« Louve noire » : quand la mafia russe s’invite sur la Costa del Sol

Louve noire de Juan Gómez-Jurado

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L’univers de « Louve noire » : présentation du troisième volet de la trilogie Reine rouge

Dans l’univers noir et palpitant créé par Juan Gómez-Jurado, « Louve noire » déploie ses griffes acérées comme le troisième opus d’une trilogie qui a propulsé son auteur au firmament de la littérature policière internationale. Après « Reine rouge » et « Loba negra » (titre original espagnol du deuxième volet), cette nouvelle enquête s’inscrit dans un crescendo narratif où l’auteur madrilène orchestre avec virtuosité les aventures d’Antonia Scott et Jon Gutiérrez face à une menace inédite et redoutable.

L’intrigue s’enracine dans les suites directes des précédentes investigations, tout en propulsant le lecteur vers de nouveaux abîmes. La particularité de ce volet réside dans son atmosphère saturée de tension, où l’on retrouve avec délectation les personnages qui ont conquis des millions de lecteurs à travers le monde – une surdouée asociale et un flic basque homosexuel formant un duo aussi improbable qu’efficace.

Sous la plume agile de Gómez-Jurado, « Louve noire » multiplie les scènes haletantes, entre découvertes macabres au fond d’un conteneur portuaire et confrontations avec la mafia russe implantée sur la Costa del Sol. Le titre lui-même constitue une métaphore évocatrice qui se déploie tout au long du récit, incarnant cette mystérieuse femme, prédatrice redoutable, qui évolue dans les coulisses de l’intrigue avec une détermination glaciale.

Ce troisième opus abandonne les brumes madrilènes pour plonger le lecteur sous le soleil trompeur de Marbella, où derrière les façades étincelantes des villas de luxe se dissimulent des réseaux criminels internationaux d’une violence inouïe. Ce changement de décor permet à l’auteur d’élargir son univers et d’explorer des thématiques nouvelles, dont celle de la traite d’êtres humains, abordée avec une lucidité glaçante.

La force de « Louve noire » tient aussi à sa capacité à approfondir la psychologie complexe de ses protagonistes. Antonia Scott, brillante mais brisée, poursuit sa quête obsessionnelle tandis que Jon Gutiérrez affine sa dimension protectrice, permettant aux lecteurs de s’attacher davantage encore à ce tandem dont la complicité s’affirme au fil des pages, sans jamais tomber dans les clichés du genre.

Ce nouvel opus de la trilogie Reine rouge confirme le talent singulier de Gómez-Jurado pour tisser des intrigues à l’architecture complexe mais limpide. Sa prose électrique, tantôt brutale, tantôt imprégnée d’une ironie mordante, transporte le lecteur dans un tourbillon narratif qui démontre une fois encore pourquoi cet auteur figure désormais parmi les voix les plus captivantes du thriller moderne.

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Louve noire Juan Gómez-Jurado
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Juan Gómez-Jurado : un phénomène littéraire espagnol à la conquête du monde

Derrière « Louve noire » se dresse une figure incontournable du paysage littéraire contemporain : Juan Gómez-Jurado, cet ancien journaliste devenu romancier dont la trajectoire fulgurante fascine autant que ses intrigues. Né à Madrid en 1977, l’écrivain s’est imposé comme l’une des plumes les plus vendues d’Espagne, pulvérisant les records avec sa trilogie Reine rouge qui a dépassé les deux millions d’exemplaires dans son pays natal avant de conquérir une quarantaine de territoires à travers le monde.

Sa carrière, jalonnée de best-sellers internationaux comme « L’espion de Dieu » ou « Le patient », a pris une dimension stratosphérique avec les aventures d’Antonia Scott. L’intensité de son écriture, mêlant documentation rigoureuse et pur sens du spectacle narratif, lui a valu une fidélité rare de la part de ses lecteurs qui attendent chaque nouvelle parution avec une impatience frénétique, transformant chaque sortie en événement culturel majeur.

L’auteur madrilène se distingue par sa maîtrise du rythme et sa capacité à distiller tensions et révélations avec un sens aigu du timing. Ses recherches méticuleuses confèrent à ses romans une crédibilité saisissante, notamment dans « Louve noire » où il s’appuie sur une connaissance approfondie des réseaux mafieux russes implantés en Espagne, fruit d’un travail d’investigation presque journalistique comme il le souligne dans ses remerciements en fin d’ouvrage.

La singularité de Gómez-Jurado réside aussi dans son approche transmédiatique de la littérature. Son parcours dans l’univers radiophonique et podcasting enrichit son écriture d’une sensibilité particulière aux dialogues et aux ambiances sonores. Cette dimension multisensorielle transperce les pages de « Louve noire », où chaque scène semble chorégraphiée pour captiver tous les sens du lecteur, comme si l’auteur composait simultanément le scénario d’une série télévisée – adaptation d’ailleurs en cours de production pour ses précédents romans.

Sa popularité dépasse largement les frontières de la littérature de genre. Célébré par la critique pour sa capacité à transcender les codes du thriller, Gómez-Jurado représente cette nouvelle génération d’auteurs espagnols qui redéfinissent les contours du roman noir méditerranéen. Son succès spectaculaire témoigne d’un renouvellement profond de ce genre littéraire, longtemps dominé par les écoles scandinave et anglo-saxonne.

L’empreinte distinctive de cet écrivain madrilène imprègne chaque page de « Louve noire » avec une signature narrative immédiatement reconnaissable. Sa prose cinématographique, son sens du dialogue acéré et sa construction de personnages profondément humains malgré leurs capacités exceptionnelles font de ce roman bien plus qu’un simple divertissement : une expérience immersive qui confirme son statut d’architecte magistral des émotions fortes sur la scène internationale du thriller.

Antonia Scott et Jon Gutiérrez : un duo d’enquêteurs hors du commun

Au cœur de « Louve noire » bat le pouls d’un tandem d’enquêteurs devenu culte parmi les amateurs de thrillers. Antonia Scott, la femme la plus intelligente du monde, et Jon Gutiérrez, l’inspecteur basque au caractère bien trempé, poursuivent leur improbable collaboration dans ce troisième opus qui enrichit encore leur fascinante dynamique. Leur relation, faite de respect mutuel, d’agacement réciproque et d’une loyauté indéfectible, constitue le véritable cœur émotionnel du roman.

Antonia Scott incarne l’archétype du génie tourmenté revisité avec originalité. Cette femme au QI exceptionnel, capable de déchiffrer une scène de crime comme personne, reste profondément humaine dans ses failles. « Louve noire » nous dévoile davantage sa vulnérabilité face à ses démons intérieurs, ses tentatives maladroites pour renouer avec son fils, et sa dépendance aux gélules rouges qui lui permettent de maintenir ses capacités extraordinaires, non sans conséquences désastreuses sur sa santé mentale.

Jon Gutiérrez apparaît comme le contrepoint parfait à cette brillante asociale. Flic gay et basque à la carrure imposante mais au cœur tendre, il joue le rôle d’ancrage humain pour Antonia tout en apportant une dimension tragicomique essentielle au récit. Son sens de l’humour caustique, sa perspicacité et sa loyauté sans faille en font bien plus qu’un simple faire-valoir : un personnage complexe dont les dilemmes éthiques prennent une nouvelle ampleur face aux découvertes terrifiantes qui jalonnent leur enquête.

La force de ce binôme réside dans l’équilibre subtil orchestré par Gómez-Jurado entre leurs compétences complémentaires. Quand Antonia lit les indices invisibles au commun des mortels grâce à son intelligence hors norme, Jon apporte l’instinct du terrain et l’intelligence émotionnelle qui fait cruellement défaut à sa partenaire. Cette complémentarité se manifeste particulièrement dans les scènes du conteneur et de l’hôtel, où l’humanité de Jon vient pallier les moments de fragilité d’Antonia.

L’évolution de leur relation franchit un cap décisif dans « Louve noire », à mesure que les épreuves extrêmes qu’ils traversent renforcent leur interdépendance. Jon devient le gardien des secrets d’Antonia tout en découvrant progressivement le système de surveillance massif qu’elle utilise, tandis qu’elle s’ouvre davantage à lui, dans des moments de vulnérabilité inédits qui transforment leur alliance professionnelle en une forme d’amitié atypique mais profonde, sans jamais céder à la facilité d’une romance attendue.

La magie opérée par ce duo transcende les codes habituels du genre policier grâce à l’art consommé du dialogue dont fait preuve l’auteur espagnol. Chaque échange entre Antonia et Jon vibre d’une tension délicieuse où l’ironie côtoie la tendresse, où les non-dits pèsent aussi lourd que les révélations. Leur complicité grandissante face au danger constitue indéniablement l’un des piliers narratifs qui maintient le lecteur en haleine, bien au-delà des rebondissements de l’intrigue elle-même.

La toile de fond : la mafia russe sur la Costa del Sol

« Louve noire » déploie sa toile narrative sur le décor scintillant mais trompeur de la Costa del Sol, territoire espagnol devenu l’un des fiefs les plus actifs de la mafia russe en Europe. Juan Gómez-Jurado, avec la précision d’un entomologiste, disséque les mécanismes de cette pieuvre criminelle qui a étendu ses tentacules sur les plages ensoleillées de Marbella et Malaga. L’auteur s’appuie sur une documentation rigoureuse, mentionnée dans ses remerciements, notamment l’ouvrage journalistique « Palabra de Vor » de Cruz Morcillo et Pablo Muñoz.

À travers le personnage glaçant d’Aslan Orlov, le Fauve, Gómez-Jurado incarne cette criminalité organisée venue de l’Est avec ses codes, sa hiérarchie et ses méthodes brutales. Ce « vor v zakone » (voleur dans la loi) au sourire courtois et aux manières aristocratiques dissimule une violence primitive qui s’exprime par moments dans des scènes d’une brutalité saisissante. Sa présence majestueuse et menaçante plane sur tout le roman comme l’ombre d’un rapace sur sa proie.
Le talent du romancier madrilène se révèle dans sa capacité à exposer les rouages du blanchiment d’argent sans jamais tomber dans le piège de l’exposé didactique. Par touches successives, il dévoile les mécanismes sophistiqués des sociétés-écrans, des transactions internationales et des investissements immobiliers qui permettent à ces organisations criminelles de recycler leurs gains illicites dans l’économie légale espagnole.

La commissaire Romero, personnage secondaire mais crucial, incarne cette lutte quotidienne et inégale contre une criminalité aux ressources quasi illimitées. À travers elle, l’auteur rend hommage aux forces de l’ordre qui, avec des moyens dérisoires, tentent de contenir ce déferlement mafieux. Le dialogue entre Jon et Romero constitue l’un des passages les plus éclairants du roman, dépeignant une réalité sidérante où la police se contente parfois de « rester dehors » pour éviter de « voir ce qu’elle ne devrait pas voir ».

L’originalité de « Louve noire » réside également dans son exploration des différentes strates de cette criminalité organisée, depuis les exécuteurs aux mains calleuses jusqu’aux comptables à la mine grise comme le personnage pathétique de Ruben Ustyan. Cette diversité de profils criminels confère une profondeur sociologique au récit qui dépasse largement le cadre du simple divertissement, pour offrir une radiographie saisissante d’un phénomène criminel contemporain.

L’immersion dans cet univers mafieux prend une dimension particulièrement glaçante lorsque Gómez-Jurado décrit les réseaux de traite d’êtres humains. La découverte du conteneur rempli de femmes destinées à l’exploitation sexuelle constitue l’un des moments les plus poignants du récit, rappelant que derrière les façades étincelantes des complexes touristiques se dissimule une réalité brutale que l’auteur refuse d’édulcorer.

Entre thriller et roman noir : les influences cinématographiques

« Louve noire » se déploie comme une œuvre hybride où s’entremêlent avec virtuosité les codes du thriller psychologique et du roman noir le plus classique, tout en révélant une sensibilité cinématographique manifeste. Juan Gómez-Jurado orchestre son récit avec un sens aigu du cadrage et du montage, comme si chaque scène était filmée par une caméra invisible se faufilant entre les personnages. Cette dimension visuelle confère au texte une immédiateté saisissante qui frappe l’imagination du lecteur.

L’ombre tutélaire du « Troisième Homme » de Carol Reed, explicitement mentionnée par l’auteur dans ses remerciements, imprègne l’atmosphère de plusieurs passages clés du roman. Cette filiation avec le chef-d’œuvre du film noir se perçoit notamment dans le traitement des zones d’ombre morales où évoluent les protagonistes et dans la façon dont la lumière – ou son absence – devient un élément narratif à part entière. Les scènes nocturnes sur les quais du port de Malaga résonnent de cette influence expressionniste.

La construction des séquences d’action révèle également une dette envers le cinéma américain contemporain, notamment les œuvres de Michael Mann. Les poursuites, les filatures et les confrontations sont chorégraphiées avec une précision chirurgicale qui évoque le découpage technique d’un storyboard. Cette rythmique haletante est particulièrement sensible dans les passages impliquant la mystérieuse femme qui donne son titre au roman, dont les apparitions sont orchestrées avec un sens inné du suspense hitchcockien.

La représentation de la violence, crue mais jamais gratuite, puise ses références chez des cinéastes comme Martin Scorsese ou les frères Coen. Gómez-Jurado ne détourne pas le regard face à la brutalité inhérente au milieu criminel qu’il dépeint, mais la traite avec une économie de moyens qui en accentue l’impact. Certaines scènes, comme celle du conteneur ou de l’exécution dans la villa, sont d’autant plus glaçantes qu’elles évitent le piège de la surenchère, privilégiant la suggestion à l’exhibition.

L’utilisation du dialogue comme moteur narratif rappelle quant à elle le meilleur de Tarantino, notamment dans les échanges savoureux entre Jon et Antonia. Ces conversations, tantôt légères tantôt profondes, ne sont jamais gratuites et font systématiquement avancer l’intrigue tout en dessinant les contours psychologiques des personnages. L’humour noir qui ponctue ces échanges offre des respirations bienvenues dans la noirceur ambiante du récit.

L’empreinte du 7ème art se manifeste jusque dans la structure même du roman, avec ses chapitres courts qui agissent comme autant de plans-séquences. La technique narrative de Gómez-Jurado, alternant les points de vue et fragmentant la chronologie pour mieux tisser sa toile, évoque le montage parallèle cher à Christopher Nolan. Cette construction en mosaïque temporelle, où présent et passé s’entrecroisent, enrichit considérablement l’expérience de lecture en transformant ce thriller littéraire en véritable expérience sensorielle.

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Une construction narrative rythmée et haletante

La structure narrative de « Louve noire » révèle l’exceptionnel savoir-faire de Juan Gómez-Jurado, qui compose sa partition romanesque comme un chef d’orchestre maîtrisant parfaitement les variations de tempo. Le roman se découpe en chapitres courts – souvent moins de dix pages – introduits par des titres minimalistes et percutants qui fonctionnent comme autant de promesses de tension. Cette fragmentation rythmique crée une cadence soutenue qui happe le lecteur dès les premières pages et ne le relâche qu’à la toute dernière ligne.

L’auteur madrilène excelle particulièrement dans l’entrelacement des points de vue qui enrichissent considérablement la trame narrative. Les chapitres alternent les perspectives d’Antonia et Jon avec des incursions dans l’esprit de Lola Moreno, la femme en fuite, ou encore avec des fragments consacrés à la mystérieuse femme qui donne son titre au roman. Ce kaléidoscope narratif multiplie les angles d’approche tout en maintenant le cap d’une intrigue parfaitement maîtrisée.

L’un des tours de force de Gómez-Jurado réside dans sa gestion magistrale des ellipses et des flashbacks. Certains chapitres, comme ceux intitulés « Enregistrement » et datés de « Onze mois plus tôt », distillent avec parcimonie des éléments cruciaux de l’intrigue, constituant autant de pièces d’un puzzle que le lecteur reconstitue progressivement. Cette architecture temporelle complexe évite pourtant l’écueil de la confusion grâce à une clarté d’écriture exemplaire.

Le rythme cardiaque du récit s’articule également autour d’une alternance savamment calibrée entre scènes d’action haletantes et moments de respiration contemplative. Après une séquence intense comme celle du conteneur au port de Malaga, l’auteur ménage des pauses réflexives où les protagonistes reprennent leur souffle – et le lecteur avec eux – avant de plonger dans une nouvelle vague de tension. Cette dynamique de compression-décompression entretient un niveau d’adrénaline idéal tout au long des quelque 500 pages.

La progression dramatique s’appuie sur une technique d’intensification graduelle où chaque révélation en appelle une autre, chaque découverte soulève de nouvelles questions. Gómez-Jurado dose avec précision les informations délivrées au lecteur, jouant constamment sur le différentiel de savoir entre ce que nous connaissons et ce que savent les personnages. Ce déséquilibre savamment orchestré génère une forme d’addiction narrative qui transforme le simple acte de tourner la page en impérieuse nécessité.

L’architecture narrative déploie également une stratégie d’échos et de parallélismes qui enrichit considérablement l’expérience de lecture. Des motifs récurrents comme celui de la douleur physique, des cicatrices ou de l’enfant à protéger tissent une toile de correspondances subtiles entre les différentes strates du récit. Cette construction en réseau confère au thriller une profondeur thématique qui transcende les simples rebondissements de l’intrigue policière pour toucher à des résonances plus universelles.

Les thèmes forts : loyauté, trahison et vengeance

« Louve noire » tisse sa trame narrative autour de thématiques universelles que Juan Gómez-Jurado explore avec une profondeur remarquable. La loyauté constitue l’épine dorsale émotionnelle du récit, se manifestant sous diverses formes : celle, inconditionnelle, de Jon envers Antonia même dans ses moments les plus sombres ; celle, ambiguë, de Lola Moreno envers son défunt mari ; ou encore celle, toxique, des membres de la Bratva entre eux, symbolisée par la devise « un homme peut se lier d’amitié avec un loup » qui ouvre le roman.

En contrepoint, la trahison irrigue chaque ramification de l’intrigue comme un poison subtil. Elle se matérialise d’abord dans la figure de Yuri Voronin, dont la duplicité présumée justifie son exécution sanglante. Elle transparaît également dans les relations familiales complexes d’Antonia Scott, notamment avec son fils et son père. Cette thématique trouve son expression la plus glaçante dans les institutions censées protéger les citoyens mais qui parfois détournent le regard face aux exactions des puissants.

La vengeance, moteur implacable de l’action, propulse le récit dans une spirale de violence ritualisée. Aslan Orlov, le « vor v zakone », incarne cette justice primitive où toute déloyauté exige une punition exemplaire. La mystérieuse femme qui donne son titre au roman semble elle-même mue par une mission vengeresse aux contours délibérément flous. Gómez-Jurado explore les mécanismes psychologiques qui transforment le désir de justice en soif de sang.

Plus subtilement, l’auteur décortique la notion de responsabilité, tant individuelle que collective. Antonia lutte contre ses démons intérieurs et sa dépendance aux gélules rouges qui décuplent ses capacités intellectuelles. Jon se confronte aux implications éthiques du système de surveillance massive Heimdall. Quant à la commissaire Romero, elle incarne ce dilemme moral de fonctionnaires pris entre leur devoir et les moyens limités dont ils disposent face à la puissance écrasante de réseaux criminels transnationaux.

La douleur, tant physique que psychologique, imprègne chaque page comme un leitmotiv obsédant. Les cicatrices d’Antonia font écho aux souffrances corporelles de la mystérieuse femme au dos brisé, tandis que les tourments psychiques des survivantes du conteneur résonnent avec l’angoisse de Lola Moreno traquée par des assassins. Gómez-Jurado explore avec une précision clinique comment la douleur forge ou détruit les êtres humains, les transformant en victimes, en bourreaux ou parfois en les deux simultanément.

L’ensemble de ces thématiques s’entrecroise dans une tapisserie narrative d’une richesse exceptionnelle, transcendant les conventions du simple thriller pour atteindre une dimension presque tragique. La question de l’identité traverse toute l’œuvre comme un fil rouge – identité fractionnée d’Antonia, identité cachée de la Louve noire, identité truquée de Lola – transformant ce roman policier en une réflexion profonde sur ce qui constitue fondamentalement notre humanité face aux forces qui tentent de nous déshumaniser.

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« Louve noire » : un thriller international qui confirme le talent de Gómez-Jurado

Avec « Louve noire », Juan Gómez-Jurado affirme définitivement sa stature d’écrivain capable de transcender les frontières géographiques et littéraires. Ce troisième volet de la trilogie Reine rouge déploie une intrigue aux ramifications internationales qui fait exploser le cadre traditionnellement madrilène des précédents opus. La mafia russe, les réseaux de traite d’êtres humains, le blanchiment d’argent à l’échelle mondiale constituent la toile de fond d’un récit qui propulse le thriller espagnol au rang de littérature mondiale.

L’ambition de l’auteur se manifeste également dans le développement psychologique des personnages, qui gagnent en profondeur et en complexité. Au-delà de leurs capacités exceptionnelles, Antonia Scott et Jon Gutiérrez révèlent leurs failles, leurs doutes, leurs contradictions, dans un entrelacement subtil entre l’intime et le spectaculaire. Cette dimension humaine transforme un thriller de haute volée en une expérience émotionnelle intense où les lecteurs se retrouvent investis émotionnellement dans le destin des protagonistes.

La réussite technique de « Louve noire » s’illustre particulièrement dans la maîtrise des changements de rythme et de tonalité. Gómez-Jurado orchestre avec virtuosité l’alternance entre moments de tension extrême et pauses contemplatives, entre violence brute et tendresse inattendue. Cette palette émotionnelle étendue enrichit considérablement l’expérience de lecture, dépassant les limites parfois restrictives du genre policier pour toucher à une universalité qui explique son succès international.

L’impressionnante documentation qui sous-tend le récit mérite d’être soulignée tant elle confère au roman une crédibilité saisissante. L’auteur s’est manifestement immergé dans l’étude des réseaux mafieux implantés sur la Costa del Sol, comme il le mentionne dans ses remerciements, citant notamment l’enquête journalistique « Palabra de Vor ». Cette authenticité des détails criminologiques rappelle que Gómez-Jurado fut d’abord journaliste avant de devenir romancier, et cette double expertise nourrit chaque page de son thriller.

La dimension éthique qui irrigue « Louve noire » révèle un écrivain conscient des enjeux contemporains. Loin de se contenter d’un divertissement haletant, l’auteur interroge les zones grises de nos sociétés hyperconnectées, notamment à travers le système de surveillance Heimdall qui constitue l’un des ressorts narratifs majeurs du roman. Cette réflexion sur le prix de la sécurité et les dérives potentielles des technologies de surveillance résonne avec une acuité particulière dans notre monde post-Snowden.

La consécration de Juan Gómez-Jurado comme figure incontournable du thriller contemporain se confirme à chaque nouvelle phrase de « Louve noire ». Sa capacité à marier avec brio la profondeur psychologique, l’ambition sociologique et l’efficacité narrative fait de ce roman bien plus qu’un simple polar : une œuvre qui marque durablement l’imagination et qui laisse présager d’autres sommets littéraires pour cet auteur désormais incontournable sur la scène internationale du thriller.

Mots-clés : Thriller, Espagne, Mafia russe, Antonia Scott, Costa del Sol, Trafic humain, Enquête criminelle


Extrait Première Page du livre

 » Un abîme
Antonia Scott n’a jamais été confrontée à une décision aussi difficile.

Le dilemme face auquel elle se trouve semblerait insignifiant à la plupart des gens.

Mais pas à Antonia. On pourrait dire que son esprit est capable de se projeter à de nombreux degrés dans l’avenir, mais la tête d’Antonia n’est pas une boule de cristal. On pourrait dire qu’elle est capable de visualiser devant elle des dizaines d’unités d’informations simultanément, cependant le cerveau d’Antonia ne fonctionne pas comme dans ces films où l’on voit un tas de lettres défiler sur le visage du héros pendant qu’il réfléchit.

L’esprit d’Antonia s’apparenterait plutôt à une jungle, une jungle grouillant de singes, qui bondissent à toute allure de liane en liane en transportant des choses. Énormément de singes portant énormément de choses, qui se croisent dans les airs en montrant les crocs.

Aujourd’hui, les singes transportent des choses terribles, et Antonia éprouve de la peur.

C’est une sensation à laquelle elle n’est vraiment pas habituée. Après tout, Antonia s’est retrouvée dans des situations telles que :

une course-poursuite en hors-bord dans le détroit de Gibraltar ;

une prise d’otages dans un tunnel bourré d’explosifs, avec une forcenée braquant son arme sur la tête d’un prisonnier particulièrement précieux ;

l’affaire de Valence.

Dans le détroit, c’est sa ruse qui l’a sauvée (elle a laissé les autres bateaux se percuter), et dans le tunnel, ce sont ses connaissances (en matière ornithologique et linguistique). Pour ce qui est de Valence, on ignore comment elle (seule) a pu sortir vivante de cette boucherie. Elle s’est toujours refusée à le raconter. Mais le fait est qu’elle s’en est tirée. Et qu’elle n’a pas eu peur. « 


  • Titre : Louve noire
  • Titre original : Loba Negra
  • Auteur : Juan Gómez-Jurado
  • Éditeur : Fleuve Éditions
  • Traduction : Judith Vernant
  • Nationalité : Espagne
  • Date de sortie en France : 2023
  • Date de sortie en Espagne : 2019

Page Officielle : juangomezjurado.com

Résumé

Antonia Scott n’a peur de rien, sauf d’elle-même.
Antonia Scott est la pièce maîtresse du projet Reine rouge, créé pour résoudre les crimes les plus retors. Un soir, elle et Jon Gutiérrez, un flic à l’instinct aiguisé, sont sollicités sur une affaire urgente : la disparition de Lola Moreno, la femme de Yuri Voronin, trésorier d’un clan mafieux qui opère dans la zone de Malaga. Cette dernière s’est évaporée dans la nature juste après que quelqu’un a tenté de la tuer dans un centre commercial et que son mari a été brutalement assassiné dans leur villa. Mais les deux agents ne sont pas les seuls à vouloir la retrouver.
En effet, celle qui répond au nom de Louve noire, une dangereuse tueuse à gages à la solde de la mafia russe, est également sur ses traces. Des paysages ensoleillés de l’Andalousie aux décors enneigés de la Sierra, Antonia Scott, toujours en proie à ses démons, devra affronter cette terrible rivale…

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Je m’appelle Manuel et je suis passionné par les polars depuis une soixantaine d’années, une passion qui ne montre aucun signe d’essoufflement.


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