchéance sociale tandis qu’Orlando, avec ses velléités poétiques, transcende le simple rôle de valet omniscient.

Tom Sharpe, maître de la satire sociale féroce, inspire visiblement les aspects les plus caustiques du roman. La description des nouveaux riches, la critique des apparences sociales et l’observation impitoyable des ridicules contemporains rappellent l’esprit corrosif de l’auteur de « Wilt ». Muzzopappa adopte cette acuité satirique tout en l’adoucissant d’une tendresse méditerranéenne qui lui est propre, évitant ainsi le cynisme parfois acerbe de son modèle britannique.

La structure même du récit, avec son enchaînement de catastrophes et de quiproquos, puise dans les meilleures traditions de la comédie britannique. L’art du malentendu, porté à son paroxysme dans les scènes où la comtesse tente d’expliquer sa situation au « gamin dealer », rappelle les mécanismes narratifs d’Evelyn Waugh ou d’Oscar Wilde. Ces situations où chaque tentative de clarification ne fait qu’aggraver la confusion génèrent un humour parfaitement calibré.

Muzzopappa s’approprie également le sens britannique de l’absurde, notamment dans la construction de personnages secondaires hauts en couleur. Le « gentleman braqueur » avec sa passion incongrue pour les bateaux miniatures et son album de coupures de presse semble tout droit sorti d’un roman de David Lodge, tandis que les dialogues ciselés entre la comtesse et ses interlocuteurs évoquent les meilleures réparties des comédies d’Oscar Wilde, transposées dans l’Italie contemporaine.

Cette alchimie entre influences britanniques et sensibilité italienne confère au roman sa saveur unique. L’auteur parvient à transcender ses modèles pour créer une œuvre authentiquement personnelle, où l’héritage littéraire anglais se fond parfaitement dans le paysage culturel italien. Ce métissage littéraire témoigne de la sophistication d’un écrivain qui, loin de simplement imiter ses maîtres, dialogue avec eux pour enrichir sa propre voix narrative.

Les thèmes sous-jacents : famille, argent et apparences

Au-delà de sa dimension comique évidente, le roman de Muzzopappa explore plusieurs thématiques profondes qui lui confèrent une réelle substance. La famille constitue le pivot central autour duquel s’articulent les actions désespérées de la comtesse. Sa relation complexe avec Emanuele, ce fils qu’elle qualifie régulièrement de « crétin » mais pour qui elle est prête à tout risquer, révèle l’ambivalence des liens familiaux. L’amour maternel s’exprime ici à travers le prisme de l’exaspération permanente, créant une dynamique relationnelle aussi drôle que touchante.

La décadence économique de l’aristocratie italienne forme le cadre social du roman. Maria Vittoria, réduite à manger des Gocciole discount après avoir connu l’opulence, incarne cette noblesse en voie d’extinction, contrainte de s’adapter à un monde où le nom ne suffit plus à garantir la prospérité. La quête désespérée pour récupérer le Koh-i-Noor symbolise cette lutte pour préserver non seulement un patrimoine matériel, mais aussi l’héritage immatériel d’une dynastie.

Les apparences sociales et leur préservation à tout prix constituent un thème omniprésent. La comtesse, même au plus fort de sa déchéance financière, s’accroche aux symboles de son rang : son unique majordome Orlando, son Birkin, et surtout sa dignité. Le roman explore avec finesse cette tension entre l’être et le paraître, montrant comment les codes sociaux façonnent les comportements jusqu’à l’absurde, particulièrement dans les scènes où Maria Vittoria tente de maintenir sa contenance aristocratique dans des situations incongrues.

L’argent, ou plutôt son absence, agit comme un moteur narratif essentiel. Muzzopappa dépeint avec justesse comment la précarité financière peut pousser même les personnes les plus respectables à des actions désespérées. Le plan rocambolesque d’auto-enlèvement illustre cette déchéance matérielle qui force l’héroïne à remettre en question ses principes. Cette exploration de la relation entre dignité et nécessité économique donne au roman une profondeur inattendue sous ses dehors comiques.

La transmission intergénérationnelle des valeurs et des défauts constitue un autre fil conducteur subtil. Les souvenirs de Maria Vittoria concernant son père autoritaire ou son défunt mari Amedeo révèlent comment les schémas familiaux se perpétuent ou se transforment. La comtesse elle-même, tout en critiquant son fils, reproduit certains comportements qu’elle dénonce, créant un effet miroir qui enrichit la psychologie des personnages au-delà de leur dimension caricaturale.

L’habileté de Muzzopappa réside dans sa capacité à intégrer ces thèmes profonds sans jamais sacrifier la légèreté du récit. En tissant ces questions existentielles à travers la trame comique, l’auteur parvient à créer une œuvre qui divertit tout en invitant à la réflexion sur la condition humaine, les relations familiales et la place des traditions dans un monde en perpétuelle mutation. Cette profondeur dissimulée sous l’humour confère au roman une résonance qui persiste bien après qu’on en a tourné la dernière page.

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Un souffle rafraîchissant dans le paysage littéraire contemporain

Dans un contexte littéraire souvent dominé par des romans à la tonalité grave ou des thrillers psychologiques, « Tout va très bien, Madame la Comtesse » apporte une bouffée d’air bienvenue. Francesco Muzzopappa renoue avec une tradition de comédie sociale intelligente qui semblait quelque peu délaissée ces dernières années. Sans jamais tomber dans la facilité ou le divertissement superficiel, l’auteur démontre que l’humour peut constituer un véhicule puissant pour explorer des thématiques sociétales profondes.

La légèreté apparente du roman dissimule une construction narrative d’une remarquable précision. Chaque rebondissement, chaque rencontre improbable s’inscrit dans une mécanique parfaitement huilée qui révèle le métier d’un auteur en pleine maîtrise de ses moyens. Cette rigueur structurelle, combinée à une inventivité constante dans les situations, rappelle que la comédie, lorsqu’elle est bien exécutée, exige autant de talent que les genres considérés comme plus « nobles ».

L’originalité de Muzzopappa réside également dans sa capacité à créer un univers résolument italien tout en s’inspirant des grandes traditions humoristiques internationales. En situant son récit dans un Turin contemporain mais peuplé de personnages aux contours presque dickensiens, l’auteur opère une fusion culturelle rafraîchissante. Cette hybridation des influences contribue à la singularité d’une voix narrative qui ne ressemble à aucune autre dans le panorama actuel.

La finesse psychologique dont fait preuve l’auteur mérite d’être soulignée. Derrière les traits caricaturaux de ses personnages se cachent des individus d’une complexité remarquable, dont les motivations profondes s’avèrent toujours plus subtiles qu’il n’y paraît au premier abord. Cette dimension humaine confère au roman une profondeur émotionnelle qui transcende le simple divertissement pour toucher à des vérités universelles sur nos contradictions et nos aspirations.

Le style de Muzzopappa, vif et imagé, constitue l’un des grands plaisirs de cette lecture. Ses métaphores inventives, ses descriptions ciselées et ses dialogues étincelants témoignent d’un véritable artisanat littéraire. Dans un paysage éditorial parfois tenté par la standardisation, cette attention portée à la langue elle-même, à sa musicalité et à sa richesse, représente une qualité précieuse qui inscrit l’auteur dans une tradition littéraire exigeante malgré l’apparente légèreté du propos.

L’œuvre de Francesco Muzzopappa démontre avec brio que la littérature contemporaine peut encore nous surprendre, nous faire rire et nous émouvoir simultanément. En choisissant la voie d’une comédie sociale sophistiquée portée par des personnages inoubliables, l’auteur enrichit le paysage littéraire d’une proposition singulière et revigorante. « Tout va très bien, Madame la Comtesse » s’affirme ainsi comme un roman qui, sous ses dehors divertissants, porte un regard lucide et profondément humain sur notre société et ses contradictions.

Mots-clés : Satire sociale, Humour britannique, Italie contemporaine, Décadence, Apparences, Relations familiales


Extrait Première Page du livre

 » I
Lorsqu’ils vous disent : « Poussez, madame ! », vous comptez voir surgir, entre les cris, les larmes et l’image de votre époux évanoui sur le sol, les gambettes d’un nouveau-né, une petite tête ou une main minuscule, avec de tout petits doigts.

En ce qui me concerne, après une grossesse qui conféra à ma silhouette une forme inédite – neuf mois de coups de pied assénés avec rage –, je réussis à produire ce qui, à première vue, ressemblait plutôt à un chat de gouttière : museau écrasé, oreilles décollées et beaucoup, vraiment beaucoup, de cheveux.

Bien que je l’eusse personnellement expulsé de mon corps en hurlant des propos incohérents, les yeux bouffis par les pleurs, je ne parvins pas à le considérer comme mien. Mais le destin est inexorable : vous pouvez n’avoir aucun goût pour le Martini rosé, vous contreficher de la nouvelle variété d’anthurium à longue tige, mais si vous êtes la comtesse Maria Vittoria dal Pozzo della Cisterna1, ultime descendante de la plus ancienne famille aristocrate de Turin, vous ne pouvez en aucun cas ignorer votre héritier.

« Tignasse drue, problèmes en vue », me dit en souriant l’infirmière qui posa Emanuele dans mes bras. Je la fusillai de mon fameux regard laser.

Cela me coûte de l’admettre, mais elle avait raison.

Je me rappelle encore l’époque où je caressais mon gros ventre en interrogeant mon mari sur l’avenir de notre petit.

Serait-il mathématicien ? Homme de lettres ? Physicien ?

J’étais convaincue qu’il deviendrait un savant et qu’il consacrerait sa vie à traquer des protons et à briser des atomes : inutile de souligner qu’en à peine plus de trois décennies, il parvint à briser bien autre chose… « 


  • Titre : Tout va très bien, Madame la Comtesse !
  • Titre original : Affari di famiglia
  • Auteur : Francesco Muzzopappa
  • Éditeur : Editions Autrement
  • Nationalité : Italie
  • Date de sortie en France : 2016
  • Date de sortie en Italie : 2014

Page Officielle : fiabebrevichefinisconomalissimo.blogspot.com

Résumé

La comtesse Maria Vittoria dal Pozzo della Cisterna est effondrée : elle a dû se séparer de la quasi-totalité de ses domestiques et la voilà réduite à faire ses propres courses au supermarché. Tout ça à cause d’un fils, beau comme un dieu et bête comme une huître, qui a jugé malin d’offrir le dernier joyau familial à une starlette décérébrée. Pour sortir de ce pétrin, il va falloir faire preuve d’imagination…


Je m’appelle Manuel et je suis passionné par les polars depuis une soixantaine d’années, une passion qui ne montre aucun signe d’essoufflement.


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