Un détective, une galaxie, mille références : voyage au cœur d’une œuvre singulière

Sur Andromède, on en boit au petit-déjeuner Lionel Cosson

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Un détective dans l’espace

Freddie Van Halen débarque sur Andromède avec ses cheveux noirs, son imperméable froissé et une gueule de bois cosmique qui lui colle à la peau comme une seconde nature. Lionel Cosson plante d’emblée son héros dans la tradition du détective privé désabusé, mais l’habille d’un décor futuriste qui transforme radicalement les codes du genre. Ce n’est plus dans les rues brumeuses de San Francisco ou les ruelles pavées de Paris que notre enquêteur traîne ses guêtres, mais sur une planète lointaine où les espèces humanoïdes se côtoient dans une babel intergalactique. L’auteur opère ici une greffe audacieuse : il transplante l’ADN du polar français dans l’univers infini de la science-fiction.

Le personnage de Van Halen porte en lui toutes les contradictions du héros noir moderne. Cynique mais capable de tendresse, violent mais poète à ses heures, il navigue entre les bas-fonds de Hajurörta avec la nonchalance feinte de celui qui a tout vu, tout vécu. Cosson lui forge une identité complexe, marquée par un passé mystérieux qui affleure par bribes, comme des cicatrices qui refusent de se refermer. Ce détective interstellaire n’est pas un super-héros de l’espace mais un homme abîmé qui cherche encore sa place dans un univers qui l’a malmené.

L’originalité du propos réside dans cette capacité à faire cohabiter l’intime et l’épique, le quotidien sordide et l’extraordinaire cosmique. Van Halen boit du synthowhisky, fume des cigarettes de Ganymède et drague des andromédiennes, mais ses préoccupations restent fondamentalement humaines : la solitude, la quête de sens, la recherche de l’amour. L’auteur évite ainsi l’écueil du dépaysement gratuit pour ancrer son récit dans une vérité émotionnelle qui transcende les frontières de l’espace et du temps.

Cette alchimie entre familier et exotique confère au roman sa force particulière. Cosson ne se contente pas de plaquer des décors futuristes sur une intrigue policière classique ; il repense entièrement les enjeux du genre en les projetant dans un cadre où les questions d’identité, de corruption et de pouvoir prennent une dimension nouvelle. Le détective de l’espace devient alors le miroir de nos propres interrogations terrestres, magnifiées par l’immensité de la galaxie.

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Hajurörta, miroir d’une société corrompue

Hajurörta surgit des pages comme une pustule métallique sur la face d’Andromède, une cité industrielle où l’architecture brutaliste épouse parfaitement la brutalité de ses habitants. Cosson dessine les contours de cette ville avec la précision d’un entomologiste observant une fourmilière malade. Chaque rue puante, chaque building déformé par la cupidité, chaque quartier gangrené par le vice compose une fresque urbaine d’une noirceur saisissante. L’auteur transforme cette métropole alien en laboratoire social où s’épanouissent toutes les pathologies du pouvoir et de l’argent.

La géographie de Hajurörta épouse celle de la corruption : en haut, les tours dorées des Meremia qui dominent la canaille ; en bas, les ruelles sombres où prospèrent proxénètes et trafiquants. Cette verticalité sociale trouve son incarnation dans l’opposition entre les appartements fastueux d’Ibilissa Meremia et les taudis où végètent les laissés-pour-compte de cette société intergalactique. Cosson manie cette symbolique spatiale avec habileté, sans jamais tomber dans la lourdeur démonstrative. La ville devient personnage à part entière, respirant au rythme de ses trafics et expirant la puanteur de ses combines.

L’empire Meremia illustre parfaitement cette mécanique de la déchéance programmée. Le patriarche a bâti sa fortune sur l’exploitation minière avant de perdre le contrôle de sa création, transformant Hajurörta en terrain de jeu pour une pègre cosmopolite. Cette chute n’a rien de soudain : elle découle d’une logique implacable où l’avidité engendre la violence, où le mépris des faibles nourrit la révolte des opprimés. L’auteur évite le manichéisme en montrant comment chaque acteur de ce drame urbain porte sa part de responsabilité dans la déliquescence générale.

Dans cette Babylone spatiale, les différentes espèces humanoïdes cohabitent sans jamais vraiment se mélanger, reproduisant à l’échelle galactique les ségrégations terrestres les plus tenaces. Andromédiennes exploitées, Squalandres mercenaires, Draconiens arrivistes : chaque communauté occupe sa niche dans l’écosystème criminel de Hajurörta. Cette diversité biologique masque mal l’uniformité des rapports de domination, suggérant que la corruption transcende les barrières d’espèces pour révéler une nature humanoïde universellement vénale.

Entre polar et science-fiction

Lionel Cosson opère une synthèse audacieuse entre deux genres littéraires que tout semble opposer. Là où la science-fiction explore traditionnellement les possibles technologiques et sociétaux, le polar noir scrute les bas-fonds de l’âme humaine avec une loupe impitoyable. L’auteur parvient à réconcilier ces deux approches en conservant la mécanique narrative du roman noir – enquête, corruption, femme fatale – tout en l’enrichissant d’un imaginaire futuriste qui démultiplie les enjeux. Le résultat évite l’écueil du pastiche pour créer quelque chose de neuf, une hybridation qui fonctionne par l’authenticité de son ton.

L’intrigue suit scrupuleusement les règles du polar classique : un meurtre, des suspects multiples, des pistes qui s’entrecroisent et se contredisent. Mais l’arsenal technologique futuriste – cérébrophones, taxidroïdes, armes à laser – transforme ces éléments familiers en objets narratifs inédits. Un simple coup de téléphone devient communication intergalactique, une filature se complique de technologies d’occultation, une fusillade met en jeu des armes aux noms exotiques. Cette transposition ne relève jamais du gadget : chaque innovation technologique sert l’intrigue et enrichit l’univers sans jamais l’alourdir.

La galerie de personnages illustre parfaitement cette alchimie générique. Dażawaça Sadaza incarne la femme fatale intemporelle, mais sa peau noire d’Algolienne et son intelligence redoutable en font bien plus qu’un archétype recyclé. Kuur Kag, le caïd reptilien, possède la prestance inquiétante des grands méchants du noir, sublimée par son exotisme draconien. Cosson joue habilement sur nos références pour mieux nous surprendre, créant des personnages qui nous semblent familiers avant de révéler leur singularité.

Cette approche permet à l’auteur d’explorer des thématiques universelles – la corruption du pouvoir, la violence urbaine, la quête d’identité – dans un cadre renouvelé qui leur donne une résonance particulière. Le futur imaginé par Cosson n’est pas celui des utopies technologiques mais celui d’une humanité élargie aux dimensions de la galaxie, avec ses grandeurs et ses misères démultipliées. En mariant polar et science-fiction, il crée un miroir déformant de notre époque, suffisamment distancié pour permettre le recul critique, assez proche pour maintenir l’émotion.

Gouaille parisienne et néologismes cosmiques

L’argot français irrigue chaque page du roman comme une sève vivifiante, transformant le récit en véritable partition linguistique. Cosson puise dans le vocabulaire des Audiard et des Simonin pour habiller ses dialogues d’une truculence qui transcende les siècles et l’espace intersidéral. Van Halen ne « tue » pas ses ennemis, il les « refroidit » ; il ne boit pas d’alcool mais « s’en jette un derrière la cravate » ; ses adversaires ne sont pas des criminels mais des « salopards » et des « enflures ». Cette verve populaire ancre paradoxalement l’action futuriste dans une tradition française bien reconnaissable, créant un effet de familiarité décalée particulièrement savoureux.

L’inventivité lexicale de l’auteur ne se limite pas à recycler l’héritage de l’argot parisien. Il forge un vocabulaire hybride où se mélangent néologismes futuristes et expressions temporellement marquées. Les « cosmocrédits » côtoient les « biftons », les « oculordinateurs » dialoguent avec les « châsses », créant un idiome unique qui sonne juste malgré son caractère composite. Cette langue imaginaire possède sa logique interne : elle évoque un futur où la gouaille française aurait survécu aux voyages interstellaires, conservant sa saveur populaire tout en s’enrichissant de termes nouveaux.

Les descriptions bénéficient de cette même inventivité verbale, transformant chaque passage narratif en festival d’images colorées. Hajurörta devient « un glaviot sur la face d’Andromède », les yeux de Tavuşa se muent en « lacs turquoise », tandis que les cheveux de Van Halen prennent l’apparence de « plumes de corbac ». Cette profusion métaphorique pourrait paraître excessive, mais elle s’accorde parfaitement au ton décalé du récit, participant de son charme pittoresque. L’auteur manie l’hyperbole avec un plaisir communicatif qui entraîne le lecteur dans sa ronde verbale.

Cette richesse stylistique transforme la lecture en exploration permanente, chaque phrase réservant ses surprises lexicales. Cosson évite néanmoins l’hermétisme en dosant habilement ses innovations : l’argot traditionnel sert de fil conducteur familier tandis que les créations futuristes pimentent l’ensemble sans le rendre indigeste. Le résultat forge une identité narrative unique, où la langue devient véritablement un personnage à part entière, aussi caractérisé et attachant que Van Halen lui-même.

Galerie de portraits intergalactiques

Cosson peuple son univers d’une faune humanoïde bigarrée où chaque personnage porte sa singularité comme une seconde peau. Tavuşa Töpölöş incarne cette réussite dans l’art du portrait : secrétaire andromédienne à la beauté nacrée, elle transcende le simple rôle de faire-valoir romantique pour devenir une figure complexe, tiraillée entre innocence et détermination. Sa peau bleue et ses cheveux de lave ne sont pas de simples artifices exotiques mais traduisent visuellement sa nature profonde, mélange de douceur océanique et de passion volcanique. L’auteur évite le piège de l’orientalisme spatial en dotant ce personnage d’une psychologie fouillée qui dépasse largement sa fonction narrative.

Dażawaça Sadaza représente l’aboutissement de cette galerie de portraits, femme fatale algolienne dont la noirceur épidermique reflète la complexité morale. Prostituée de luxe aux ambitions démesurées, elle manipule les hommes avec la maestria d’une virtuose, mais Cosson lui accorde suffisamment de profondeur pour qu’elle échappe au stéréotype de la vénale sans âme. Son passé d’archéologue déchue, ses connaissances artistiques, sa vulnérabilité masquée composent un personnage en clair-obscur dont les motivations restent troubles jusqu’au bout. Cette ambiguïté constitue l’une des forces du roman : les personnages conservent leur mystère même quand leurs actions se dévoilent.

La pègre cosmopolite de Hajurörta offre un kaléidoscope de figures hautes en couleur, du squalandre mercenaire au draconien mélomane. Kuur Kag, le caïd reptilien, manie l’élégance vestimentaire comme une arme de séduction massive, transformant sa laideur native en charisme inquiétant. Ses acolytes – l’alligator musicien Aak Ongaak, le poulpanthrope Pwez Muuaj – forment une cour des miracles intergalactique où chaque espèce apporte sa spécificité comportementale. Cette diversité biologique sert de révélateur aux caractères humains universels : ambition, loyauté, cruauté traversent les barrières d’espèces.

L’art du portraitiste de Cosson réside dans sa capacité à doser l’étrange et le familier, créant des êtres hybrides qui nous parlent malgré leur exotisme. Chaque personnage porte sa part d’humanité reconnaissable sous les oripeaux de l’altérité spatiale. Cette galerie ne vaut pas seulement par sa richesse inventive mais par la justesse psychologique qui anime chaque figure, transformant un bestiaire de science-fiction en authentique comédie humaine aux dimensions cosmiques.

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L’héritage du noir français

Les fantômes d’Albert Simonin et de Michel Audiard hantent les pages de Cosson avec une présence spectrale qui confère au récit sa couleur si particulière. L’auteur assume pleinement cette filiation en plaçant en exergue une citation d’Hubert-Félix Thiéfaine qui résonne comme un manifeste esthétique : l’ambition de « balancer à la Série Noire un truc à faire chialer Hammett ». Cette référence croisée entre la tradition française du polar et le maître américain du genre révèle la double ambition du projet : honorer l’héritage hexagonal tout en le confrontant aux codes universels du roman noir. Cosson ne se contente pas de singer ses modèles mais cherche à les prolonger dans un territoire narratif inédit.

La mécanique de l’intrigue emprunte directement à Dashiell Hammett sa structure labyrinthique où chaque révélation en cache une autre, où la vérité se dérobe constamment sous les apparences trompeuses. Comme dans « La Moisson Rouge » explicitement cité, les alliances se font et se défont au gré des intérêts, les personnages changent de camp sans prévenir, et le héros navigue dans un maelström de duplicité généralisée. Cette complexité narrative, marque de fabrique du noir américain, trouve ici une nouvelle jeunesse grâce au cadre science-fictionnel qui démultiplie les possibilités de retournements et de coups de théâtre.

L’esprit frondeur du polar français irrigue chaque dialogue, chaque description, transformant Van Halen en héritier spirituel des marlous de Pigalle transposés dans l’espace. Cette gouaille ne relève pas du simple effet de style mais traduit une vision du monde désabusée, teintée d’un humour grinçant qui permet de supporter l’insupportable. Quand Van Halen distribue ses bons mots au milieu de la violence et de la corruption, il perpétue une tradition française de l’insolence face au pouvoir, cette capacité à rire de tout, surtout du pire.

Cette synthèse entre héritage français et codes internationaux du genre permet à Cosson de créer quelque chose d’authentiquement personnel. Il ne pastiche pas mais réinvente, transportant dans les étoiles un art de vivre et de parler typiquement hexagonal. Le résultat évoque ces greffes réussies où l’organe transplanté s’épanouit dans son nouveau corps, enrichissant l’ensemble de ses particularités génétiques. Le noir français trouve ainsi une seconde vie dans l’espace, prouvant sa capacité d’adaptation et sa vitalité créatrice.

Poésie et violence urbaine

La rencontre de Van Halen avec la jeune prostituée Neşrina cristallise l’une des réussites les plus touchantes du roman : la capacité de Cosson à faire jaillir la beauté du cœur même de l’abjection. Dans cette scène bouleversante, le détective désabusé se mue en passeur de culture, offrant à cette enfant des rues un sonnet de Yaçmaka Güzül comme d’autres donneraient l’aumône. L’effet produit transcende le simple geste charitable : c’est toute une vision du monde qui s’exprime, celle d’un homme convaincu que la poésie peut sauver les âmes perdues. Cette séquence évite le piège du sentimentalisme grâce à la justesse du ton et à la sincérité de l’émotion qui s’en dégage.

L’omniprésence de la littérature dans l’univers de Van Halen révèle la dimension profondément humaniste du projet de Cosson. Le détective porte en lui toute une bibliothèque mentale qui nourrit sa vision du monde et colore ses relations humaines. Quand il compose un sonnet pour Tavuşa, quand il évoque Dante ou la Bible, il transforme ses références culturelles en armes de résistance face à la barbarie ambiante. Cette érudition ne relève jamais de la pédanterie mais témoigne d’une foi inébranlable dans le pouvoir rédempteur de l’art et de la littérature.

La violence qui imprègne Hajurörta trouve dans cette dimension poétique un contrepoint saisissant qui enrichit la portée du récit. Cosson ne se contente pas de décrire la brutalité urbaine avec complaisance mais la confronte constamment à la beauté, créant un dialogue permanent entre lumière et ténèbres. Cette dialectique s’incarne parfaitement dans le personnage de Van Halen, capable de descendre un ennemi d’une balle bien placée avant de réciter des vers à sa bien-aimée. Cette dualité n’a rien de contradictoire : elle révèle la complexité d’un homme qui refuse de laisser l’environnement hostile altérer sa capacité d’émerveillement.

L’insertion de poèmes dans la trame narrative constitue un pari audacieux qui témoigne de l’ambition littéraire de l’auteur. Ces intermèdes lyriques ponctuent le récit comme autant de respirations dans l’action, offrant des moments de grâce au milieu du chaos. Loin de ralentir le rythme, ils l’enrichissent d’une dimension supplémentaire, transformant un simple polar en méditation sur le rôle de l’art dans un monde déshumanisé. Cette alchimie entre prose et poésie, entre action et contemplation, confère au roman une singularité qui le distingue nettement de ses modèles du genre.

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Une œuvre singulière dans le paysage littéraire

« Sur Andromède, on en boit au petit-déjeuner » occupe une position unique dans le panorama contemporain, défrichant un territoire narratif que peu d’auteurs osent explorer. Cosson réussit le tour de force de marier trois univers apparemment incompatibles – le polar français, la science-fiction et la poésie – sans que cette synthèse paraisse artificielle ou forcée. Cette hybridation générique s’impose avec une évidence qui masque la difficulté de l’exercice, témoignant d’une maîtrise technique certaine et d’une vision artistique cohérente. Le résultat échappe aux catégorisations habituelles pour créer quelque chose de véritablement inédit.

L’originalité du projet réside moins dans ses composantes individuelles que dans leur alchimie particulière. D’autres auteurs ont déjà tenté de transposer le polar dans l’espace, d’autres ont mêlé argot et anticipation, mais rares sont ceux qui parviennent à créer un ensemble aussi organique. Cosson évite l’écueil du pastiche en insufflant à son récit une personnalité propre qui transcende ses influences. Van Halen ne ressemble à aucun autre détective de l’espace, Hajurörta ne copie aucune autre cité futuriste, et la langue forgée par l’auteur possède sa musique particulière qui ne doit rien au hasard.

Cette singularité s’accompagne néanmoins de quelques aspérités qui révèlent les ambitions parfois excessives du projet. La richesse lexicale, si séduisante soit-elle, frôle occasionnellement la surcharge, et certaines envolées métaphoriques peuvent sembler quelque peu appuyées. L’intrigue, malgré sa complexité savamment orchestrée, emprunte parfois des chemins convenus qui contrastent avec l’inventivité générale du propos. Ces réserves mineures n’entament cependant pas la réussite d’ensemble d’une œuvre qui assume pleinement ses parti-pris esthétiques.

Le roman de Cosson témoigne d’une vitalité créatrice qui tranche avec la morosité ambiante de bien des productions contemporaines. Il rappelle que la littérature de genre peut porter des ambitions littéraires élevées sans renier sa vocation première de divertissement. Cette leçon d’équilibre entre exigence artistique et plaisir de lecture mérite d’être saluée, car elle ouvre des perspectives fécondes pour l’avenir du roman français. En créant un univers aussi riche que celui d’Andromède, Lionel Cosson prouve qu’il reste encore des terres inexplorées dans le vaste continent de la fiction.

Mots-clés : Polar spatial, Science-fiction française, Argot futuriste, Détective interstellaire, Hybridation générique, Corruption intergalactique, Néo-noir


Extrait Première Page du livre

 » À-Peu-

Préface/Nitroduction

Je matai ma cibiche. Les volutes blanches et épaisses qui s’en échappaient avaient l’air presque plus réel que les doigts qui la tenaient. J’avais l’impression de devenir cinglé. La faute à quoi ? Aux dernières aventures que j’avais vécues. Elles m’avaient donné une nouvelle mauvaise habitude : celle de douter de tout et de tous. Même de mézigue. Surtout de mézigue.

Pourtant, je me trouvais pas dans un endroit qui incitait à l’introspection ou aux ruminations métaphysiques. Au Rövaskava’Kavöravin, que j’étais. Un estanco infâme et enfumé situé dans un quartier coupe-gorge et tire-lazingue d’Evaï’Mavissavaan, un des plus gros bleds de Meleph.

Rövaskava’Kavöravin… « La Poubelle Joyeuse » dans leur langue de sauvages. En tout cas, c’était ce que m’avait dit mon traducteur universel. Et puis, j’allais pas me fatiguer à apprendre le méléphien, hein… Fallait reconnaître que c’était bien trouvé. On pouvait pas faire plus descriptif. Qu’est-ce que ça schlinguait et qu’est-ce que ça piaillait là-dedans ! Un truc à vous fissurer les esgourdes et à vous rendre chèvre. Et puis, y avait tout ce qu’il fallait pas pour le remplir : des frangines polychromes et pas polies, des gigolpinces à tentacules et à pédoncules, des pégreleux de toutes provenances et pas très portés sur la diplomatie, plus toute la sainte cohorte du vice et de la dépravation. Ça en faisait du monde ! Le patron

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savait plus où donner de ses deux têtes et de ses six bras. Heureusement pour cézigue, il avait quatre loufiats mauves, mastards et quadrumanes, pour l’aider dans sa tâche, mais surtout pour foutre dehors à grands coups de pied au derche les plus récalcitrants et les plus imbibés.

Je dirigeai mes châsses vers une des rares belles choses dans tout ce merdier visuel et sonore : une petite serveuse aussi gironde que timide avec un minois couleur banquise. Elle avait deux bras, deux jambes et une seule tête. Ça me changeait agréablement. C’était pas une méléphienne mais une bétacygnienne. Qu’est-ce qu’elle était venue foutre dans ce trou perdu et oublié des dieux ? Ça, j’en savais foutre rien. « 


  • Titre : Sur Andromède, on en boit au petit-déjeuner
  • Auteur : Lionel Cosson
  • Éditeur : Auto-édition
  • Nationalité : France
  • Date de sortie : 2023

Résumé

Il est dans le rouge, il broie du noir, et cette planète remplie de bleus va lui en faire voir de toutes les couleurs…
Originaire de Terre 2, Freddie Van Halen est un détective néo-français avec un passé plus lourd qu’une enclume balancée depuis la stratosphère et qui est animé par deux passions contradictoires : casser des bouches et faire des sonnets. Quant à son âme fissurée, il la colmate à grands coups de sarcasmes, de cosmogauloises et de synthowhisky.
Sa situation financière précaire l’amène sur Hajurörta, une ville industrieuse et industrielle qui est selon ses habitants « comme un glaviot sur la face d’Andromède ». Il a été engagé par un gros bonnet doublé d’un fouille-merde : Ölöma Meremia. Manque de bol, le zigue se fait dessouder avant qu’il ait pu le rencontrer. Furax de voir son gagne-pain rejoindre ses pères et lui filer entre les doigts, Freddie Van Halen décide d’enquêter pour savoir qui a refroidi son client. C’est le début des emmerdes pour le détective interstellaire.


Je m’appelle Manuel et je suis passionné par les polars depuis une soixantaine d’années, une passion qui ne montre aucun signe d’essoufflement.


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Lionel Cosson
Lionel Cosson
22 jours il y a

Merci infiniment, Monsieur @le.monde.du.polar pour cet article long, large, et qui ne va jamais de travers pour parler de mon « Sur Andromède, on en boit au petit-déjeuner ».
Quel massage pour mon ego, pourtant déjà bien portant. 😁
Quel baume pour mes doutes d’auteur à vif ! 🙃
Quel bonheur d’avoir été compris et apprécié ! 😊