Simo Häyhä et la Mort Blanche : Olivier Norek explore un conflit méconnu

Les guerriers de l'hiver de Olivier Norek

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Un conflit méconnu sous les projecteurs littéraires

Dans le paysage foisonnant de la littérature de guerre contemporaine, où les récits sur les deux conflits mondiaux semblent avoir épuisé tous les angles d’approche, Olivier Norek fait le pari audacieux de ressusciter un épisode oublié de l’Histoire européenne. La Guerre d’Hiver de 1939-1940, ce bref mais sanglant affrontement entre la Finlande et l’Union soviétique, émerge sous sa plume comme un territoire littéraire encore vierge, offrant au romancier français un terrain d’exploration inédit. Cette guerre de cent cinq jours, coincée entre l’invasion de la Pologne et la campagne de France, avait sombré dans l’amnésie collective, reléguée au rang de note de bas de page dans les manuels d’histoire.

Le choix de ce conflit révèle l’instinct narratif aiguisé de l’auteur, qui flaire dans cette confrontation asymétrique tous les ingrédients d’un récit puissant. Face à la machine de guerre soviétique et ses divisions blindées, la petite Finlande ne peut opposer que l’ingéniosité de ses soldats-paysans et la complicité d’un hiver arctique impitoyable. Cette disproportion des forces en présence offre à Norek un cadre dramaturgique naturel, où l’héroïsme naît de la nécessité et où chaque victoire tactique résonne comme un miracle. L’écrivain saisit intuitivement que les plus belles histoires de guerre naissent souvent de ces David contre Goliath, de ces résistances désespérées qui transcendent leur époque.

L’entreprise de Norek s’inscrit dans une démarche de réhabilitation mémorielle qui dépasse le simple exercice littéraire. En choisissant de porter à la connaissance du public francophone cet épisode méconnu, l’auteur endosse le rôle de passeur d’histoire, révélant combien notre vision du second conflit mondial demeure européo-centrée. Cette guerre nordique, avec ses enjeux géopolitiques complexes et ses héros anonymes, élargit notre compréhension des bouleversements de 1939-1940. Le romancier transforme ainsi l’ignorance collective en opportunité narrative, offrant à ses lecteurs la sensation grisante de découvrir un pan inexploré de l’Histoire.

Cette résurrection littéraire d’un conflit oublié témoigne également de l’évolution du genre du roman de guerre contemporain. Là où d’autres auteurs revisitent inlassablement Verdun ou le Débarquement, Norek prouve qu’il reste encore des histoires à raconter, des héroïsmes à célébrer et des leçons à tirer des replis les plus sombres du passé européen. Son travail illustre parfaitement comment la fiction peut servir de révélateur historique, transformant les faits bruts en récit vivant et accessible.

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Les guerriers de l’hiver
Olivier Norek
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Olivier Norek
Entre deux mondes Olivier Norek

La construction d’un récit choral au cœur de l’hiver finlandais

Olivier Norek orchestre son récit comme une symphonie polyphonique où chaque voix contribue à l’harmonie générale sans jamais se perdre dans la cacophonie. Plutôt que de s’en remettre à un narrateur omniscient traditionnel, l’auteur tisse une narration chorale qui fait écho à la nature collective de l’expérience guerrière. Cette approche narrative trouve sa justification dans la géographie même du conflit : dispersés sur les immenses étendues gelées de la Carélie, les combattants finlandais vivent une guerre éclatée, faite de multiples fronts et d’innombrables micro-batailles. Le romancier traduit cette réalité géographique en choix esthétique, créant un réseau de perspectives croisées qui restitue la complexité du conflit.

La structure narrative épouse les contours du paysage finlandais, alternant entre les tranchées de Kollaa, les forêts enneigées et les états-majors. Cette géométrie variable permet à Norek d’explorer toutes les strates de la guerre, depuis l’intimité du tireur d’élite jusqu’aux calculs stratégiques des généraux. L’auteur maîtrise l’art délicat de la transition, passant d’un théâtre d’opérations à l’autre sans rupture de rythme, créant un effet de montage cinématographique qui maintient la tension dramatique. Cette approche fragmentée reflète également la nature même de la guerre moderne, où l’information circule de manière parcellaire et où chaque combattant ne perçoit qu’une fraction de la réalité globale.

L’hiver finlandais devient rapidement plus qu’un simple décor : il s’impose comme un personnage à part entière du récit. Norek exploite magistralement cette donnée climatique pour structurer son récit, utilisant le froid comme un métronome narratif qui scande les épisodes et unifie les différentes trames. Les descriptions de la nature arctique ne relèvent jamais du pittoresque gratuit mais servent toujours la dramaturgie, créant une atmosphère d’étau qui se resserre progressivement sur les protagonistes. Cette omniprésence de l’élément naturel confère au récit une dimension épique qui transcende le simple témoignage historique.

Le romancier parvient ainsi à créer une œuvre à la fois kaléidoscopique et cohérente, où chaque fragment narratif s’emboîte parfaitement dans l’ensemble. Cette construction chorale évite l’écueil de la dispersion tout en restituant fidèlement la nature collective et chaotique de l’expérience guerrière. L’architecture narrative de Norek témoigne d’une maîtrise technique certaine, démontrant sa capacité à orchestrer un récit complexe sans jamais perdre le fil conducteur de l’émotion.

Simo Häyhä : portrait d’un héros entre légende et humanité

Au cœur du tumulte de la Guerre d’Hiver émerge une figure qui cristallise tous les paradoxes de l’héroïsme moderne : Simo Häyhä, surnommé « La Mort Blanche » par ses ennemis. Olivier Norek s’empare de ce personnage historique authentique avec la délicatesse d’un orfèvre, évitant soigneusement les pièges de l’hagiographie pour révéler l’homme derrière le mythe. Le romancier nous présente d’abord un jeune paysan de Rautjärvi, silencieux et discret, dont l’existence tranquille bascule brutalement dans l’Histoire avec un grand H. Cette approche permet à l’auteur d’ancrer solidement son protagoniste dans une réalité tangible, loin des stéréotypes du guerrier invincible.

La transformation de ce fermier en légende vivante constitue l’un des fils rouges les plus fascinants du récit. Norek explore avec finesse psychologique cette métamorphose, montrant comment les circonstances exceptionnelles révèlent des aptitudes insoupçonnées. Le talent naturel de Simo pour le tir, cultivé dans les forêts de son enfance lors de parties de chasse, se mue progressivement en arme de guerre redoutable. L’auteur évite cependant l’écueil de la glorification aveugle en maintenant constamment visible la dimension tragique de cette évolution : chaque balle tirée par Simo arrache un peu plus l’homme à sa nature première. Cette tension entre efficacité meurtrière et préservation de l’humanité traverse tout le roman comme une ligne de fracture douloureuse.

La force du portrait réside dans cette capacité de Norek à maintenir son héros dans une zone d’incertitude morale. Simo Häyhä n’est ni un saint ni un monstre, mais un homme ordinaire confronté à des choix extraordinaires. Ses moments de doute, ses questionnements intérieurs et ses rêves troublés révèlent un personnage complexe, éloigné des héros manichéens de la littérature populaire. L’auteur excelle particulièrement dans la restitution de ces instants où le tireur d’élite, au moment de presser la détente, hésite entre l’homme qu’il était et celui qu’il devient. Ces micro-drames intérieurs confèrent une profondeur psychologique remarquable au personnage.

Le génie de Norek réside dans sa capacité à faire coexister la dimension légendaire du personnage avec sa vérité humaine. Simo demeure accessible au lecteur malgré ses exploits extraordinaires, car l’auteur prend soin de maintenir visible sa vulnérabilité fondamentale. Cette approche nuancée transforme « La Mort Blanche » en figure tragique moderne, incarnation de ces héros malgré eux que forge la guerre. Le romancier réussit ainsi le tour de force de célébrer l’héroïsme sans tomber dans la complaisance, offrant un portrait d’une remarquable justesse psychologique qui honore autant la mémoire du personnage historique que l’intelligence du lecteur contemporain.

La guerre au quotidien : immersion dans les tranchées de Kollaa

Olivier Norek déploie un talent particulier pour saisir la texture rugueuse du quotidien militaire, transformant les tranchées de Kollaa en microcosme de l’expérience combattante. Loin des grandes envolées épiques, l’auteur s’attache aux détails prosaïques qui composent la réalité du soldat : les doigts gelés qui peinent à manipuler les cartouches, l’odeur de la peur mêlée à celle de la poudre, les conversations chuchotées entre deux bombardements. Cette approche documentaire confère au récit une authenticité saisissante, comme si le romancier avait lui-même partagé ces moments d’attente angoissée dans l’univers confiné des abris de fortune. La minutie avec laquelle il décrit les gestes techniques, de l’entretien des armes à la confection des bombes artisanales, révèle un travail de recherche approfondi qui sert efficacement l’immersion narrative.

L’hiver arctique s’impose rapidement comme l’ennemi le plus implacable, transformant chaque action en exploit de survie. Norek excelle dans la restitution de cette lutte permanente contre les éléments, où la température devient un personnage à part entière du drame. Les soldats finlandais évoluent dans un univers hostile où le moindre geste mal calculé peut être fatal : une arme mal entretenue qui se grippe, un vêtement insuffisant qui condamne aux gelures, une position mal choisie qui expose aux rafales meurtrières du vent polaire. Cette omniprésence du froid comme facteur tactique déterminant apporte une dimension inédite au récit de guerre, éloignée des canons traditionnels du genre. L’auteur parvient à faire ressentir physiquement cette oppression climatique, créant chez le lecteur une sensation d’inconfort qui participe pleinement à l’effet dramatique.

La camaraderie militaire trouve sous la plume de Norek une expression particulièrement juste, dépourvue de sentimentalisme mais riche en vérité humaine. Les dialogues entre Simo, Toivo, Onni et Pietari révèlent ces liens indéfectibles que forge l’épreuve partagée, ces amitiés à la fois simples et absolues que seule la proximité de la mort peut créer. L’humour noir qui ponctue leurs échanges, les petites rivalités qui persistent malgré le danger, les gestes de solidarité spontanés composent un tableau nuancé de la fraternité d’armes. L’auteur évite soigneusement l’écueil de l’idéalisation, montrant aussi les tensions, les moments de découragement et les failles qui lézardent parfois cette unité si nécessaire à la survie collective.

Cette immersion dans l’intimité du combat révèle la maîtrise narrative de Norek, capable de maintenir l’intensité dramatique tout en préservant la dimension humaine de son récit. Les tranchées de Kollaa deviennent sous sa plume un laboratoire d’observation de la nature humaine sous contrainte extrême, un espace où se révèlent autant les grandeurs que les petitesses de l’âme humaine. Cette approche ethnographique de la guerre confère au roman une profondeur sociologique remarquable, transformant le témoignage historique en véritable fresque anthropologique sur l’homme en situation de survie.

L’art du récit de guerre : entre réalisme historique et tension narrative

Olivier Norek navigue avec habileté sur la ligne de crête périlleuse qui sépare la fidélité historique de l’efficacité romanesque. L’auteur démontre une connaissance approfondie des enjeux tactiques et stratégiques de la Guerre d’Hiver, s’appuyant manifestement sur une documentation rigoureuse qui transparaît dans chaque description d’armement, chaque évocation des conditions climatiques ou chaque reconstitution des mouvements de troupe. Cette précision documentaire ne verse jamais dans l’étalage gratuit d’érudition mais nourrit constamment la vraisemblance du récit. Norek parvient à intégrer naturellement ces éléments factuels dans le flux narratif, transformant l’information historique en matière romanesque vivante qui enrichit l’expérience de lecture plutôt qu’elle ne l’alourdit.

La tension dramatique trouve sa source dans l’asymétrie fondamentale du conflit, que l’auteur exploite comme un ressort narratif particulièrement efficace. Face à la machine de guerre soviétique et ses divisions blindées, la résistance finlandaise s’apparente à un combat de titans inégaux qui génère naturellement du suspense. Norek orchestre magistralement cette montée en puissance de la menace, alternant entre les perspectives finlandaise et russe pour créer un effet d’étau qui se resserre progressivement. Les scènes d’action sont menées avec un sens aigu du rythme, évitant autant la complaisance dans la violence que la censure pudibonde. L’auteur trouve le ton juste pour restituer la brutalité des combats sans tomber dans le voyeurisme, maintenant constamment visible l’humanité des protagonistes même dans les moments les plus extrêmes.

L’équilibre entre documentation et fiction révèle une maîtrise technique certaine de la part de Norek, qui évite les écueils habituels du genre. Le romancier résiste à la tentation de l’anachronisme psychologique, restituant fidèlement la mentalité d’une époque où les codes d’honneur militaire différaient sensiblement de nos valeurs contemporaines. Cette authenticité historique n’empêche pas l’identification du lecteur moderne aux personnages, preuve que l’auteur a su trouver les invariants de la condition humaine par-delà les spécificités culturelles. Les dialogues conservent une saveur d’époque sans verser dans l’archaïsme artificiel, témoignant d’un travail minutieux sur la langue qui sert efficacement l’illusion romanesque.

Cette alchimie subtile entre vérité historique et construction narrative place l’œuvre de Norek dans la lignée des grands romans de guerre contemporains. L’auteur démontre qu’il est possible de servir simultanément la mémoire historique et l’art du récit, sans sacrifier l’une à l’autre. Son approche respectueuse mais non révérencieuse du matériau historique permet de transformer un épisode méconnu en récit universel sur la condition humaine en temps de guerre. Cette réussite technique témoigne d’une maturité littéraire qui place Olivier Norek parmi les romanciers français contemporains les plus doués pour traiter la matière historique.

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Les enjeux géopolitiques d’un David contre Goliath

Olivier Norek inscrit habilement la Guerre d’Hiver dans le grand échiquier européen de 1939, révélant comment ce conflit périphérique cristallise en réalité tous les bouleversements géopolitiques de l’époque. L’auteur dévoile avec perspicacité les calculs de Staline, qui voit dans l’annexion de la Finlande un verrou stratégique face aux ambitions allemandes sur Leningrad. Cette dimension géostratégique transforme le petit pays nordique en pion crucial d’une partie qui le dépasse largement, éclairant d’un jour nouveau la brutalité de l’agression soviétique. Norek évite cependant l’écueil de la leçon d’histoire en intégrant ces considérations diplomatiques dans le tissu même de son récit, montrant comment les grandes manœuvres politiques se répercutent concrètement sur le terrain et dans la chair des combattants.

La disproportion des forces en présence devient sous la plume de l’auteur une métaphore saisissante de l’affrontement entre deux conceptions du monde. D’un côté, l’immense machine bureaucratique et militaire soviétique, avec ses divisions d’acier et sa logique implacable d’expansion territoriale ; de l’autre, une jeune démocratie nordique qui ne peut opposer que l’ingéniosité de ses soldats-citoyens et sa connaissance intime du terrain. Cette asymétrie dépasse le simple rapport de forces militaires pour révéler un choc civilisationnel entre l’individualisme nordique et le collectivisme soviétique. Norek exploite cette opposition avec finesse, évitant la caricature manichéenne pour montrer comment ces différences philosophiques se traduisent en tactiques militaires divergentes.

L’isolement diplomatique de la Finlande constitue l’un des ressorts dramatiques les plus puissants du récit, révélant la lâcheté des démocraties occidentales face à l’agression. L’auteur dépeint avec une ironie amère cette Europe qui condamne mollement l’invasion tout en refusant d’assumer ses responsabilités, préfigurant les compromissions à venir face au nazisme. Cette solitude tragique de la Finlande résonne avec une actualité troublante, évoquant d’autres conflits contemporains où les petites nations se retrouvent abandonnées par la communauté internationale. Norek transforme ainsi ce conflit historique en parabole intemporelle sur les rapports de force géopolitiques et l’hypocrisie des grandes puissances.

Le génie de l’auteur réside dans sa capacité à faire de cette guerre oubliée un révélateur des mécanismes profonds qui régissent les relations internationales. En montrant comment un conflit en apparence marginal peut bouleverser l’équilibre européen, Norek démontre que l’Histoire se joue souvent aux marges, dans ces zones grises que négligent les projecteurs médiatiques. Cette leçon géopolitique, distillée avec subtilité tout au long du récit, confère à l’œuvre une dimension pédagogique discrète mais efficace, enrichissant la compréhension du lecteur sans jamais peser sur la fluidité narrative.

L’écriture d’Olivier Norek : style et techniques narratives

La prose d’Olivier Norek révèle une maturité stylistique remarquable, caractérisée par une économie de moyens qui sert efficacement l’intensité dramatique du récit. L’auteur privilégie une écriture dépouillée, presque cinématographique, où chaque phrase porte et où les effets de style ne détournent jamais l’attention de l’action. Cette sobriété apparente masque en réalité une construction narrative sophistiquée, où les ellipses temporelles et les changements de perspective s’enchaînent avec une fluidité naturelle. Norek maîtrise l’art délicat du montage littéraire, passant d’une scène à l’autre sans rupture de rythme, créant un effet d’accélération qui épouse parfaitement la temporalité de la guerre. Cette approche technique révèle une influence certaine du langage audiovisuel, transposée avec intelligence dans l’univers romanesque.

Le traitement des dialogues constitue l’une des réussites les plus évidentes de l’œuvre, révélant l’oreille fine de l’auteur pour la langue parlée. Chaque personnage possède sa voix propre, reconnaissable par ses tics de langage, ses références culturelles et son registre d’expression. Cette différenciation vocale ne relève jamais de l’artifice gratuit mais sert toujours la caractérisation psychologique, permettant au lecteur de distinguer immédiatement les protagonistes même dans les scènes de groupe les plus complexes. L’auteur évite soigneusement l’écueil de l’exotisme linguistique, préférant suggérer l’origine finlandaise de ses personnages par quelques mots judicieusement choisis plutôt que par un pastiche artificiel. Cette retenue témoigne d’une conscience aiguë des limites de l’exercice de transposition culturelle.

La description des paysages arctiques révèle une autre facette du talent de Norek, capable de transformer l’hostilité de l’environnement en matière poétique sans jamais verser dans le lyrisme déplacé. L’auteur trouve le ton juste pour restituer la beauté terrible de l’hiver finlandais, cette splendeur mortifère qui fascine autant qu’elle terrifie. Ses évocations de la nature enneigée ne relèvent jamais de la pure esthétique mais participent toujours à la construction de l’atmosphère dramatique, créant un arrière-plan oppressant qui pèse constamment sur l’action. Cette utilisation dramaturgique du décor naturel témoigne d’une conception théâtrale de l’écriture romanesque, où chaque élément concourt à l’effet d’ensemble.

L’architecture narrative globale révèle enfin la maîtrise technique de l’auteur, capable d’orchestrer un récit polyphonique sans jamais perdre la cohérence d’ensemble. Norek démontre une compréhension intuitive des mécanismes du suspense, dosant savamment les révélations et les retardements pour maintenir l’attention du lecteur en éveil permanent. Cette habileté dans la conduite du récit, héritée sans doute de son expérience dans l’écriture de polars, trouve ici un terrain d’application particulièrement favorable. L’auteur parvient ainsi à conjuguer exigence littéraire et efficacité narrative, prouvant qu’il n’existe aucune incompatibilité fondamentale entre ambition artistique et accessibilité populaire.

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Une œuvre qui révèle l’Histoire par la fiction

« Les guerriers de l’hiver » illustre avec éclat la capacité de la fiction à révéler des vérités historiques que les manuels académiques peinent parfois à transmettre. Olivier Norek démontre que le roman historique, loin de constituer un simple divertissement érudit, peut devenir un véritable vecteur de connaissance et de mémoire collective. En donnant chair et sang à des événements trop souvent réduits à des statistiques, l’auteur transforme la Guerre d’Hiver en expérience humaine universelle, accessible à tous les lecteurs indépendamment de leurs connaissances préalables. Cette alchimie entre rigueur documentaire et liberté créatrice permet d’atteindre un public infiniment plus large que celui des ouvrages spécialisés, participant ainsi à la démocratisation du savoir historique.

L’approche de Norek révèle également les limites des récits officiels, en donnant voix aux anonymes de l’Histoire que les chroniques militaires négligent traditionnellement. Ses soldats-paysans, ses infirmières volontaires et ses civils pris dans la tourmente incarnent cette « petite histoire » qui compose la trame véritable des grands événements. Cette perspective « par le bas » enrichit considérablement notre compréhension du conflit, montrant comment les décisions stratégiques se répercutent dans l’existence quotidienne des individus ordinaires. L’auteur réussit ainsi à humaniser l’Histoire, la rendant tangible et émouvante sans pour autant trahir sa complexité intrinsèque.

La force du roman réside dans sa capacité à éclairer les mécanismes intemporels qui président aux conflits armés, transcendant le cadre spatio-temporel de la Guerre d’Hiver pour révéler des vérités universelles sur la nature humaine en situation extrême. Les dilemmes moraux auxquels sont confrontés les personnages de Norek résonnent avec une actualité troublante, évoquant d’autres conflits contemporains où se posent les mêmes questions fondamentales sur le courage, la loyauté et la survie. Cette dimension universelle transforme le récit historique en méditation philosophique sur la condition humaine, conférant à l’œuvre une portée qui dépasse largement son cadre narratif initial.

En ressuscitant un épisode oublié de l’Histoire européenne, Olivier Norek accomplit un acte de résistance contre l’amnésie collective qui menace nos sociétés contemporaines. Son roman fonctionne comme un révélateur, montrant combien notre vision du passé demeure parcellaire et combien il reste d’histoires à raconter, de leçons à tirer et de mémoires à honorer. Cette entreprise de réhabilitation mémorielle dépasse le simple exercice littéraire pour s’inscrire dans une démarche citoyenne, rappelant que la fiction peut être un outil puissant au service de la connaissance historique. L’auteur prouve ainsi que la littérature demeure un moyen privilégié de transmission du patrimoine collectif, capable de faire vivre le passé dans le présent et d’éclairer l’avenir par la compréhension des erreurs et des grandeurs d’hier.

Mots-clés : Guerre d’Hiver, Simo Häyhä, Finlande 1939, Roman historique, Récit choral,Conflit finno-soviétique, Mort Blanche


Extrait Première Page du livre

 » PROLOGUE PREMIER
La lumière pleut sur ses yeux fermés, sur son corps allongé au cœur arrêté.

Autour de lui, le dernier jour de la guerre jonche le sol de dépouilles par milliers, déposées à la surface de la neige rouge.

Il n’est personne parmi les autres. Ni plus précieux, ni plus important. Mais ailleurs, il pourrait être un père, un frère, un ami ou un mari. Ailleurs, il est tout.

Dans la mort, seuls leurs uniformes les distinguent. Ils étaient ennemis, ils sont désormais allongés côté à côte. Ici, leurs mains se touchent, là, leurs visages éteints se font face.

Voilà tout un hiver qu’ils s’entretuent.

Les cadavres des semaines passées sont enfouis à moitié dans le sol. Vestiges, on voit encore leur casque, parfois un peu de leur dos, on voit encore leurs bras en racines aériennes, comme s’ils poussaient de la terre même, prêts à revenir, se relever et hanter ceux qui ont décidé de cette guerre.

Ils gorgent le sol de leur sang, nourrissent les arbres de leur chair et se mélangent à leur sève. Ils seront dans chaque nouvelle feuille, dans chaque nouveau bourgeon.

Ils étaient plus d’un million, et lorsque demain et après le vent soufflera à travers les forêts de Finlande, c’est aussi leur voix qu’il portera.

Il y avait pourtant eu des jours heureux, une paix chérie.

Il y avait eu un avant, un peu avant l’enfer. « 


  • Titre : Les guerriers de l’hiver
  • Auteur : Olivier Norek
  • Éditeur : Éditions Michel Lafon
  • Nationalité : France
  • Date de sortie :2024

Résumé

« Je suis certain que nous avons réveillé leur satané Sisu.
– Je ne parle pas leur langue, camarade.
– Et je ne pourrais te traduire ce mot, car il n’a d’équivalent nulle part ailleurs. Le Sisu est l’âme de la Finlande. Il dit le courage, la force intérieure, la ténacité, la résistance, la détermination…
Une vie austère, dans un environnement hostile, a forgé leur mental d’un acier qui nous résiste aujourd’hui. »
Imaginez un pays minuscule.
Imaginez-en un autre, gigantesque.
Imaginez maintenant qu’ils s’affrontent.
Au cœur du plus mordant de ses hivers, au cœur de la guerre la plus meurtrière de son histoire, un peuple se dresse contre l’ennemi, et parmi ses soldats naît une légende.
La légende de Simo, la Mort Blanche.

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Je m’appelle Manuel et je suis passionné par les polars depuis une soixantaine d’années, une passion qui ne montre aucun signe d’essoufflement.


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