Découvrez les secrets du Baztan avec « Le Gardien invisible » de Dolores Redondo

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Le Gardien invisible de Dolores Redondo

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Une vallée, des meurtres, des secrets : Plongée dans l’univers captivant de Dolores Redondo

Publié en 2013, « Le Gardien invisible » est le premier roman de Dolores Redondo, auteure espagnole née en 1969 dans la ville de Donostia-San Sebastián, au Pays basque. Avant de se consacrer à l’écriture, Dolores Redondo a étudié le droit et la restauration et a travaillé dans divers domaines. C’est en 2009 qu’elle décide de se lancer dans l’écriture après avoir suivi un atelier d’écriture créative.

« Le Gardien invisible » marque le début d’une trilogie baptisée « La Trilogie de Baztan », du nom de la vallée où se déroule l’action. Ce roman policier nous plonge au cœur du Pays basque espagnol, dans un univers où se mêlent crimes sordides, traditions ancestrales et légendes locales. Dès sa sortie, le livre rencontre un vif succès en Espagne et est récompensé par plusieurs prix littéraires prestigieux, dont le Prix Planeta en 2016.

L’héroïne du roman est Amaia Salazar, une inspectrice de la police judiciaire originaire de la vallée de Baztan. Alors qu’elle mène une vie paisible à Pampelune avec son mari, artiste américain, elle est rappelée dans sa vallée natale pour enquêter sur une série de meurtres qui frappent de jeunes adolescentes. Amaia va devoir replonger dans son passé et affronter ses démons intérieurs pour tenter de démasquer le tueur qui sévit dans cette région reculée.

Au fil des pages, Dolores Redondo nous entraîne dans une intrigue haletante où les pistes se brouillent et où les suspects se multiplient. Mais au-delà de l’enquête criminelle, l’auteure nous offre une plongée fascinante dans l’univers du Pays basque, avec ses paysages envoûtants, ses traditions séculaires et ses croyances ancestrales qui imprègnent chaque recoin de la vallée de Baztan.

Véritable phénomène éditorial en Espagne, « Le Gardien invisible » a été traduit dans plus de 30 langues et adapté au cinéma en 2017 par le réalisateur Fernando González Molina. Ce premier opus d’une trilogie devenue culte a propulsé Dolores Redondo sur le devant de la scène littéraire internationale et a imposé son héroïne, Amaia Salazar, comme l’une des figures marquantes du polar espagnol contemporain. Une saga incontournable pour tous les amateurs de roman policier en quête de dépaysement.

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Le cadre : la vallée de Baztan, entre réalisme et mystère

L’un des éléments clés qui font l’originalité et la force du roman « Le Gardien invisible » est sans conteste son cadre : la vallée de Baztan, située au cœur du Pays basque espagnol, dans la communauté forale de Navarre. Cette région montagneuse, à la frontière avec la France, se caractérise par ses paysages verdoyants, ses forêts denses et mystérieuses, ses rivières tumultueuses et ses petits villages pittoresques.

Dolores Redondo, qui connaît parfaitement cette région pour y avoir passé une partie de son enfance, nous offre une description minutieuse et vivante de la vallée de Baztan. Au fil des pages, le lecteur est transporté dans cet univers à la fois réaliste et envoûtant, où la nature omniprésente semble receler de nombreux secrets. L’auteure excelle dans l’art de créer une atmosphère singulière, où se mêlent la beauté des paysages et une forme d’inquiétude diffuse.

Car au-delà de son aspect réaliste, la vallée de Baztan apparaît aussi comme un lieu chargé de mystères et de légendes. Dolores Redondo s’appuie sur le riche folklore local pour nourrir son intrigue et donner une dimension supplémentaire à son récit. Elle convoque les mythes et les croyances populaires de la région, comme la figure du basajaun, un être légendaire mi-homme mi-animal qui hanterait les forêts, ou encore les sorcières qui peuplent l’imaginaire collectif depuis des siècles.

Cette présence du surnaturel et du merveilleux, savamment distillée tout au long du roman, contribue à créer une ambiance à la fois fascinante et oppressante. Le lecteur, à l’image de l’héroïne Amaia Salazar, se trouve plongé dans un univers où la frontière entre le réel et l’irréel semble parfois se brouiller, où les certitudes vacillent face à l’inexplicable.

Mais la vallée de Baztan n’est pas seulement un décor de carte postale ou un réservoir de légendes. C’est aussi un territoire marqué par son histoire, ses traditions et sa culture singulière. À travers son roman, Dolores Redondo rend hommage à cette région qui lui est chère, en mettant en lumière ses particularités linguistiques (avec la présence de la langue basque), ses coutumes ancestrales et son art de vivre. Elle brosse le portrait d’une communauté fière de ses racines et de son identité, mais qui doit aussi composer avec les défis de la modernité et les bouleversements sociaux.

Ainsi, la vallée de Baztan apparaît comme un personnage à part entière du roman, un territoire fascinant et complexe qui se dévoile peu à peu au fil des pages. Bien plus qu’un simple décor, elle joue un rôle essentiel dans l’intrigue et contribue à donner à « Le Gardien invisible » sa saveur si particulière, entre réalisme et mystère, entre tradition et modernité. Une invitation au voyage et au dépaysement, qui fait de ce polar bien plus qu’un simple récit criminel.

Amaia Salazar, une héroïne complexe et attachante

Au cœur du roman « Le Gardien invisible » se trouve un personnage central, qui a largement contribué au succès de la trilogie de Dolores Redondo : l’inspectrice Amaia Salazar. Cette héroïne complexe et attachante, à la fois forte et vulnérable, est l’un des atouts majeurs du livre.

Amaia Salazar est une jeune inspectrice de la police judiciaire, originaire de la vallée de Baztan. Brillante et déterminée, elle a quitté sa région natale pour s’installer à Pampelune avec son mari, un artiste américain. Mais lorsqu’une série de meurtres frappe la vallée, Amaia est rappelée sur les lieux de son enfance pour mener l’enquête. Un retour aux sources qui va la confronter à son passé et à ses démons intérieurs.

Car Amaia est un personnage en proie à de nombreuses blessures et contradictions. Marquée par une enfance difficile et une relation conflictuelle avec sa mère, elle porte en elle des fêlures qui ne demandent qu’à resurgir. Au fil de l’intrigue, le lecteur découvre une femme à la fois solide et fragile, qui doit composer avec ses doutes, ses peurs et ses traumatismes enfouis.

Mais c’est aussi une enquêtrice hors pair, dotée d’une intuition remarquable et d’une ténacité à toute épreuve. Formée aux techniques d’investigation les plus pointues, notamment au profilage criminel lors d’un stage au FBI, Amaia se révèle être un adversaire redoutable pour le tueur qui sévit dans la vallée. Son obstination et sa détermination à faire éclater la vérité, même si elle doit pour cela affronter ses propres démons, forcent l’admiration.

Au-delà de ses qualités professionnelles, Amaia Salazar est aussi une femme d’une grande humanité, profondément attachée à sa terre et à ses racines. Son lien viscéral avec la vallée de Baztan, dont elle connaît les moindres recoins, les légendes et les secrets, donne une dimension supplémentaire à son personnage. Elle incarne cette âme basque, fière et mystérieuse, ancrée dans ses traditions mais ouverte sur le monde.

Mais Amaia est aussi une femme moderne, indépendante et volontaire, qui doit sans cesse faire face aux préjugés et au machisme qui règnent encore dans le monde policier. Sa ténacité et son intelligence lui permettent de s’imposer dans cet univers très masculin, non sans difficultés. Une facette du personnage qui résonne avec le combat de nombreuses femmes dans la société d’aujourd’hui.

Ainsi, Amaia Salazar apparaît comme une héroïne à la fois singulière et universelle, qui suscite immédiatement l’empathie et l’admiration du lecteur. Par la justesse et la finesse de son portrait psychologique, Dolores Redondo a créé un personnage inoubliable, qui donne chair et âme à son intrigue policière. Une figure féminine forte et inspirante, qui a contribué à renouveler le genre du polar espagnol et à lui donner ses lettres de noblesse.

Une intrigue policière prenante mêlant crimes sordides et légendes anciennes

« Le Gardien invisible » nous plonge au cœur d’une intrigue policière haletante, qui mêle avec brio les codes du thriller classique et des éléments plus inattendus, puisés dans les légendes et le folklore basques. Dès les premières pages, le lecteur est happé par un crime aussi sordide qu’intrigant : le corps d’une adolescente est retrouvé sur les rives de la rivière Baztan, dans une mise en scène macabre qui semble tout droit sortie d’un conte cruel.

Au fil des chapitres, l’enquête menée par Amaia Salazar va révéler que ce meurtre n’est que le premier d’une série de crimes qui frappent de jeunes filles de la région. Des assassinats sanglants, qui semblent obéir à un rituel mystérieux et font resurgir des légendes obscures, comme celle du basajaun, ce seigneur de la forêt mi-homme mi-bête qui hanterait les montagnes de Navarre.

Dolores Redondo excelle dans l’art du suspense, distillant les indices et les fausses pistes au compte-gouttes, pour mieux tenir le lecteur en haleine jusqu’à la révélation finale. Elle alterne avec maestria les scènes d’enquête pure, où l’on suit pas à pas le cheminement d’Amaia et de son équipe, et des passages plus contemplatifs ou oniriques, qui viennent enrichir le récit et lui donner une dimension presque surnaturelle.

Car toute la force de l’intrigue réside dans cette subtile alchimie entre le réel et le fantastique, entre l’enquête rationnelle et l’irruption du merveilleux. Au cœur de la vallée de Baztan, les croyances anciennes et les superstitions semblent encore vivaces, et viennent sans cesse interférer avec l’investigation. Amaia elle-même, pourtant formée aux techniques les plus modernes de la criminologie, se trouve parfois ébranlée dans ses certitudes par des événements inexplicables.

Cette ambivalence permanente, savamment entretenue par l’auteure, donne à l’intrigue une profondeur et une originalité rares dans le genre policier. Le lecteur, à l’image de l’héroïne, se trouve pris dans un tourbillon de questions et de doutes, où la frontière entre le réel et l’imaginaire se trouble peu à peu. Une expérience de lecture fascinante, qui tient autant de l’enquête criminelle que du conte fantastique.

Mais au-delà de son atmosphère envoûtante, « Le Gardien invisible » est aussi un polar parfaitement maîtrisé, qui respecte les codes et les ressorts du genre. Les amateurs de thrillers seront comblés par les nombreux rebondissements qui émaillent le récit, par la complexité de l’énigme à résoudre et par le final à couper le souffle qui vient clore ce premier volet de la trilogie.

En tissant une intrigue aussi prenante qu’originale, où les crimes sordides côtoient les légendes anciennes dans un savant mélange de genres, Dolores Redondo signe un polar d’une richesse et d’une singularité rares. Un page-turner intelligent et captivant, qui ne ressemble à aucun autre et prouve que le polar espagnol a trouvé, avec cette auteure, une nouvelle plume de premier plan.

Les personnages secondaires : une galerie de portraits réussie

Si Amaia Salazar est sans conteste le personnage central du « Gardien invisible », elle n’en est pas moins entourée d’une galerie de personnages secondaires aussi variés qu’attachants, qui contribuent grandement à la richesse et à la profondeur du roman. Dolores Redondo a su créer un véritable microcosme autour de son héroïne, peuplé de figures complexes et nuancées, qui donne vie et chair à son intrigue.

On pense bien sûr à James, le mari américain d’Amaia, un artiste sculpteur qui lui apporte un soutien indéfectible tout au long de l’enquête, malgré leurs différences culturelles et les épreuves qu’ils traversent. Leur relation, tendre et complice, est l’un des points forts du roman, apportant une touche de douceur et d’humanité dans un récit souvent sombre et violent.

Mais c’est surtout dans la peinture des personnages liés à la vallée de Baztan que Dolores Redondo excelle. Elle nous offre une véritable plongée au cœur de cette communauté basque, avec ses figures marquantes, ses conflits familiaux et ses secrets enfouis. On y croise notamment les sœurs d’Amaia, Ros et Flora, deux femmes aussi différentes que complémentaires, qui entretiennent avec l’héroïne des relations complexes et ambivalentes, mêlées d’amour et de ressentiment.

Autre figure marquante : la tante Engrasi, véritable incarnation de la sagesse populaire et des traditions basques. Guérisseuse et un peu sorcière, elle est celle qui connaît les secrets de la vallée et qui guide Amaia dans sa quête de vérité. Un personnage fort et mystérieux, qui apporte une dimension presque mythique au récit.

Du côté de l’enquête policière, on retrouve également des figures secondaires mémorables, comme Jonan Etxaide, le jeune adjoint d’Amaia, aussi brillant qu’investi dans son travail. Ou encore le Dr San Martín, médecin légiste haut en couleur, qui apporte une touche d’humour bienvenue dans les scènes souvent sordides de l’investigation.

Mais la réussite de Dolores Redondo est d’avoir su donner de l’épaisseur et de la nuance même aux personnages les plus ambigus ou les plus troubles. Qu’il s’agisse des suspects potentiels ou des témoins plus ou moins fiables, chacun a droit à un traitement subtil et sans manichéisme, qui rend l’intrigue d’autant plus captivante et la résolution de l’énigme plus incertaine.

On pourrait citer bien d’autres figures marquantes, comme le père Sarasola, prêtre énigmatique et tourmenté, ou encore Víctor, l’ex-mari de Flora, qui apporte une touche de tendresse et de fragilité dans cet univers souvent brutal. Chaque personnage, même le plus secondaire, semble avoir été ciselé avec soin par l’auteure, doté d’une véritable histoire et d’une psychologie propre.

Cette galerie de portraits, aussi riche que variée, est l’une des grandes forces du « Gardien invisible ». En donnant vie à une communauté basque à la fois authentique et singulière, Dolores Redondo ancre son intrigue dans un univers humain d’une grande densité. Une mosaïque de destins et de personnalités qui fait de ce polar bien plus qu’une simple énigme à résoudre : une véritable plongée dans l’âme d’un territoire et de ses habitants, avec leurs grandeurs et leurs failles, leurs secrets et leurs blessures. Un tableau vivant et captivant, qui ne quitte pas le lecteur longtemps après avoir refermé le livre.

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L’omniprésence de la mythologie et du folklore basques

L’un des aspects les plus fascinants du « Gardien invisible » est la place prépondérante qu’y occupe la mythologie basque. Bien plus qu’un simple élément de décor ou de folklore, les légendes et les croyances ancestrales de la région imprègnent tout le roman, jusqu’à devenir un véritable fil rouge de l’intrigue.

Dès le titre, Dolores Redondo convoque l’une des figures les plus emblématiques de l’imaginaire basque : le basajaun, ce « seigneur de la forêt » mi-homme mi-bête, qui hanterait les montagnes de Navarre. Une créature mystérieuse et ambivalente, à la fois protectrice et menaçante, qui va peu à peu s’imposer comme une clé de l’énigme au cœur du récit.

Mais le basajaun n’est pas la seule figure mythologique à faire son apparition dans le roman. Au fil des pages, on croise également les lamiak, ces femmes-serpents qui peupleraient les rivières, les sorginas, sorcières redoutées et respectées, ou encore les iratxoak, lutins farceurs et parfois malfaisants. Tout un bestiaire fabuleux, qui vient sans cesse se mêler à l’enquête d’Amaia Salazar, jusqu’à en devenir un élément central.

Car loin d’être de simples superstitions d’un autre âge, ces créatures légendaires semblent encore très présentes dans la vallée de Baztan. Les habitants, même les plus éduqués et les plus rationnels, ne peuvent s’empêcher de les évoquer, de leur prêter une influence sur le cours des événements. Et Amaia elle-même, pourtant formatée aux techniques les plus modernes d’investigation, se trouve peu à peu happée par cet univers mystérieux et envoûtant.

À travers son héroïne, Dolores Redondo nous invite à une véritable plongée dans les traditions et les croyances basques les plus anciennes. Elle convoque les rituels et les pratiques occultes qui ont marqué l’histoire de la région, comme les procès en sorcellerie qui ont eu lieu au XVIIe siècle, ou les offrandes faites aux divinités païennes pour s’attirer leurs faveurs. Une manière de rappeler que le Pays basque a toujours été une terre de syncrétisme, où les cultes anciens ont longtemps cohabité avec la religion chrétienne.

Mais au-delà de leur dimension historique et culturelle, les éléments de mythologie basque jouent un rôle essentiel dans la construction de l’intrigue et de l’atmosphère si singulière du roman. Ils contribuent à brouiller les frontières entre le réel et le surnaturel, à instiller un doute permanent dans l’esprit du lecteur comme dans celui des personnages. Et si les crimes qui frappent la vallée avaient une dimension mystique, voire magique ? Si le tueur était lié d’une manière ou d’une autre à ces forces obscures qui semblent encore régner sur la région ?

Cette ambiguïté est savamment entretenue par Dolores Redondo tout au long du récit, qui ne cesse d’entremêler les explications rationnelles et les interprétations plus irrationnelles des événements. Une ambivalence qui fait toute la richesse et l’originalité de ce polar atypique, en forme d’exploration des tréfonds de l’âme basque.

L’omniprésence de la mythologie et du folklore confère ainsi au « Gardien invisible » une aura ésotérique et mystérieuse, qui le distingue de la plupart des romans policiers. En puisant aux sources les plus anciennes et les plus fascinantes de l’imaginaire basque, Dolores Redondo signe bien plus qu’un simple thriller : une œuvre envoûtante et singulière, à la lisière du réel et du fantastique, qui nous entraîne au cœur des légendes et des secrets d’une région à nul autre pareille.

Une écriture efficace au service du suspense

Si « Le Gardien invisible » est un roman aussi captivant et immersif, c’est aussi grâce à la qualité de l’écriture de Dolores Redondo. L’auteure fait preuve d’une maîtrise remarquable de son style, qu’elle met tout entier au service de son intrigue et de son atmosphère si particulière.

Dès les premières pages, on est frappé par l’efficacité de la narration, qui nous plonge sans temps mort au cœur de l’action. Les chapitres courts, les dialogues ciselés et les descriptions précises permettent une immersion rapide dans l’univers du roman, tout en maintenant un rythme soutenu propice au suspense.

Car c’est bien le suspense qui est le moteur principal de l’écriture de Dolores Redondo. Chaque chapitre se termine par une révélation, une question ou un rebondissement qui relance l’intrigue et pousse le lecteur à tourner les pages. L’auteure excelle dans l’art du cliffhanger, ces fins de chapitre ouvertes qui créent un effet d’attente et d’impatience, proches de l’addiction.

Mais le talent de Dolores Redondo ne se limite pas à ces ficelles narratives efficaces. Son écriture se distingue aussi par sa capacité à créer des atmosphères, à rendre palpables les décors et les ambiances. Ses descriptions de la vallée de Baztan, de ses paysages brumeux et de ses forêts mystérieuses, sont d’une grande force évocatrice, faisant naître des images saisissantes dans l’esprit du lecteur.

Cette attention portée aux lieux et aux sensations est l’une des grandes réussites du roman. Dolores Redondo parvient à nous faire ressentir physiquement la moiteur de l’air, la fraîcheur des rivières, les odeurs de la terre après la pluie. Une écriture sensorielle et organique, qui contribue grandement à l’immersion dans cet univers si singulier.

L’auteure fait également preuve d’une grande finesse psychologique dans la construction de ses personnages. Les dialogues, souvent vifs et percutants, permettent de camper des figures complexes et nuancées, loin de tout manichéisme. Chaque protagoniste a droit à une épaisseur, une histoire, des failles et des zones d’ombre qui les rendent profondément humains et attachants.

Autre atout de l’écriture de Dolores Redondo : sa capacité à intégrer avec fluidité les éléments de mythologie et de folklore basques dans le fil de sa narration. Loin d’être de simples fioritures, les références aux légendes et aux croyances locales s’insèrent naturellement dans le récit, jusqu’à en devenir des clés de compréhension essentielles. Un art du syncrétisme et du mélange des genres, qui fait la singularité et la richesse de ce roman.

Mais ce qui frappe peut-être le plus dans l’écriture du « Gardien invisible », c’est son évolution au fur et à mesure du récit. À l’image de son héroïne, la narration se fait de plus en plus trouble et incertaine, à mesure que l’enquête se complexifie et que les frontières entre le réel et le surnaturel se brouillent. Les derniers chapitres, fiévreux et hallucinés, traduisent avec brio la plongée d’Amaia Salazar dans les ténèbres de son passé et de la vallée de Baztan.

Cette écriture protéiforme et maîtrisée, qui épouse les méandres de l’intrigue et de la psyché des personnages, est l’une des grandes forces du roman. Fluide sans jamais être simple, complexe sans être obscure, la prose de Dolores Redondo entraîne le lecteur avec un mélange rare d’efficacité et de profondeur. Au service d’une intrigue haletante et d’une atmosphère envoûtante, elle fait du « Gardien invisible » un exemple éclatant de polar littéraire, aussi captivant qu’exigeant.

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Les thèmes du roman : le poids du passé, les secrets de famille…

Au-delà de l’intrigue policière pure, « Le Gardien invisible » est un roman d’une grande richesse thématique. Dolores Redondo y aborde des sujets universels et profonds, qui donnent à son récit une résonance qui dépasse largement le cadre du simple thriller.

L’un des thèmes centraux du livre est sans conteste le poids du passé et de l’héritage familial. À travers le personnage d’Amaia Salazar, l’auteure explore avec finesse la manière dont les blessures de l’enfance peuvent influencer toute une vie, façonner une personnalité et une destinée. Au fil de l’enquête, l’inspectrice est confrontée aux fantômes de son passé, aux secrets et aux non-dits qui ont marqué son histoire familiale. Un passé qui ressurgit et la rattrape, la forçant à affronter ses démons intérieurs pour pouvoir avancer.

Cette thématique du poids de l’héritage est également présente à l’échelle de la communauté basque tout entière. Dolores Redondo montre comment les croyances et les traditions anciennes continuent de peser sur le présent, d’influencer les comportements et les mentalités. La vallée de Baztan apparaît comme un territoire hanté par son passé, par les légendes et les mythes qui ont forgé son identité au fil des siècles. Un héritage à la fois riche et lourd, qui peut être source de fierté mais aussi d’enfermement.

Autre thème majeur du roman : la question des secrets de famille et de la transmission. À travers les relations complexes entre Amaia et ses sœurs, mais aussi entre les différents membres de la communauté, Dolores Redondo explore la manière dont les non-dits et les silences peuvent ronger les liens, créer des malentendus et des souffrances. Elle montre comment les secrets, même enfouis, finissent toujours par resurgir, par demander à être révélés pour permettre une forme de libération, de guérison.

Cette question de la transmission est également abordée sous l’angle de l’héritage culturel et identitaire. Comment transmettre les traditions, les croyances, les valeurs qui fondent une communauté, sans pour autant enfermer les nouvelles générations dans un carcan ? Comment concilier respect du passé et ouverture sur la modernité ? Autant de questions qui traversent en filigrane tout le roman, et qui trouvent un écho dans le parcours d’Amaia, partagée entre ses racines basques et sa vie à Pampelune.

On pourrait également citer la thématique de l’émancipation féminine, incarnée par le personnage d’Amaia Salazar. En choisissant pour héroïne une inspectrice de police, évoluant dans un univers très majoritairement masculin, Dolores Redondo interroge la place des femmes dans la société contemporaine. Elle montre les difficultés auxquelles elles sont confrontées, les préjugés qu’elles doivent surmonter pour s’imposer dans un monde d’hommes. Mais elle en fait aussi des figures de courage et de ténacité, capables de se battre pour leurs convictions et leur vérité.

Enfin, on ne saurait passer sous silence la thématique environnementale, qui affleure tout au long du roman. À travers ses descriptions minutieuses de la nature basque, de ses forêts et de ses rivières, Dolores Redondo pose en filigrane la question du rapport de l’homme à son environnement. Elle montre la beauté mais aussi la fragilité de ces écosystèmes, menacés par les activités humaines et l’urbanisation croissante. Une manière de rappeler l’importance de préserver ce patrimoine naturel exceptionnel.

Par la richesse et la profondeur de ses thèmes, « Le Gardien invisible » s’impose comme bien plus qu’un simple polar. C’est un roman total, qui interroge avec finesse et subtilité notre rapport au passé, à l’héritage, à la nature et à l’identité. Une œuvre qui, par son ancrage dans la culture basque, parvient paradoxalement à toucher à l’universel, à explorer les grands questionnements qui traversent toute existence humaine.

Le Gardien invisible, premier volet d’une trilogie à succès

« Le Gardien invisible » n’est que le premier volet d’une trilogie qui a connu un immense succès en Espagne et à l’international. Intitulée « La Trilogie de Baztan », en référence à la vallée où se déroule l’action, cette série de romans a propulsé Dolores Redondo au rang des auteurs de polar les plus lus et les plus primés de sa génération.

Après « Le Gardien invisible », paru en 2013, Dolores Redondo a publié « De chair et d’os » en 2014, puis « Une offrande à la tempête » en 2015. Dans ces deux suites, on retrouve l’inspectrice Amaia Salazar, toujours aux prises avec des crimes sanglants et des énigmes qui la ramènent à son passé et aux légendes de sa terre natale. L’auteure y creuse encore davantage la psychologie de son héroïne, la confrontant à de nouveaux défis personnels et professionnels.

Au fil des trois romans, Dolores Redondo construit une fresque policière et humaine d’une rare intensité, qui tient le lecteur en haleine jusqu’à la dernière page. Elle y confirme son talent pour créer des atmosphères envoûtantes, mêler le réel et le surnaturel, et explorer les tréfonds de l’âme humaine. Une véritable plongée dans les ténèbres, qui n’est pas sans rappeler l’univers d’un Stieg Larsson ou d’un Henning Mankell.

Le succès de la trilogie a largement dépassé les frontières de l’Espagne. Traduite dans plus de 35 langues, vendue à plusieurs millions d’exemplaires dans le monde, elle a fait de Dolores Redondo une figure incontournable du polar international. Une consécration pour cette auteure qui a commencé à écrire sur le tard, et qui a vu sa vie basculer avec le succès phénoménal de ses romans.

Cette reconnaissance critique et publique s’est également traduite par de nombreux prix littéraires. « Le Gardien invisible » a notamment remporté le Prix du Roman Policier du Festival de Cognac en 2015, et le Prix Plume de Cristal du Festival Toulouse Polars du Sud en 2016. Un doublé rare pour un roman étranger, qui témoigne de l’enthousiasme suscité par l’œuvre de Dolores Redondo en France et dans le monde.

Fort de ce succès, la trilogie de Baztan a également connu une adaptation au cinéma, avec trois films réalisés par Fernando González Molina entre 2017 et 2020. Une transposition ambitieuse et fidèle, qui a contribué à élargir encore davantage le public de Dolores Redondo, et à faire connaître la culture et les paysages fascinants du Pays basque à travers le monde.

Mais le phénomène « Baztan » ne s’est pas arrêté là. Le succès de la trilogie a également eu un impact significatif sur le tourisme dans la région. De nombreux lecteurs ont voulu découvrir par eux-mêmes les lieux qui ont inspiré Dolores Redondo, marcher dans les pas d’Amaia Salazar et s’imprégner de l’atmosphère si singulière de la vallée. Un « tourisme littéraire » qui a contribué à faire connaître et à valoriser le patrimoine naturel et culturel du Baztan.

Avec cette trilogie devenue culte, Dolores Redondo a réussi un pari audacieux : celui de renouveler le genre du polar en l’ancrant dans un territoire et une culture spécifiques, tout en abordant des thèmes universels qui touchent à l’intime et à l’humain. Un mélange unique d’intrigue policière, de mystère, de légendes et d’émotion, qui a su séduire des millions de lecteurs à travers le monde. Et faire de cette auteure basque une des grandes voix du polar contemporain, dont l’œuvre n’a pas fini de nous surprendre et de nous envoûter.

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Les raisons du succès du roman, une œuvre marquante dans le polar espagnol contemporain

Au terme de cette analyse, il apparaît clairement que « Le Gardien invisible » est bien plus qu’un simple polar à succès. C’est une œuvre marquante et singulière, qui a su trouver un écho auprès d’un très large public par la richesse de son intrigue, la profondeur de ses personnages et l’originalité de son univers.

Le premier élément qui explique le succès du roman est sans nul doute la qualité de son intrigue policière. Dolores Redondo réussit le tour de force de nous tenir en haleine de la première à la dernière page, en multipliant les fausses pistes et les rebondissements. Mais loin de se contenter d’une mécanique bien huilée, elle parvient à donner à son récit une véritable épaisseur, en l’ancrant dans un territoire et une culture fascinants.

C’est là la deuxième grande force du roman : son immersion dans l’univers du Pays basque, et plus particulièrement de la vallée de Baztan. Dolores Redondo ne se contente pas de planter un décor, elle fait de cette région un véritable personnage du roman, avec ses paysages envoûtants, ses traditions ancestrales et ses légendes obscures. Une plongée dans un territoire à part, qui donne au polar une dimension presque ethnographique.

Mais si « Le Gardien invisible » touche autant les lecteurs, c’est aussi par la justesse et la complexité de ses personnages. Au premier rang desquels son héroïne, Amaia Salazar, qui s’impose comme une des figures les plus marquantes du polar espagnol contemporain. Par sa force et sa fragilité, son intelligence et ses doutes, elle incarne à merveille les contradictions de l’être humain face à l’adversité. Une héroïne qui ne laisse personne indifférent, et qui porte le roman de bout en bout.

Il faut également souligner la qualité de l’écriture de Dolores Redondo, qui parvient à créer une atmosphère unique, entre réalisme et onirisme. Par son attention aux détails, sa précision dans les descriptions et sa capacité à susciter des émotions, elle donne à son récit une puissance d’évocation rare. Une écriture au service de l’intrigue, mais qui parvient aussi à toucher au plus profond de l’âme humaine.

Enfin, on ne peut évoquer le succès du « Gardien invisible » sans mentionner la dimension universelle des thèmes qu’il aborde. Au-delà de l’ancrage basque, le roman parle à chacun de nous par sa manière de traiter des questions du poids du passé, des secrets de famille, de l’identité et de la quête de soi. Des thématiques intemporelles, qui trouvent un écho dans nos propres expériences et nos interrogations.

C’est par cette alchimie unique entre intrigue policière, exploration d’un territoire, profondeur des personnages et réflexion sur la condition humaine que « Le Gardien invisible » a réussi à s’imposer comme une œuvre phare du polar espagnol contemporain. Un roman qui a ouvert la voie à une nouvelle génération d’auteurs, désireux de renouveler le genre en l’ancrant dans des univers forts et singuliers.

Avec ce premier volet d’une trilogie déjà culte, Dolores Redondo a réussi un pari audacieux : celui de créer un polar littéraire, exigeant et accessible à la fois, capable de séduire un très large public sans rien sacrifier de sa complexité et de sa profondeur. Une réussite qui en dit long sur le talent de cette auteure, et sur sa capacité à toucher à l’universel par le biais du particulier.

Œuvre marquante et incontournable, « Le Gardien invisible » s’inscrit ainsi dans la lignée des grands romans policiers qui ont su dépasser les frontières de leur genre pour devenir de véritables phénomènes littéraires. Un must absolu pour tous les amateurs de polars en quête de nouveaux horizons, et pour tous les lecteurs curieux de découvrir un univers romanesque à nul autre pareil, au cœur des ténèbres et des mystères du Pays basque.

Mots-clés : Polar, Pays Basque, Mythologie, Serial killer, Amaia Salazar


Extrait Première Page du livre

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Ainhoa Elizasu fut la deuxième victime de celui que la presse n’avait pas encore surnommé le basajaun1. Cela vint un peu plus tard, au moment où le bruit courut qu’on avait retrouvé à proximité des cadavres des poils d’animaux, des lambeaux de peau et des empreintes qui n’étaient peut-être pas humaines, le tout accompagné d’une sorte de cérémonie funèbre de purification. Une force maligne, tellurique et ancestrale semblait avoir marqué les corps de ces jeunes filles – presque encore des enfants – aux vêtements déchirés, à la toison pubienne rasée et aux mains disposées dans une attitude virginale.

Quand on l’appelait au petit matin pour se rendre sur une scène de crime, l’inspectrice Amaia Salazar observait toujours le même rituel : elle éteignait le réveil pour ne pas déranger James, entassait ses vêtements et son téléphone et descendait très lentement l’escalier jusqu’à la cuisine. Elle s’habillait, buvait un café au lait et laissait un mot à son mari avant de monter en voiture, absorbée par des pensées vides, un bruit blanc qui lui occupait toujours l’esprit quand elle se levait avant l’aube et que les restes d’une veille inachevée l’accompagnaient, même si elle avait plus d’une heure de trajet entre Pampelune et la scène de crime où une victime attendait. Elle prit un virage trop serré et le crissement des pneus la rappela à la réalité ; elle s’obligea alors à se concentrer sur la route sinueuse qui montait en s’enfonçant dans les épaisses forêts aux abords d’Elizondo. Cinq minutes plus tard, elle s’arrêta près d’une balise et reconnut le coupé sportif du Dr Jorge San Martín et le tout-terrain de la juge Estébanez. Elle descendit de voiture et se dirigea vers la partie arrière du véhicule, d’où elle sortit des bottes en caoutchouc qu’elle chaussa en s’appuyant contre le coffre pendant que le sous-inspecteur Jonan Etxaide et l’inspecteur Montes s’approchaient.

– Ça s’annonce mal, chef, on a une gamine, fit Jonan en consultant ses notes. Douze ou treize ans. Les parents ont déclaré que leur fille n’était pas rentrée à la maison à vingt-trois heures.

– Un peu tôt pour signaler une disparition, fit Amaia.

– Oui. Apparemment elle a téléphoné à son frère aîné vers vingt heures dix pour lui dire qu’elle avait raté le bus d’Arizkun.

– Et il ne s’est pas bougé avant vingt-trois heures ? « 


  • Titre : Le Gardien invisible
  • Titre original : El guardián invisible
  • Auteur : Dolores Redondo
  • Éditeur : Stock
  • Nationalité : Espagne
  • Date de sortie : 2013

Je m’appelle Manuel et je suis passionné par les polars depuis une soixantaine d’années, une passion qui ne montre aucun signe d’essoufflement.


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