Une plongée dans l’univers du crime organisé russe à Montréal
Dans « Sans la peau », Steve Laflamme nous plonge avec brio dans les méandres de la mafia russe montréalaise, offrant aux lecteurs une immersion saisissante dans cet univers criminel méconnu. L’auteur dévoile avec minutie les rouages d’une organisation criminelle complexe, la bratva (en cyrillique : братва), qui opère dans l’ombre de la métropole québécoise. Cette plongée fascinante nous permet de découvrir les codes, les rituels et la hiérarchie stricte qui régissent ce milieu impitoyable.
À travers le regard aiguisé de Xavier Martel, détective privé mandaté par la GRC, nous explorons les différentes strates de cette organisation criminelle, depuis ses bars de façade luxueux jusqu’à ses activités les plus sombres. L’auteur dépeint avec authenticité l’ambiance particulière de la Troïka, établissement servant de vitrine légale aux activités mafieuses, où se côtoient culture russe traditionnelle et criminalité moderne. La description détaillée des lieux, des personnages et de leurs interactions témoigne d’un travail de documentation approfondi.
Steve Laflamme excelle particulièrement dans sa représentation des traditions et du folklore mafieux russes. Les tatouages codifiés, les surnoms, les règles tacites et le vocabulaire spécifique sont autant d’éléments qui donnent corps et crédibilité à cet univers parallèle. L’auteur parvient à retranscrire la dualité fascinante de ces criminels, à la fois attachés à leur culture d’origine et adaptés à leur terre d’accueil québécoise.
Le roman explore également les relations complexes entre les différentes branches de la mafia russe en Amérique du Nord, notamment les tensions entre Montréal et Toronto. Cette dimension géopolitique criminelle ajoute une profondeur supplémentaire au récit, illustrant les enjeux de territoire et de pouvoir qui régissent ces organisations.
Le portrait dressé de Seva Ivanov, le parrain de la bratva montréalaise, illustre parfaitement cette dualité entre raffinement culturel et brutalité criminelle. Amateur d’art et de littérature russes, ce personnage charismatique incarne la complexité de cette criminalité organisée moderne, où la violence côtoie l’intelligence stratégique.
Cette immersion dans l’univers de la mafia russe constitue l’une des grandes réussites du roman. Steve Laflamme parvient à créer un tableau vivant et crédible de ce milieu, évitant les clichés tout en maintenant le mystère qui entoure ces organisations criminelles. Sa description minutieuse des rouages de la bratva sert admirablement l’intrigue, créant un cadre aussi fascinant qu’inquiétant pour son récit.
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La construction d’un thriller psychologique maîtrisé
Steve Laflamme démontre une grande maîtrise dans la construction de son thriller psychologique, orchestrant avec habileté les différentes composantes de son intrigue. L’auteur tisse une toile complexe où s’entremêlent enquête criminelle, tensions psychologiques et mystères bien dosés, maintenant le lecteur en haleine du début à la fin. Le rythme, savamment modulé, alterne entre moments de tension intense et phases de développement plus introspectives.
L’auteur excelle particulièrement dans sa capacité à distiller les informations au compte-gouttes, créant un climat de suspense croissant. Les révélations successives sur l’affaire Kaspar Tanev, les activités de la bratva et les motivations des personnages s’imbriquent parfaitement, formant un puzzle dont les pièces se mettent progressivement en place. Cette construction narrative précise permet de maintenir l’intérêt du lecteur tout en préservant la cohérence du récit.
La dimension psychologique du thriller se manifeste notamment à travers le personnage de Xavier Martel, dont les tourments intérieurs et les questionnements moraux ajoutent une profondeur supplémentaire à l’intrigue. Sa synesthésie gustative, qui associe des saveurs à ses émotions, constitue un dispositif narratif original qui enrichit la tension psychologique du récit. Cette particularité permet à l’auteur d’explorer de manière innovante les états mentaux de son protagoniste.
Les multiples perspectives narratives enrichissent la complexité psychologique du roman. À travers le journal de Khanya Datulya notamment, le lecteur accède à différentes facettes de l’histoire, multipliant les points de vue et les niveaux de lecture. Cette stratégie narrative permet de créer un sentiment d’immersion totale dans l’univers du roman tout en maintenant le mystère sur certains aspects de l’intrigue.
L’ambiance oppressante qui se dégage du récit témoigne du talent de l’auteur pour créer une atmosphère psychologique prenante. Des ruelles sombres de Montréal aux sous-sols glauques de la Troïka, en passant par le tunnel Wellington, chaque lieu devient le théâtre d’une tension palpable qui contribue à l’intensité du thriller.
La construction méticuleuse du récit atteint son paroxysme dans l’entrelacement des différentes intrigues. Steve Laflamme parvient à maintenir un équilibre subtil entre les multiples fils narratifs, créant une œuvre dense et captivante qui ne cesse de surprendre le lecteur jusqu’aux dernières pages.
La complexité des personnages et leurs démons intérieurs
L’une des grandes forces de « Sans la peau » réside dans la profondeur psychologique de ses personnages, chacun portant en lui des blessures et des démons qui façonnent ses actions. Au premier plan, Xavier Martel se révèle être un protagoniste complexe, hanté par son passé et ses choix. Sa synesthésie gustative, qui lui fait associer des saveurs à ses émotions, n’est qu’une des multiples facettes de sa personnalité tourmentée, ajoutant une dimension sensorielle unique à son rapport au monde.
Les personnages féminins du roman sont particulièrement bien développés, à l’image de Khanya Datulya, dont le journal intime révèle un parcours bouleversant. À travers son histoire, l’auteur dépeint une femme forte mais brisée, qui a dû se construire dans la violence pour survivre dans un monde dominé par les hommes. Sa relation complexe avec Seva Ivanov et son rôle au sein de la bratva illustrent parfaitement l’ambivalence morale qui caractérise les personnages du roman.
Seva Ivanov lui-même incarne cette dualité fascinante entre culture et brutalité. Parrain raffiné amateur de littérature russe, il n’en demeure pas moins un criminel impitoyable. L’auteur parvient à créer un antagoniste nuancé, dont les motivations dépassent le simple désir de pouvoir pour toucher à des questions plus profondes d’identité et d’héritage culturel.
Les personnages secondaires ne sont pas en reste, chacun portant sa propre histoire et ses propres tourments. De Zoé Savary, la partenaire de Martel, à Yash, le jeune trans-espèce du tunnel Wellington, en passant par Polina Mogilevich, victime sacrificielle des jeux de pouvoir mafieux, chaque personnage possède une épaisseur psychologique qui enrichit la narration.
Les relations entre les personnages sont tissées avec finesse, créant un réseau complexe d’alliances, de trahisons et de loyautés ambiguës. L’auteur excelle particulièrement dans la description des liens familiaux dysfonctionnels, qu’il s’agisse de la relation entre Seva Ivanov et sa fille Arisha, ou des souvenirs traumatiques de Xavier Martel avec son père.
La richesse psychologique des protagonistes donne au roman une dimension supplémentaire, transformant ce qui aurait pu n’être qu’un simple thriller en une exploration profonde de la nature humaine. Steve Laflamme démontre une compréhension aiguë des complexités de l’âme humaine, créant des personnages qui restent en mémoire bien après la lecture du roman.

Le style narratif et l’ambiance si particulière
Le style narratif de Steve Laflamme dans « Sans la peau » se distingue par sa richesse et sa précision, créant une atmosphère unique qui imprègne l’ensemble du roman. L’auteur manie la langue avec habileté, alternant entre descriptions détaillées et dialogues incisifs, tout en maintenant un rythme soutenu qui sert parfaitement l’intrigue. Sa prose, à la fois élégante et efficace, parvient à capturer les nuances les plus subtiles des situations comme des émotions.
L’ambiance du roman est particulièrement travaillée, notamment à travers la description minutieuse des lieux emblématiques de Montréal. Des quartiers huppés de Westmount aux profondeurs lugubres du tunnel Wellington, en passant par l’opulence artificielle de la Troïka, chaque décor est méticuleusement dépeint, devenant un personnage à part entière. L’auteur excelle dans sa capacité à créer des atmosphères distinctes qui reflètent les états d’âme des personnages et les tensions du récit.
La narration est enrichie par un dispositif original : la synesthésie gustative du protagoniste. Cette particularité narrative permet à l’auteur d’explorer les émotions et les situations d’une manière unique, ajoutant une dimension sensorielle supplémentaire au récit. Les saveurs qui envahissent la bouche de Xavier Martel deviennent ainsi des marqueurs émotionnels qui guident le lecteur dans la complexité psychologique du personnage.
L’utilisation habile de différentes voix narratives apporte une profondeur supplémentaire au récit. Le journal de Khanya Datulya, en particulier, offre un contrepoint saisissant à la narration principale, permettant d’explorer l’histoire sous un angle différent. Cette multiplicité des points de vue enrichit la complexité du roman tout en maintenant sa cohérence narrative.
L’auteur maîtrise particulièrement l’art de l’alternance des rythmes. Les scènes d’action intenses sont contrebalancées par des moments plus contemplatifs, créant une dynamique qui maintient le lecteur en haleine tout en lui permettant d’absorber la richesse des détails et des implications psychologiques de l’histoire.
L’écriture de Laflamme se révèle être un subtil mélange d’élégance et de noirceur, reflétant parfaitement l’ambivalence de son récit. Son style, à la fois poétique et brutal, parvient à capturer l’essence même de cette histoire où la violence côtoie la culture, où la beauté se mêle à l’horreur.
Les thématiques de l’identité et de la transformation
La question de l’identité traverse « Sans la peau » comme un fil rouge, s’exprimant sous de multiples formes à travers les différents personnages. Du masque de peau prélevé sur un visage aux transformations physiques volontaires, le roman explore les multiples facettes de la métamorphose identitaire. Cette thématique se manifeste tant sur le plan physique que psychologique, créant un réseau complexe de réflexions sur ce qui constitue l’essence d’un être.
Les personnages du roman sont tous, d’une manière ou d’une autre, en quête d’identité ou en processus de transformation. Xavier Martel lutte avec ses démons intérieurs et son passé, tandis que le personnage de Yash pousse la transformation jusqu’à son paroxysme en modifiant son apparence pour ressembler à un reptile. Ces métamorphoses, qu’elles soient choisies ou subies, révèlent la complexité des rapports que les personnages entretiennent avec leur propre identité.
La thématique de la transformation prend une dimension particulièrement sombre à travers les pratiques de la bratva. Les opérations clandestines de modification des visages, les tatouages rituels et les mutilations forcées deviennent autant de manifestations d’un pouvoir qui s’exerce sur l’identité même des individus. L’auteur explore ainsi les liens entre identité et pouvoir, montrant comment la capacité à transformer l’autre devient un instrument de domination.
Le roman aborde également la question de l’identité culturelle, notamment à travers les personnages d’origine russe qui tentent de maintenir leurs traditions tout en s’adaptant à leur nouvelle vie au Québec. Cette dualité culturelle se manifeste particulièrement dans le personnage de Seva Ivanov, partagé entre son héritage russe et son désir de s’imposer dans le milieu criminel nord-américain.
La transformation identitaire est aussi explorée à travers le prisme de la survie. Les personnages comme Khanya Datulya ou Polina Mogilevich sont contraints de se réinventer pour survivre dans un environnement hostile. Leurs métamorphoses, tant physiques que psychologiques, témoignent de la capacité de l’être humain à s’adapter aux situations les plus extrêmes.
La profondeur de cette réflexion sur l’identité constitue l’une des grandes forces du roman. Steve Laflamme parvient à tisser un récit où chaque transformation, chaque métamorphose, porte en elle une signification qui dépasse la simple modification physique pour toucher à des questions existentielles fondamentales.
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L’ancrage géographique et culturel du récit
Steve Laflamme ancre solidement son récit dans la géographie montréalaise, transformant la métropole québécoise en un personnage à part entière. De Griffintown au Vieux-Port, en passant par le quartier de la Petite Russie, l’auteur dessine une cartographie précise de la ville, utilisant ses différents quartiers comme toile de fond pour son intrigue. Cette connaissance intime de la topographie urbaine permet de créer un univers crédible où chaque lieu résonne avec l’action qui s’y déroule.
Le tunnel Wellington, lieu emblématique du roman, illustre parfaitement cette utilisation magistrale de l’espace urbain. Ce vestige architectural devient sous la plume de l’auteur un lieu chargé de symbolisme, une sorte de purgatoire moderne où se côtoient marginaux et désespérés. La description minutieuse de cet espace souterrain, avec ses recoins sombres et ses habitants particuliers, contribue à créer une atmosphère unique qui sert admirablement l’intrigue.
L’auteur parvient également à tisser des liens subtils entre la culture russe traditionnelle et la réalité québécoise contemporaine. La Troïka, avec ses murs ornés de portraits d’écrivains russes et son ambiance feutrée, incarne parfaitement cette fusion culturelle. Les références à la littérature russe, notamment à travers le personnage de Seva Ivanov, ajoutent une profondeur supplémentaire au récit tout en ancrant les personnages dans leur héritage culturel.
Le contraste entre les différents quartiers de Montréal permet à l’auteur d’explorer les disparités sociales et culturelles de la ville. Des appartements luxueux de Westmount aux ruelles sombres de la Petite Russie, chaque lieu raconte une histoire différente et révèle une facette particulière de la ville. Cette géographie sociale contribue à la richesse du roman en offrant un portrait nuancé de la réalité urbaine montréalaise.
Le roman explore également les connexions entre différentes villes canadiennes, notamment à travers les tensions entre les mafias russes de Montréal et de Toronto. Cette dimension géographique plus large permet de situer l’intrigue dans un contexte national tout en soulignant les particularités de chaque ville et de leur communauté russe respective.
La maîtrise de l’espace urbain et culturel par Steve Laflamme enrichit considérablement la narration. Les lieux décrits ne sont jamais de simples décors, mais participent pleinement à l’histoire, créant un univers cohérent où l’intrigue peut se déployer de manière organique.
La symbolique et les références littéraires russes
L’utilisation des références littéraires russes dans « Sans la peau » dépasse la simple couleur locale pour devenir un élément structurant du récit. Le poème d’Ossip Mandelstam, « L’épigramme contre Staline », occupe une place centrale dans l’intrigue, servant à la fois de code et de clé de lecture pour comprendre les actions des personnages. Cette intégration de la littérature russe classique enrichit considérablement la trame narrative tout en soulignant la dimension culturelle du roman.
La Troïka, avec ses murs ornés de portraits d’écrivains russes, devient un symbole puissant de cette dualité entre culture et criminalité. Les références à Dostoïevski, Tolstoï et Pasternak ne sont pas gratuites, mais participent à la construction d’un univers où la violence côtoie la plus haute culture. Le personnage de Seva Ivanov, amateur éclairé de littérature russe, incarne parfaitement cette ambivalence.
La symbolique des mutilations et des transformations physiques fait écho à certains thèmes récurrents de la littérature russe, notamment la question de l’identité et de la métamorphose. L’auteur établit des parallèles subtils entre les pratiques brutales de la bratva et les descriptions de la violence dans les œuvres classiques russes, créant une continuité thématique qui enrichit la lecture.
Les références au Goulag et à l’histoire soviétique, notamment à travers les tatouages des personnages et leurs codes, s’inscrivent dans une tradition littéraire russe de témoignage et de résistance. L’auteur utilise cette symbolique pour explorer les thèmes de l’oppression, de la survie et de la transformation de l’identité sous la contrainte.
La figure du poète martyr, incarnée par Mandelstam, trouve des échos dans plusieurs personnages du roman, particulièrement dans le destin tragique de certains d’entre eux. Cette mise en parallèle entre la violence politique historique et la brutalité criminelle contemporaine crée une profondeur thématique qui enrichit la lecture du roman.
L’intégration magistrale de ces éléments culturels russes témoigne d’une connaissance approfondie de cette littérature par Steve Laflamme. Le tissage subtil des références littéraires et historiques avec l’intrigue contemporaine donne au roman une dimension supplémentaire, transformant ce thriller en une œuvre qui dialogue avec la grande tradition littéraire russe.
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Une œuvre marquante dans le paysage du polar québécois
Avec « Sans la peau », Steve Laflamme s’impose comme une voix singulière dans le paysage du polar québécois. Son roman se démarque par son originalité, mêlant avec habileté les codes du thriller à une profonde exploration psychologique des personnages. L’auteur renouvelle le genre en intégrant des éléments peu communs dans le polar traditionnel, comme la synesthésie gustative du protagoniste ou les références à la littérature russe classique.
La richesse de l’ancrage montréalais constitue un autre aspect remarquable de l’œuvre. Là où de nombreux polars québécois se contentent d’utiliser la ville comme simple décor, Laflamme parvient à créer un portrait vivant et complexe de Montréal, explorant ses zones d’ombre et ses contrastes. Cette utilisation magistrale de l’espace urbain inscrit le roman dans une tradition du noir tout en lui donnant une couleur résolument locale.
L’exploration de la mafia russe représente également une innovation dans le contexte du polar québécois, traditionnellement plus focalisé sur la criminalité locale ou italienne. Cette incursion dans un univers criminel méconnu permet à l’auteur d’apporter un regard neuf sur les dynamiques du crime organisé à Montréal, tout en enrichissant le genre de nouvelles thématiques et références culturelles.
La qualité de l’écriture et la complexité de la construction narrative placent « Sans la peau » au niveau des meilleurs thrillers internationaux. Le style de Laflamme, à la fois élégant et efficace, démontre que le polar québécois peut allier sophistication littéraire et efficacité narrative sans rien perdre de son pouvoir de séduction.
La dimension psychologique du roman, notamment à travers le traitement approfondi des traumatismes et des transformations identitaires, élève l’œuvre au-delà des conventions du genre. Cette exploration des profondeurs de l’âme humaine, rare dans le polar traditionnel, contribue à faire de « Sans la peau » une œuvre qui transcende les frontières du genre.
L’impact de ce roman sur le paysage littéraire québécois s’annonce durable. Par sa maîtrise narrative, sa richesse thématique et son originalité, « Sans la peau » établit de nouveaux standards pour le polar québécois, prouvant que le genre peut être à la fois divertissant et profondément littéraire, accessible et sophistiqué.
Mots-clés : Mafia-russe, Thriller-psychologique, Montréal, Métamorphose, Bratva, Identité, Littérature-russe
Extrait Première Page du livre
» PROLOGUE
Montréal
30 août 2014
Pour ce qu’on en savait, l’enfant n’avait pas hurlé et, le temps de se rendre compte de ce qui se passait, avait perdu toute trace de sa mère. Pourtant, cette dernière s’était époumonée à crier le nom de sa fille – comme si la fillette pouvait d’elle-même échapper à son agresseur et revenir là où on l’avait arrachée à sa maman.
La radio grésilla. Le répartiteur envoyait des véhicules supplémentaires dans le secteur du Vieux-Port. «Câlice, ça brasse…» commenta Jérôme Ferron. Dave Monette lui adressa un œil réprobateur. Monette avait beau avoir à peine trente ans, il adhérait à des principes religieux déterrés d’une autre époque. Cyndi, son épouse, attendait leur premier enfant, un cadeau du ciel qu’ils allaient élever dans la foi et le respect des lois divines.
La plus prépondérante de ces lois, aux yeux de Monette? Croire. Croire que la fillette qui avait été enlevée allait bien. Croire qu’elle allait s’en sortir. Croire que celui ou ceux qui l’avaient enlevée ne lui voulaient pas de mal. Croire que les choses allaient se conclure de manière à constituer une preuve supplémentaire de la mansuétude de Dieu. Croire que ce monde dans lequel Cyndi et lui allaient allumer une nouvelle âme n’était pas pourri jusqu’à la moelle.
Le véhicule tangua au moment de se faufiler sur la rue Saint-Jacques. «Une crisse de chance qu’on était proches», ajouta Ferron. Agacé, Monette garda néanmoins les yeux rivés sur la route. Il repassa les informations dont ils disposaient à l’heure actuelle. La Ville avait convié les Montréalais à l’observation de feux d’artifice au Vieux-Port, soulignant la fin de l’été. Les premières détonations produites par les artificiers avaient coloré le ciel à vingt et une heures pile. À peine dix minutes plus tard, un cri strident avait attisé la foule avec la même furie que les fusées rouges et vertes qui zébraient le ciel. L’appel au 911 n’avait pas tardé: un inconnu avait signalé la disparition d’une enfant, dont la mère hurlait le prénom en essayant de la retrouver. La foule s’était ouverte sur celle-ci, puis s’en étaient détachés des pelotons de dix, douze individus résolus à prêter main-forte à la femme effondrée de douleur.
Monette et Ferron avaient pris l’appel de renfort devant le Palais des congrès. Des dizaines de policiers patrouillaient déjà le secteur, afin de délimiter le périmètre.
«Avis à toutes les patrouilles: on a un 10-31 dans le secteur du Vieux-Port, entre Duke et McGill. Selon nos dernières infos, un véhicule sport gris se dirigeait en direction nord vers la rue William.»
Le code signifiait qu’une poursuite était en cours. Ferron attrapa la radio. «Véhicule 97-3 à lieutenant Rainville, véhicule 97-3 à lieutenant Rainville.»
Malgré ses manières parfois rustres, Jérôme Ferron était un collègue de travail que Monette appréciait, notamment pour son sens de l’initiative. «
- Titre : Sans la peau
- Auteur : Steve Laflamme
- Éditeur : Les Éditions de l’Homme
- Nationalité : Canada
- Date de sortie : 2021

Je m’appelle Manuel et je suis passionné par les polars depuis une soixantaine d’années, une passion qui ne montre aucun signe d’essoufflement.