Maternité, paysages islandais et secrets de famille : plongée dans « Les Filles qui mentent »

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Les filles qui mentent de Eva Björg Ægisdóttir

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Eva Björg Ægisdóttir : portrait d’une jeune auteure islandaise prometteuse

Eva Björg Ægisdóttir est une jeune auteure islandaise qui s’est fait remarquer dès son premier roman, « Les filles qui mentent ». Née en 1988 à Akranes, une petite ville située au nord-ouest de Reykjavik, elle a grandi dans un environnement propice à l’écriture. Passionnée de littérature depuis son plus jeune âge, elle a toujours su qu’elle voulait devenir écrivain.

Après des études de sciences politiques à l’université d’Islande, Eva Björg Ægisdóttir a travaillé pendant plusieurs années dans le domaine du marketing. Cependant, son désir d’écrire ne l’a jamais quittée. C’est ainsi qu’elle a décidé de se consacrer pleinement à l’écriture et a commencé à travailler sur son premier roman, « Les filles qui mentent ».

Le talent d’Eva Björg Ægisdóttir a rapidement été reconnu par la critique islandaise. Son premier roman a remporté le Prix du meilleur roman policier islandais en 2020, une distinction prestigieuse qui a propulsé la jeune auteure sur le devant de la scène littéraire. Elle a également été finaliste du Prix Clé de Verre, qui récompense le meilleur roman nordique de l’année.

Le succès de « Les filles qui mentent » a ouvert de nombreuses portes à Eva Björg Ægisdóttir. Son roman a été traduit dans plusieurs langues, dont le français, l’anglais et l’allemand, lui permettant de toucher un public international. La jeune auteure a également été invitée à participer à de nombreux festivals littéraires à travers le monde, où elle a pu partager son expérience d’écriture et rencontrer ses lecteurs.

Malgré son succès fulgurant, Eva Björg Ægisdóttir reste une auteure humble et accessible. Elle aime partager son amour de la littérature avec ses lecteurs et n’hésite pas à leur donner des conseils d’écriture. Elle est également très active sur les réseaux sociaux, où elle partage régulièrement des photos de son quotidien et de ses voyages.

Avec « Les filles qui mentent », Eva Björg Ægisdóttir s’est imposée comme une auteure talentueuse et prometteuse dans le paysage littéraire islandais. Son style d’écriture unique, alliant suspense et introspection psychologique, lui a permis de se démarquer et de conquérir un large public. Nul doute que nous entendrons encore parler d’elle dans les années à venir, tant son potentiel semble immense. La jeune auteure islandaise a assurément un bel avenir devant elle et promet de nous offrir encore de belles surprises littéraires.

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Les filles qui mentent Eva Björg Ægisdóttir
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Les thèmes centraux du roman : mensonges, secrets et relations familiales

Dans son premier roman, « Les filles qui mentent », Eva Björg Ægisdóttir explore avec finesse et subtilité plusieurs thèmes universels qui résonnent avec force tout au long du récit. Au cœur de l’intrigue se trouvent les notions de mensonge, de secret et de relations familiales, qui s’entremêlent pour tisser une toile narrative captivante et complexe.

Le mensonge est sans conteste l’un des thèmes centraux du roman. Les personnages, en particulier les personnages féminins, sont régulièrement amenés à mentir, que ce soit pour se protéger, pour protéger leurs proches ou pour dissimuler des vérités difficiles à accepter. Ces mensonges, petits ou grands, ont des conséquences parfois dramatiques sur le cours de l’histoire et sur la vie des protagonistes.

Étroitement lié au mensonge, le thème du secret est également omniprésent dans « Les filles qui mentent ». Chaque personnage semble avoir quelque chose à cacher, un pan de son existence qu’il souhaite garder enfoui. Ces secrets, lorsqu’ils sont révélés, ont un impact dévastateur et remettent en question tout ce que les personnages croyaient savoir sur eux-mêmes et sur leur entourage.

Enfin, le roman d’Eva Björg Ægisdóttir accorde une place centrale aux relations familiales, et en particulier aux liens mère-fille. L’auteure explore avec justesse la complexité de ces relations, faites d’amour et de ressentiment, de complicité et d’incompréhension. Elle montre comment les secrets et les non-dits peuvent gangrener ces relations et conduire à des drames irréparables.

À travers ces trois thèmes principaux, Eva Björg Ægisdóttir parvient à créer une intrigue riche et captivante, qui tient le lecteur en haleine jusqu’à la dernière page. Elle offre une réflexion profonde sur la nature humaine, sur la difficulté à communiquer et à se comprendre, même au sein d’une même famille.

Ce qui frappe dans « Les filles qui mentent », c’est la manière dont l’auteure parvient à entremêler ces thèmes pour en faire une véritable force narrative. Les mensonges, les secrets et les relations familiales ne sont pas traités de manière isolée, mais s’imbriquent les uns dans les autres pour former un tout cohérent et puissant. C’est cette alchimie qui fait toute la réussite du roman et qui en fait une œuvre marquante et inoubliable.

La construction narrative : une intrigue à plusieurs voix

L’une des forces de « Les filles qui mentent » réside dans sa construction narrative originale et ambitieuse. En effet, Eva Björg Ægisdóttir a fait le choix audacieux de construire son intrigue à travers plusieurs voix distinctes, chacune apportant un éclairage différent sur l’histoire et les personnages.

Le récit est ainsi pris en charge par différents narrateurs, qui interviennent à tour de rôle pour livrer leur version des faits. On entend tour à tour la voix d’Elma, la protagoniste principale, mais aussi celles de sa sœur Dagný, de leur mère Adalheidur, ou encore de Hekla, l’adolescente au cœur de l’intrigue. Chacune de ces voix apporte une perspective unique, une pièce supplémentaire au puzzle que le lecteur essaie de reconstituer.

Cette construction polyphonique permet à l’auteure d’explorer en profondeur la psychologie de ses personnages. En donnant la parole à chacun d’entre eux, elle offre au lecteur un accès privilégié à leurs pensées, leurs émotions, leurs doutes et leurs secrets. On découvre ainsi la complexité de ces êtres, leurs contradictions, leurs failles, mais aussi leur humanité.

Mais la multiplicité des voix narratives n’est pas qu’un outil d’exploration psychologique. Elle joue également un rôle clé dans la construction du suspense et la révélation progressive des mystères qui entourent la disparition de Maríanna. Chaque narrateur détient une partie de la vérité, mais aussi ses propres zones d’ombre. Au fil des chapitres, le lecteur rassemble les pièces du puzzle, confronte les différents témoignages, essaie de démêler le vrai du faux.

Il faut saluer la maîtrise avec laquelle Eva Björg Ægisdóttir manie cette construction narrative complexe. Loin de perdre son lecteur, elle parvient au contraire à maintenir une cohérence et une fluidité remarquables tout au long du récit. Les transitions entre les différentes voix sont naturelles et évitent l’écueil de la confusion.

Cette architecture narrative singulière et ambitious constitue indéniablement l’un des points forts de « Les filles qui mentent ». Elle témoigne du talent et de l’audace d’Eva Björg Ægisdóttir, qui n’hésite pas à bousculer les codes traditionnels du polar pour proposer une œuvre originale et captivante. À travers ce choix narratif fort, l’auteure signe un premier roman d’une grande maturité, qui impose d’emblée sa voix singulière dans le paysage du polar nordique contemporain.

La psychologie des personnages féminins : entre fragilité et force

L’un des aspects les plus fascinants de « Les filles qui mentent » réside dans la psychologie complexe et nuancée des personnages féminins. Eva Björg Ægisdóttir excelle dans l’art de dépeindre des femmes à la fois fragiles et fortes, révélant toute la complexité de la nature humaine.

Au cœur du roman se trouve Elma, la protagoniste principale. Officier de police, elle incarne à première vue une figure de force et de détermination. Pourtant, au fil des pages, le lecteur découvre ses fêlures, ses doutes et ses blessures intimes. Marquée par le suicide de son fiancé Davíd, Elma peine à se reconstruire et à retrouver un équilibre. Sa fragilité est palpable, mais jamais elle ne sombre dans le pathétique ou le misérabilisme. Au contraire, elle trouve dans son travail et son obstination la force de continuer à avancer.

Les autres personnages féminins du roman présentent des profils tout aussi riches et ambivalents. Dagný, la sœur d’Elma, semble à première vue l’incarnation de la réussite et de l’assurance. Mais derrière cette façade se cache une femme rongée par la culpabilité et les regrets, incapable de communiquer sincèrement avec sa sœur. Adalheidur, leur mère, porte elle aussi le poids de secrets douloureux qui ont façonné sa personnalité. Tour à tour aimante et distante, elle entretient avec ses filles des relations complexes, faites d’amour et d’incompréhension.

Quant à Maríanna, la mère de Hekla dont la disparition est au cœur de l’intrigue, elle est dépeinte avec une grande finesse psychologique. À travers les bribes de son journal intime qui ponctuent le récit, le lecteur découvre une femme profondément meurtrie par la vie, fragile et perdue, mais qui n’a jamais renoncé à l’amour qu’elle porte à sa fille. Son destin tragique résonne comme un glas tout au long du roman, rappelant la vulnérabilité de ces femmes en apparence si fortes.

Car c’est bien là toute la force du roman d’Eva Björg Ægisdóttir : montrer que fragilité et force ne sont pas antinomiques, mais qu’elles coexistent en chaque être humain. Ses personnages féminins ne sont ni des héroïnes infaillibles, ni des victimes impuissantes. Elles sont profondément humaines, avec leurs contradictions, leurs failles et leurs ressources insoupçonnées.

À travers cette galerie de portraits féminins d’une grande justesse, Eva Björg Ægisdóttir signe une œuvre d’une grande finesse psychologique. Elle rend hommage à la résilience et au courage de ces femmes qui, malgré les épreuves et les blessures, continuent à avancer et à se battre. « Les filles qui mentent » est aussi un roman sur la sororité, sur la force des liens qui unissent les femmes entre elles, par-delà leurs différences et leurs incompréhensions. Un message d’espoir et d’humanité, porté par une écriture d’une grande sensibilité.

L’ambiance du roman : le rôle des paysages islandais

L’un des éléments les plus marquants de « Les filles qui mentent » est sans conteste l’omniprésence des paysages islandais. Loin d’être de simples décors, ils jouent un rôle essentiel dans la construction de l’ambiance si particulière du roman. Eva Björg Ægisdóttir utilise avec brio les spécificités de son île natale pour créer une atmosphère unique, à la fois fascinante et oppressante.

Tout au long du récit, les descriptions de la nature islandaise foisonnent. On y découvre une île aux multiples visages, tour à tour sublime et hostile. Les fjords majestueux côtoient les champs de lave désolés, les glaciers étincelants se dressent au-dessus de plaines balayées par les vents. Cette nature sauvage et indomptée semble refléter l’état d’esprit des personnages, leurs tourments intérieurs et leurs conflits non résolus.

Les paysages islandais contribuent également à instaurer un climat d’isolement et de mystère. Les petites villes reculées où se déroule l’intrigue semblent coupées du monde, comme figées dans le temps. Cette sensation d’éloignement renforce l’impression que quelque chose de terrible s’est produit, que des secrets enfouis menacent de refaire surface. Les grands espaces désertiques qui entourent ces communautés apparaissent comme autant de lieux propices à la dissimulation, où les vérités les plus sombres peuvent rester enterrées à jamais.

Mais plus qu’un simple reflet de l’intériorité des personnages, la nature islandaise s’impose comme une véritable force agissante dans le roman. Elle influence le cours des événements, met à l’épreuve les protagonistes, les pousse dans leurs retranchements. Les conditions météorologiques extrêmes, les tempêtes de neige qui paralysent le pays, les nuits sans fin de l’hiver arctique, tout concourt à créer une ambiance oppressante, presque surnaturelle, où les repères habituels semblent se dissoudre.

Il faut saluer l’art avec lequel Eva Björg Ægisdóttir parvient à faire de l’Islande un personnage à part entière de son roman. Sans jamais tomber dans le cliché ou le folklore, elle restitue avec justesse et poésie l’âme de cette île fascinante. Elle parvient à en saisir toute la complexité, entre beauté stupéfiante et rudesse impitoyable, entre silences infinis et fureurs déchaînées.

Ainsi, « Les filles qui mentent » ne saurait se réduire à une simple utilisation des paysages islandais comme toile de fond. L’auteure va bien au-delà, en faisant de la nature un élément central de son récit, inextricablement lié à l’intrigue et à la psychologie des personnages. Cette symbiose parfaite entre le décor et le drame humain qui s’y joue confère au roman une profondeur et une singularité rares. Une immersion totale dans l’univers islandais, qui happe le lecteur dès les premières pages et ne le lâche plus jusqu’à la dernière ligne.

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Les rebondissements de l’intrigue : l’art du suspense d’Eva Björg Ægisdóttir

L’un des aspects les plus saisissants de « Les filles qui mentent » est sans nul doute la maîtrise avec laquelle Eva Björg Ægisdóttir manie l’art du suspense. Tout au long du roman, l’intrigue est ponctuée de rebondissements et de révélations qui tiennent le lecteur en haleine jusqu’à la toute dernière page. L’auteure parvient à instiller un sentiment de tension permanente, qui va crescendo au fil des chapitres.

Dès les premières pages, le ton est donné avec la découverte du corps de Maríanna, disparue depuis plusieurs mois. Cette macabre trouvaille relance l’enquête qui avait été mise en suspens et ouvre la voie à une série de questionnements et de zones d’ombre. Au fil des interrogatoires et des investigations, les certitudes vacillent et les soupçons se portent tour à tour sur différents personnages, maintenant le lecteur dans un état de doute permanent.

Eva Björg Ægisdóttir excelle dans l’art de distiller les indices et les fausses pistes. Chaque nouveau témoignage, chaque révélation semble apporter une pièce supplémentaire au puzzle, mais vient en même temps brouiller un peu plus les cartes. L’auteure joue avec les attentes du lecteur, le promène sur de fausses routes, le pousse à échafauder des théories qui seront ensuite bouleversées par un nouveau coup de théâtre.

Les rebondissements sont savamment orchestrés, intervenant toujours au moment où l’on s’y attend le moins. Une conversation anodine se révèle soudain lourde de sous-entendus, un détail apparemment insignifiant prend une importance capitale, un personnage jusqu’alors en retrait se retrouve projeté sous les projecteurs. Tout peut basculer en un instant, relançant l’intrigue dans une nouvelle direction et maintenant une tension constante.

Il faut également saluer la construction extrêmement habile de la temporalité dans le roman. En entrecroisant passé et présent, en dévoilant progressivement des éléments antérieurs, Eva Björg Ægisdóttir parvient à maintenir un suspense haletant. Chaque plongée dans le passé de Maríanna ou de sa fille Hekla apporte un nouvel éclairage sur les événements, sans pour autant lever complètement le voile sur le mystère central.

Ce talent de l’auteure pour ménager le suspense et tenir son lecteur en haleine s’affirme comme l’une des grandes forces de « Les filles qui mentent ». On se surprend à dévorer les pages, porté par le désir irrépressible de découvrir enfin la vérité. Et lorsque celle-ci éclate dans les ultimes chapitres, elle s’avère à la hauteur de toutes les attentes, à la fois logique et stupéfiante, donnant son plein sens à tous les événements qui ont précédé. Un final magistral, qui couronne un roman mené de main de maître par une auteure qui maîtrise parfaitement les codes et les ressorts du thriller psychologique. Eva Björg Ægisdóttir signe ici une œuvre d’une efficacité redoutable, qui s’impose d’emblée comme un modèle du genre.

La place du roman dans la vague du polar islandais contemporain

« Les filles qui mentent » s’inscrit dans la lignée des grands polars islandais contemporains qui ont conquis un lectorat international ces dernières années. Depuis le succès retentissant des romans d’Arnaldur Indriðason au début des années 2000, la littérature policière islandaise connaît un véritable âge d’or, portée par une nouvelle génération d’auteurs talentueux. Eva Björg Ægisdóttir fait incontestablement partie de cette vague prometteuse, aux côtés d’écrivains comme Yrsa Sigurðardóttir, Ragnar Jónasson ou encore Lilja Sigurðardóttir.

Comme ses prédécesseurs, Eva Björg Ægisdóttir ancre son intrigue dans la réalité sociale et géographique de l’Islande. Elle dépeint avec justesse les petites communautés isolées, les tensions qui les traversent, les secrets enfouis qui menacent de refaire surface. On retrouve dans « Les filles qui mentent » cette atmosphère si particulière qui fait la singularité du polar islandais : une ambiance oppressante, presque claustrophobe, où la nature omniprésente semble refléter les tourments intérieurs des personnages.

Mais si Eva Björg Ægisdóttir s’inscrit dans l’héritage du polar islandais, elle parvient aussi à s’en démarquer par son approche très personnelle. Son roman se distingue par sa finesse psychologique, son attention portée aux personnages féminins et à leurs relations complexes. Là où beaucoup de polars se concentrent sur l’enquête et les faits, « Les filles qui mentent » accorde une place centrale à l’intériorité des protagonistes, à leurs fêlures et à leurs zones d’ombre.

En cela, le roman d’Eva Björg Ægisdóttir se rapproche davantage du thriller psychologique que du polar traditionnel. L’intrigue policière est ici un prétexte pour explorer les méandres de l’âme humaine, les conséquences des traumatismes enfouis, la complexité des liens familiaux. Une approche qui n’est pas sans rappeler celle de la reine du genre, l’Américaine Patricia Highsmith, dont on retrouve l’influence dans la construction subtile du suspense et la fascination pour les personnages ambigus.

Avec « Les filles qui mentent », Eva Björg Ægisdóttir apporte donc sa touche personnelle à la riche tradition du polar islandais. Elle parvient à en conserver les ingrédients qui ont fait son succès – l’ancrage dans la réalité sociale et géographique de l’île, l’atmosphère oppressante, le sens du suspense – tout en renouvelant le genre par son approche psychologique et son attention portée aux personnages féminins.

Ce faisant, elle s’impose comme l’une des voix les plus prometteuses et originales du polar islandais contemporain. « Les filles qui mentent » n’est pas seulement un grand roman policier, c’est aussi une œuvre littéraire à part entière, portée par une écriture d’une grande finesse et une remarquable acuité psychologique. Un premier roman qui place d’emblée Eva Björg Ægisdóttir parmi les grands noms du polar nordique actuel et augure d’une carrière passionnante à suivre dans les années à venir.

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Maternité et instinct maternel en question

L’un des thèmes centraux qui traverse « Les filles qui mentent » est celui de la maternité et de l’instinct maternel, qu’Eva Björg Ægisdóttir questionne avec une grande finesse tout au long de son roman. À travers les personnages de Maríanna et d’Elma, l’auteure explore les multiples facettes de l’expérience maternelle, ses joies mais aussi ses zones d’ombre, les doutes et les ambivalences qu’elle peut susciter.

Le personnage de Maríanna incarne de façon saisissante les difficultés que peut rencontrer une jeune mère. Devenue maman à seulement 16 ans, elle peine à tisser un lien avec sa fille Hekla, se sent dépassée et inadéquate dans son rôle. Les extraits de son journal intime, qui jalonnent le récit, révèlent une femme profondément meurtrie, rongée par la culpabilité de ne pas parvenir à aimer son enfant comme elle le « devrait ». En creux se dessine une réflexion sur les injonctions sociales qui pèsent sur les mères, sommées d’éprouver un amour inconditionnel et immédiat.

En contrepoint, le personnage d’Elma offre un autre regard sur la maternité. Bien que n’ayant pas d’enfant, elle s’interroge sur son désir d’être mère, sur sa capacité à aimer et à s’occuper d’un petit être. Les doutes qui l’assaillent font écho à ceux de Maríanna, mais s’inscrivent dans un contexte différent, celui d’une femme qui a fait le choix de ne pas avoir d’enfant. À travers elle, Eva Björg Ægisdóttir questionne l’idée reçue selon laquelle toute femme aspirerait naturellement à la maternité.

Plus largement, « Les filles qui mentent » invite à déconstruire le mythe de l’instinct maternel. En montrant des mères imparfaites, ambivalentes, en proie au doute, l’auteure bat en brèche l’idée d’un amour maternel inné et universel. Elle rappelle que la maternité est une expérience unique, complexe, qui peut être source de joie mais aussi de souffrance, et que chaque femme la vit de façon singulière.

Par cette exploration nuancée et sans jugement des différentes facettes de la maternité, Eva Björg Ægisdóttir signe un roman profondément humain et touchant. Loin des clichés et des représentations idéalisées, elle offre un regard d’une grande justesse sur ce que signifie être mère, avec ses moments de grâce mais aussi ses parts d’ombre. Une réflexion nécessaire, qui résonne bien au-delà de l’intrigue policière et confère au roman une dimension universelle.

Réception critique et succès du roman

Dès sa sortie, « Les filles qui mentent » a été salué par la critique islandaise comme un premier roman remarquable. Les recensions élogieuses se sont multipliées dans la presse, saluant unanimement la maîtrise narrative d’Eva Björg Ægisdóttir, sa finesse psychologique et son talent pour créer une atmosphère envoûtante. Les critiques ont été particulièrement sensibles à la justesse avec laquelle l’auteure dépeint les relations familiales et la psychologie des personnages féminins.

Ce succès critique s’est rapidement doublé d’un succès public. « Les filles qui mentent » s’est hissé en tête des ventes en Islande, s’imposant comme l’un des grands succès de librairie de ces dernières années. Le bouche-à-oreille enthousiaste des lecteurs a joué un rôle clé dans ce triomphe, de même que les nombreux prix et distinctions remportés par le roman. En 2020, « Les filles qui mentent » a notamment été couronné du Prix du meilleur roman policier islandais, une reconnaissance prestigieuse qui a définitivement consacré Eva Björg Ægisdóttir comme l’une des nouvelles voix majeures du polar nordique.

Mais le succès de « Les filles qui mentent » ne s’est pas limité à l’Islande. Très vite, les droits de traduction du roman ont été achetés dans de nombreux pays, témoignant de l’intérêt international suscité par le livre. À ce jour, « Les filles qui mentent » a été traduit dans plus de 20 langues, des États-Unis à la Corée du Sud en passant par la France, l’Allemagne ou encore le Brésil. Partout, le roman a été encensé par la critique et plébiscité par les lecteurs, confirmant son statut d’œuvre universelle capable de toucher un large public par-delà les frontières et les différences culturelles.

En France, « Les filles qui mentent » a été publié en 2022 par les éditions de La Martinière dans une traduction de Jean-Christophe Salaün. Là encore, le roman a été unanimement salué par la presse. Les critiques ont loué la construction habile de l’intrigue, l’ambiance étouffante savamment créée par l’auteure et la profondeur de ses personnages. Beaucoup ont comparé Eva Björg Ægisdóttir aux plus grands noms du polar nordique actuel, de Ragnar Jónasson à Yrsa Sigurðardóttir, saluant l’émergence d’une nouvelle voix singulière et puissante dans ce paysage littéraire en plein essor.

Cette réception critique et publique élogieuse, tant en Islande qu’à l’international, témoigne de la réussite éclatante de « Les filles qui mentent ». En l’espace d’un seul roman, Eva Björg Ægisdóttir a réussi à s’imposer comme une auteure incontournable, promise à un brillant avenir. Son talent de conteuse, son sens aigu de l’atmosphère et sa compréhension profonde de l’âme humaine ont séduit lecteurs et critiques, faisant de « Les filles qui mentent » bien plus qu’un simple succès de librairie : un roman appelé à marquer durablement le genre du polar psychologique par son originalité et sa maîtrise impressionnante. Le début d’une œuvre vouée à s’inscrire au panthéon du thriller nordique contemporain.

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Le mot de la fin

Au terme de cette exploration de « Les filles qui mentent », il apparaît clairement que nous sommes en présence d’un roman d’une richesse et d’une profondeur rares. Par son intrigue haletante, ses personnages complexes et son atmosphère envoûtante, le premier opus d’Eva Björg Ægisdóttir s’impose comme un coup de maître, révélant une auteure au talent déjà affirmé et à l’immense potentiel.

Mais « Les filles qui mentent » est bien plus qu’un simple page-turner. C’est aussi un roman qui interroge avec une grande finesse des thèmes universels : les relations familiales, les secrets et les non-dits, la maternité, la résilience face aux traumatismes. Par sa capacité à explorer les méandres de l’âme humaine, Eva Björg Ægisdóttir transcende le genre du polar et hisse son œuvre au rang de la grande littérature.

Ancré dans les paysages sublimes et tourmentés de l’Islande, « Les filles qui mentent » offre également une plongée fascinante dans la réalité sociale et culturelle de cette île singulière. L’auteure parvient à en saisir l’essence profonde, cette atmosphère si particulière où la beauté époustouflante côtoie une rudesse impitoyable, où le poids des secrets semble se tapir derrière chaque porte close.

Avec ce premier roman d’une maîtrise impressionnante, Eva Björg Ægisdóttir s’impose d’emblée comme l’une des voix les plus prometteuses et singulières du polar islandais contemporain. Son écriture ciselée, son sens du suspense et sa remarquable acuité psychologique laissent présager une œuvre riche et passionnante, dont « Les filles qui mentent » n’est que le brillant coup d’envoi.

Nul doute que nous entendrons encore parler d’Eva Björg Ægisdóttir dans les années à venir. Son talent est de ceux qui marquent durablement les esprits et repoussent les limites d’un genre. On ne peut que se réjouir à la perspective des futurs romans de cette auteure si prometteuse, qui a assurément de nombreux chefs-d’œuvre devant elle. « Les filles qui mentent » n’est que le premier jalon d’une carrière qui s’annonce exceptionnelle, et qui ne demande qu’à être suivie avec attention et enthousiasme.

Mots-clés : Polar islandais, Secrets de famille, Maternité, Suspense psychologique, Eva Björg Ægisdóttir


Extrait Première Page du livre

 » Naissance
Les draps blancs me font penser à du papier. Ils bruissent à chaque mouvement, et mon corps entier me démange. Je n’aime pas les draps blancs, pas plus que je n’aime le papier. Quelque chose dans leur texture me répugne. Cette matière rigide qui colle à l’épiderme si fragile. Voilà pourquoi j’ai à peine fermé l’œil depuis que je suis arrivée ici.

D’une teinte presque identique à ce tissu, ma peau évoque ironiquement elle aussi du papier. Fine, blafarde, elle s’étire d’une manière désagréable dès que je bouge. J’ai l’impression qu’elle pourrait se déchirer à tout moment. Des veines bleues apparaissent à travers, et je passe mon temps à me gratter, même si je sais que je ne devrais pas. Mes ongles laissent des sillons rouges, et je me force à arrêter avant que ça saigne. Sinon, les regards des médecins et des sages-femmes seront encore plus sévères – ils le sont déjà suffisamment.

De toute évidence, ils ont quelque chose contre moi.

Je me demande s’ils entrent aussi sans frapper dans les chambres des autres femmes. J’en doute ; on dirait qu’ils attendent que je fasse une bêtise. Ils m’inondent de questions intrusives et ne cessent d’observer mon corps, les cicatrices sur mes poignets, en échangeant des regards graves. Ils s’inquiètent de ma minceur mais je suis trop fatiguée pour leur expliquer que j’ai toujours été comme ça. Je ne me prive pas, j’ai toujours été filiforme, jamais très portée sur la nourriture. D’accord, il m’arrive d’oublier de manger pendant des jours entiers, et je ne m’en rends compte que quand je tremble de faim. Mais ce n’est pas comme si c’était une volonté de ma part. S’il existait une pilule contenant tous les nutriments et calories nécessaires, je l’avalerais sans hésiter.

Enfin, je reste silencieuse en essayant d’ignorer la mine inquisitrice du médecin, avec ses narines qui se dilatent lorsqu’il m’observe. Je crois qu’il ne m’aime pas beaucoup. Surtout depuis qu’on m’a surprise en train de fumer dans la chambre. Tout le monde a réagi comme si j’avais voulu foutre le feu à ce putain d’hôpital, alors que j’avais juste ouvert la fenêtre en grand pour cracher ma fumée dans la nuit. Je ne m’attendais pas à ce que quiconque s’en aperçoive, mais elles ont déboulé à trois ou quatre pour m’ordonner d’éteindre ma cigarette. Contrairement à moi, elles ne voyaient pas ce que la scène avait de drôle. Elles n’ont même pas esquissé un sourire lorsque j’ai jeté mon mégot par la fenêtre et que j’ai levé les mains en l’air comme si on me braquait un pistolet dessus. Je ne pouvais pas m’empêcher de rire. « 


  • Titre : Les filles qui mentent
  • Titre original : Stelpur sem ljúga
  • Auteur : Eva Björg Ægisdóttir
  • Éditeur : Éditions de La Martinière
  • Nationalité : Islande
  • Date de sortie : 2022

Je m’appelle Manuel et je suis passionné par les polars depuis une soixantaine d’années, une passion qui ne montre aucun signe d’essoufflement.


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