Silvia Moreno-Garcia, nouvelle reine du gothique flamboyant venue du Mexique

Mexican Gothic de Silvia Moreno-Garcia

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Silvia Moreno-Garcia, la plume qui réinvente le gothique avec ‘Mexican Gothic’

Paru en France en 2021, « Mexican Gothic » est le sixième roman de l’autrice mexicano-canadienne Silvia Moreno-Garcia. Après des débuts remarqués dans la fantasy et la science-fiction, elle explore cette fois le genre du roman gothique en lui apportant une touche résolument contemporaine et mexicaine. Mêlant horreur psychologique, fantastique et critique sociale, ce page-turner atmosphérique a rencontré un beau succès critique et public.

Silvia Moreno-Garcia, née en 1981 à Tijuana au Mexique, a grandi en dévorant aussi bien la littérature magical realist sud-américaine que les comics de science-fiction et d’horreur américains. Après des études d’anglais à Mexico puis à Vancouver où elle vit désormais, elle se lance dans l’écriture avec des nouvelles remarquées qui lui valent de remporter plusieurs prix (dont le World Fantasy Award). Son premier roman, Signal to Noise, paraît en 2015.

Mexican Gothic marque un nouveau tournant dans sa carrière en la faisant accéder à une reconnaissance internationale. L’idée de ce roman aux accents gothiques lui est venue en discutant avec une amie écrivaine qui trouvait dommage que personne n’ait réussi à transposer intelligemment les codes du roman gothique à l’époque contemporaine. Silvia Moreno-Garcia y a vu un défi stimulant, avec l’envie d’y ajouter sa propre sensibilité et son héritage culturel mexicain.

Le roman se déroule dans le Mexique des années 1950, encore fortement marqué par son passé colonial et des inégalités sociales criantes. Noemi, une jeune bourgeoise délurée de Mexico, se rend dans un lugubre manoir perdu dans les montagnes pour porter secours à sa cousine qui vient de se marier avec un mystérieux aristocrate anglais. L’atmosphère oppressante et les étranges phénomènes qui s’y produisent installent une ambiance à la croisée du gothique et de l’horreur psychologique.

Hommage subtil aux classiques du genre comme Rebecca de Daphne du Maurier ou Les Mystères d’Udolpho d’Ann Radcliffe, le roman s’en démarque néanmoins par son héroïne résolument moderne et émancipée, loin des héroïnes gothiques traditionnelles souvent victimes et passives. De même, le cadre mexicain et les thématiques sociales abordées (exploitation coloniale, eugénisme, place des femmes…) confèrent une résonance inédite au genre.

Encensé par la critique qui a loué son atmosphère envoûtante, ses personnages complexes et son originalité, Mexican Gothic a rencontré un vif succès populaire. Resté plusieurs mois dans la liste des best-sellers du New York Times, le roman a définitivement imposé Silvia Moreno-Garcia comme une voix marquante de la littérature de genre actuelle. Les droits d’adaptation ont d’ores et déjà été achetés par la plateforme Hulu. Plongeon jouissif et maîtrisé dans les codes du gothique, Mexican Gothic les subvertit intelligemment pour offrir une œuvre aussi divertissante que stimulante.

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Mexican Gothic Silvia Moreno-Garcia
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Les principaux personnages et leurs relations

Au cœur de l’intrigue de Mexican Gothic se trouve Noemi Taboada, une jeune femme vive et indépendante issue de la haute société mexicaine des années 1950. Noemi est l’archétype de la jeune bourgeoise émancipée et délurée, plus intéressée par les fêtes, la mode et les garçons que par les conventions sociales étriquées de son époque. Pourtant, derrière cette façade frivole se cache une grande intelligence et une volonté de fer qui lui seront bien utiles face aux mystères de High Place.

Le contrepoint de Noemi est sa cousine Catalina, qui vient d’épouser un riche et mystérieux Anglais, Virgil Doyle, avant de s’installer dans l’inquiétant manoir familial perdu dans les montagnes. Là où Noemi est pétillante et sûre d’elle, Catalina apparaît comme une jeune femme fragile et influençable, prisonnière d’une union qui semble la détruire à petit feu. C’est pour lui venir en aide que Noemi va se rendre à High Place et se retrouver aspirée dans une spirale de secrets et d’horreurs.

La famille Doyle, qui règne sur le domaine décati de High Place, concentre tous les archétypes de la famille gothique torturée et décadente. Le patriarche Howard Doyle, vieillard tyrannique et pervers, hante les lieux de sa présence malsaine. Son fils Virgil, énigmatique et manipulateur, semble cacher de lourds secrets derrière ses manières policées. Quant à Florence, la tante acariâtre, et Francis, le jeune cousin fragile, ils contribuent à installing une ambiance délétère de non-dits et de menaces larvées.

Les relations entre Noemi et les Doyle, d’abord empreintes de méfiance et d’hostilité, vont peu à peu se développer et se complexifier à mesure que la jeune femme découvre les terribles secrets qui se cachent derrière la façade décrépite de High Place. Sa volonté de sauver Catalina va se heurter aux forces obscures qui semblent posséder les lieux et contaminer ses occupants.

D’autres personnages secondaires mais essentiels gravitent autour de ce huis-clos étouffant. Le docteur Camarillo, jeune médecin idéaliste, ou la guérisseuse du village apporteront une aide précieuse à Noemi dans sa quête de vérité. Les domestiques mutiques du manoir participent à l’atmosphère pesante des lieux.

Grâce à des personnages finement dessinés et vvants, Mexican Gothic instille une tension psychologique permanente où les motivations des uns et des autres restent troubles jusqu’au dénouement. La confrontation progressive entre la pétulante Noemi et la noirceur gothique de High Place confère au roman sa mécanique implacable. À travers cette galerie de portraits, Silvia Moreno-Garcia interroge aussi subtilement la société mexicaine de l’époque, son racisme latent et la place accordée aux femmes.

L’atmosphère gothique et horrifique du récit

Dès les premières pages, Mexican Gothic plonge le lecteur dans une ambiance oppressante et inquiétante, parfaitement maîtrisée. Tous les codes du roman gothique sont convoqués avec brio : le manoir délabré perdu dans une nature hostile, l’aristocratie décadente qui y règne, les secrets de famille horrifiques, la jeune héroïne isolée face à des forces qui la dépassent… Loin d’être de simples figures imposées, ces motifs sont détournés et réinventés pour créer un récit d’une troublante modernité.

Le cadre est particulièrement travaillé. Le domaine de High Place, coupé de la civilisation par les montagnes et la brume, apparaît d’emblée comme un lieu maudit, hors du temps. L’autrice excelle à décrire l’atmosphère viciée qui y règne, mélange d’humidité, de moisissure et de vieilles boiseries vermoulues. De la chambre de Noemi remplie d’un épouvantable papier peint aux pièces condamnées du manoir en passant par le cimetière envahi par les champignons, chaque lieu transpire un mal latent et inexplicable qui contamine peu à peu l’héroïne.

Autour de ce huis clos étouffant, la nature est également très présente mais sous son jour le plus hostile et inquiétant. La brume perpétuelle, la forêt sombre et quasi vivante, la terre gorgée de pluie renvoient aux paysages torturés des romans gothiques. Ils reflètent et alimentent le trouble croissant de Noemi, de plus en plus coupée du monde extérieur.

Mais Mexican Gothic va plus loin que la simple ambiance de menace latente. Le roman verse progressivement dans l’horreur pure, avec son lot de visions terrifiantes, de morts violentes et de secrets innommables. La découverte graduelle par Noemi des pratiques abjectes de la famille Doyle, notamment à travers des documents et des cauchemars de plus en plus gore, fait définitivement basculer le récit dans un registre viscéral et brutal, loin de la simple suggestion. Le lecteur, happé par une mécanique parfaitement huilée, assiste à la lente descente aux enfers de l’héroïne, prisonnière d’un engrenage infernal.

Silvia Moreno-Garcia parvient pourtant à ne jamais tomber dans le grand guignol facile. Toute cette horreur, aussi frontale soit-elle, est mise au service d’un propos : montrer la pourriture d’une société gangrenée par le racisme et l’exploitation. Loin d’être gratuites, les visions terrifiantes apparaissent comme la projection cauchemardesque d’une réalité tout aussi atroce. L’autrice réussit le tour de force d’utiliser les codes de la littérature gothique pour radiographier le passé colonial du Mexique et ses répercussions au cœur du XXe siècle.

Au delà de son ingénieux détournement des codes du genre, c’est cette parfaite adéquation entre forme et fond qui fait de Mexican Gothic un modèle de roman atmosphérique. En mêlant habilement l’ambiance classique du récit gothique et une horreur bien plus viscérale et moderne, Silvia Moreno-Garcia signe une oeuvre envoûtante et puissante qui prend aux tripes autant qu’elle stimule l’intellect. Une réussite rare et précieuse.

Les thèmes centraux de l’œuvre

Au-delà de son intrigue haletante et de son atmosphère envoûtante, Mexican Gothic aborde avec une surprenante profondeur plusieurs thèmes qui résonnent avec notre époque. Derrière le voile de la peur et du fantastique, Silvia Moreno-Garcia explore des problématiques aussi diverses que l’identité, l’émancipation féminine, le racisme ou encore l’écologie. Autant de sujets qui confèrent à son roman une portée qui dépasse largement le simple récit d’horreur.

L’un des thèmes centraux de l’œuvre est sans nul doute celui de l’exploitation coloniale et de ses ravages. À travers le domaine décadent de High Place et la famille Doyle qui y règne en maître, l’autrice dresse un portrait glaçant de l’aristocratie anglaise venue s’enrichir au Mexique en exploitant sans vergogne les ressources et la population locale. Les fantômes qui hantent le manoir apparaissent comme la manifestation cauchemardesque des crimes perpétrés par les colons, dont l’influence délétère continue de se faire sentir des décennies plus tard. Une radiographie aussi subtile que glaçante du colonialisme et de son héritage empoisonné.

En contrepoint de cette dénonciation, le roman offre une réflexion passionnante sur l’identité mexicaine et le rapport complexe à ce passé douloureux. À travers le personnage lumineux de Noemi, jeune bourgeoise délurée et affranchie, Silvia Moreno-Garcia dresse le portrait d’un Mexique qui cherche à s’émanciper de l’influence occidentale sans pour autant renier ses racines. Les discussions sur l’eugénisme ou le métissage, habilement intégrées à l’intrigue, donnent à voir toute la complexité d’une société en quête d’elle-même, tiraillée entre tradition et modernité. Une interrogation identitaire qui fait écho aux débats contemporains qui agitent le pays.

L’autrice aborde également avec finesse la question de la place des femmes et de leur émancipation. À travers les trajectoires contrastées de Noemi et de sa cousine Catalina, elle oppose deux visions de la féminité : l’une libre et indépendante, l’autre soumise et aliénée. En faisant de son héroïne une jeune femme cultivée, aventureuse et sexuellement libérée, Silvia Moreno-Garcia bouscule les codes du roman gothique classique et son image de la féminité passive et victimaire. Une manière habile de questionner la place accordée aux femmes dans la société mexicaine des années 1950 et, par extension, d’aujourd’hui.

Autre thème plus discret mais non moins important : celui de l’écologie et du rapport de l’homme à la nature. En faisant de la terre elle-même, contaminée par les champignons et les miasmes toxiques, la source du Mal qui ronge High Place, l’autrice dresse un parallèle saisissant avec les ravages de l’industrialisation débridée et de l’exploitation inconsidérée des ressources naturelles. Une manière de rappeler que les crimes du passé ne restent jamais impunis et que la nature finit toujours par reprendre ses droits, de la plus terrifiante des manières.

Roman gothique magistral qui ravira les amateurs d’atmosphères oppressantes et de frissons, Mexican Gothic se révèle donc à la lecture bien plus dense et profond qu’il n’y paraît. Servi par une écriture ciselée et des personnages minutieusement dessinés, le roman parvient à traiter d’une multitude de sujets sans jamais perdre de sa force narrative. C’est cette capacité à mêler les genres et les niveaux de lecture qui fait toute la richesse de cette œuvre foisonnante. Un tour de force qui confirme le grand talent de Silvia Moreno-Garcia et sa capacité à transcender les codes pour accoucher d’une oeuvre aussi divertissante qu’intelligente.

Le manoir de High Place comme élément central

Le manoir décrépit de High Place, niché au cœur des montagnes brumeuses, n’est pas un simple décor dans Mexican Gothic : il est un véritable personnage à part entière, aussi fascinant que répulsif. Avec un art consommé du détail, Silvia Moreno-Garcia fait de cette demeure austère et labyrinthique le cœur névralgique de son récit, le lieu où convergent tous les fils de l’intrigue. Plus qu’un simple environnement angoissant, High Place incarne physiquement les thèmes du roman et porte en lui les stigmates d’un passé horrible qui ne demande qu’à ressurgir.

Dès l’arrivée de Noemi, le manoir apparaît comme un espace presque vivant, délabré mais chargé d’une présence malsaine. Les descriptions insistent sur la décrépitude des lieux : papiers peints moisis, boiseries vermoulues, amas de champignons… Autant de détails qui installent une atmosphère de pourriture et de décomposition, reflet de la perversion morale de la famille Doyle. L’humidité omniprésente, outre sa dimension symbolique évidente, renvoie aussi aux miasmes toxiques liés à l’exploitation minière, cette activité qui a fait la fortune des propriétaires au mépris de l’environnement et de la population locale.

Mais High Place n’est pas qu’un réceptacle passif de la noirceur humaine : au fil du récit, le manoir semble développer une volonté propre, presque organique. Les couloirs tortueux se transforment en autant de pièges mortels, tandis que les murs eux-mêmes paraissent animés de pulsations malsaines. L’architecture du lieu, avec ses pièces condamnées et ses recoins obscurs, matérialise les secrets innommables de la famille Doyle. On songe à la maison Usher de Poe ou au Manderley de Rebecca, mais Silvia Moreno-Garcia transcende ces références pour faire de High Place un espace proprement cauchemardesque, mouvant et anthropophage.

Le manoir fonctionne également comme une métaphore des rapports de domination, de l’oppression coloniale et patriarcale. Siège du pouvoir des Doyle, il écrase de toute sa masse les figurants que sont les domestiques et, plus largement, la population locale. Véritable État dans l’État, ce bastion gothique incarne un ordre ancien qui continue d’imposer sa loi implacable aux générations futures. À travers le personnage iconoclaste de Noemi, c’est tout un modèle de société qui part à l’assaut de cette forteresse réactionnaire et, à travers elle, de l’héritage du colonialisme.

Silvia Moreno-Garcia fait preuve d’une inventivité remarquable pour faire vivre et évoluer son décor au fil du récit. Le parc du manoir, au départ refuge bucolique pour Noemi, se transforme ainsi progressivement en piège mortel, tandis que son cimetière et ses champignons vénéneux acquièrent un rôle central dans l’intrigue. Chaque recoin de High Place semble cacher une menace, un indice ou une révélation, maintenant constamment le lecteur en haleine. Un véritable coup de maître.

Décor gothique emblématique en même temps qu’incarnation fascinante des thématiques du roman, le manoir de High Place restera comme l’une des créations les plus marquantes de Mexican Gothic. Plus qu’un lieu, Silvia Moreno-Garcia a créé une présence à part entière, presque un organisme vivant, qui hante durablement l’imaginaire bien après la dernière page. Une prouesse esthétique et narrative qui confirme tout le talent de la romancière dans l’art de créer des atmosphères mémorables. Une vraie réussite !

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Les influences littéraires et cinématographiques

Mexican Gothic s’inscrit dans la riche tradition du roman gothique, dont il réactive les codes avec une virtuosité jubilatoire. Silvia Moreno-Garcia rend un hommage appuyé aux maîtres du genre, d’Ann Radcliffe et son Château d’Udolpho à Daphne du Maurier et son cultissime Rebecca. On retrouve dans son récit tous les ingrédients emblématiques : le lieu isolé et inquiétant, les secrets de famille, la jeune héroïne en proie à des forces qui la dépassent… Autant de motifs qui installent d’emblée le lecteur en terrain connu, avant que l’autrice ne s’amuse à en détourner les codes avec un malin plaisir.

Mais les influences de Silvia Moreno-Garcia ne se limitent pas aux seuls romans gothiques et puisent dans tout un imaginaire, de la littérature horrifique au réalisme magique sud-américain en passant par la culture populaire. On songe aux univers vénéneux de H.P. Lovecraft lorsque le récit convoque des puissances obscures tapies dans les profondeurs, ou au village maudit de Dunwich, coupé du monde et gangrené par une dégénérescence endogamique. Les visions hallucinées qui assaillent Noemi et la découverte progressive d’un mal indicible rappellent les nouvelles de Poe ou de Shirley Jackson (on pense à Maison hantée).

Le roman emprunte également aux mythologies précolombiennes, notamment pour sa cosmogonie mêlant le règne végétal à d’ancestrales divinités sanguinaires. En cela, il n’est pas sans évoquer les œuvres de Carlos Fuentes ou de Gabriel García Márquez, chez qui le réel et le surnaturel s’entremêlent jusqu’à ne plus faire qu’un. Les miasmes mortifères qui infectent High Place et la nature environnante rappellent certains contes d’Horacio Quiroga hantés par une nature hostile et vengeresse.

Du côté du cinéma, difficile de ne pas voir dans High Place un écho au Manderley de Hitchcock (Rebecca) ou aux demeures néogothiques qui servent d’écrins à nombre de films d’horreur des années 1960-70. La douce Catalina prisonnière d’un sinistre mari anglais n’est pas sans rappeler la fragile Mia Farrow manipulée par le démoniaque John Cassavetes dans Rosemary’s Baby. Très vite cependant, Silvia Moreno-Garcia s’affranchit de ces références pour imposer sa patte et transformer son héroïne, victime désignée, en puissance d’action et de subversion, à l’image des final girls des slashers.

Mexican Gothic fonctionne ainsi comme une formidable machine à broyer les influences pour mieux les restituer, métamorphosées. Le roman s’apparente à un chaudron bouillonnant où se mêlent références savantes et culture populaire, archétypes littéraires et imaginaires cinématographiques. De ce maelstrom foisonnant, Silvia Moreno-Garcia tire la substantifique moelle pour nourrir une œuvre riche et protéiforme. Tout sonne terriblement juste, des décors aux situations en passant par les personnages, car puisé aux meilleures sources.

C’est tout le talent de la romancière que de transcender ce vaste spectre d’influences pour accoucher d’une œuvre furieusement originale. À la croisée du gothique, de l’horreur et du réalisme magique, Mexican Gothic ouvre de nouvelles et passionnantes perspectives en s’emparant d’un imaginaire familier pour questionner le présent et sublimer des problématiques on ne peut plus actuelles. Un tour de force qui renouvelle en profondeur les codes éculés pour proposer un roman iconoclaste et profondément contemporain. La marque des grandes œuvres !

L’ancrage historique et social du roman

Mexican Gothic se déroule dans le Mexique des années 1950, une période charnière dans l’histoire du pays. Quelques décennies après la révolution mexicaine qui a profondément bouleversé la société, le pays est en pleine mutation, tiraillé entre traditions et aspirations à la modernité. C’est dans ce contexte que Silvia Moreno-Garcia choisit d’ancrer son intrigue, dressant en filigrane un portrait aussi précis que glaçant du Mexique de l’époque.

L’un des aspects les plus frappants est la peinture des inégalités sociales criantes qui structurent le pays. À travers l’opposition entre la riche famille de Noemi, issue de la bourgeoisie México·americaine, et les habitants miséreux du village qui dépendent du bon vouloir des Doyle, l’autrice met en lumière le fossé qui sépare les classes favorisées du reste de la population. Les descriptions de la capitale, avec ses quartiers huppés et ses fêtes fastueuses, contrastent violemment avec la pauvreté qui règne autour de High Place, vestige d’un quasi-féodalisme qui perdure bien après la révolution.

Le roman explore également l’héritage complexe de la colonisation et ses répercussions au cœur du XXe siècle. La mainmise de la famille britannique des Doyle sur la région, de l’exploitation minière aux grands domaines agricoles, renvoie à la domination économique et culturelle exercée par les puissances occidentales, à commencer par les États·Unis. Les réflexions qui émaillent le récit sur le métissage et l’identité mexicaine font écho aux débats qui agitent le pays à une époque où il cherche à s’affirmer politiquement et culturellement face à l’ingérence étrangère.

Silvia Moreno-Garcia n’hésite pas non plus à aborder frontalement la question du racisme et des discriminations. Les théories pseudo scientifiques sur la hiérarchie des races défendues par le patriarche Doyle rappellent les heures les plus sombres de l’eugénisme qui trouvèrent un terreau fertile en Amérique latine. La romancière explore sans fard les préjugés racistes qui imprègnent encore la société mexicaine de l’époque, y compris parmi la bourgeoisie éclairée incarnée par la famille de Noemi. Une radiographie au scalpel d’une société gangrenée par des siècles d’oppression et de domination.

L’émancipation des femmes est un autre thème central du roman, magnifiquement incarné par le personnage de Noemi. Avec sa soif d’indépendance et de liberté, la jeune bourgeoise délurée bouscule les conventions d’une société encore profondément patriarcale. Son refus du mariage de convenance et sa volonté de suivre des études supérieures en font une pionnière, à contre-courant d’une époque où le destin féminin se résume trop souvent au foyer. En contrepoint, le personnage de Catalina, progressivement annihilée par un mari toxique, rappelle le sort de nombreuses femmes prises au piège de structures oppressives.

Mexican Gothic offre ainsi une plongée passionnante dans le Mexique des années 1950, dont il explore toute la complexité avec une étonnante acuité. En quelques traits d’une précision chirurgicale, Silvia Moreno-Garcia parvient à dresser un tableau saisissant des tourments qui agitent une société en pleine mutation. En entrelaçant habilement l’Histoire, les rapports de domination et les destins individuels, la romancière donne à son récit une profondeur et une résonance qui dépassent largement le seul cadre du Mexique. Un modèle d’intelligence et de finesse qui prouve que le genre horrifique, lorsqu’il est manié avec maestria, peut devenir un formidable outil de compréhension du monde. Une vraie leçon de storytelling !

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Le traitement de la place des femmes

Mexican Gothic offre une réflexion passionnante sur la place des femmes dans la société mexicaine des années 1950, une époque encore fortement marquée par le patriarcat et les inégalités de genre. À travers les trajectoires contrastées de ses deux héroïnes, Noemi et Catalina, Silvia Moreno-Garcia explore avec finesse les différents visages de la condition féminine, entre soumission aux diktats sociaux et soif d’émancipation.

Noemi, la pétillante protagoniste, incarne une féminité résolument moderne et affranchie. Jeune bourgeoise éduquée, éprise de fêtes, de mode et de garçons, elle refuse de se conformer aux attentes d’une société qui voudrait la voir mariée et confinée au foyer. Son désir de poursuivre des études supérieures et de mener une vie indépendante fait d’elle une pionnière, bravant les conventions d’une époque encore très corsetée. À travers ce personnage lumineux, Silvia Moreno-Garcia célèbre une féminité conquérante et assumée, affirmant haut et fort son droit à disposer d’elle-même.

En contrepoint, le destin tragique de Catalina illustre le sort de nombreuses femmes broyées par le carcan des traditions. Jeune épouse fragile et influençable, elle se retrouve prisonnière d’un mariage toxique qui l’étouffe et la dévore à petit feu. Sa lente descente aux enfers, sous la coupe d’un mari manipulateur et d’une belle-famille étouffante, renvoie à la réalité de nombreuses Mexicaines de l’époque, piégées dans des unions aliénantes. Une plongée glaçante dans les affres d’une féminité sacrifiée sur l’autel des conventions patriarcales.

Mais la romancière ne se contente pas de dresser ce constat : elle imagine, à travers l’enquête de Noemi, une véritable odyssée émancipatrice. En se lançant à corps perdu dans l’exploration des secrets de High Place pour sauver sa cousine, la jeune femme transgresse la place qui lui est assignée. Pénétrant un univers masculin fait de non-dits et de violences enfouies, elle devient une figure quasi-donquichottesque, à l’assaut des moulins de la domination patriarcale. Une quête identitaire et féministe qui transformera à jamais son regard sur elle-même et sur le monde.

Par son happy end iconoclaste, qui voit l’héroïne triompher des forces de l’oppression, Mexican Gothic s’affirme comme une oeuvre résolument féministe. Dans une relecture subversive des codes du roman gothique, Silvia Moreno-Garcia réinvente la figure de la final girl, non plus simple survivante mais véritable moteur de l’action. Un pied de nez jouissif aux clichés misogynes du genre, qui célèbre la puissance émancipatrice des luttes féminines.

Bien plus qu’un simple ressort narratif, la question de la place des femmes irrigue ainsi le roman tout entier, lui conférant une portée politique indéniable. Par la justesse de son regard et la profondeur de ses personnages féminins, Silvia Moreno-Garcia signe une œuvre résolument engagée qui déconstruit avec une délicieuse férocité les mécanismes de l’oppression patriarcale. Un vibrant plaidoyer pour l’émancipation, porté par une héroïne inoubliable en qui se reconnaîtront toutes les lectrices en quête de liberté. Et une manière éclatante de prouver que le roman d’horreur, lorsqu’il est manié avec intelligence, peut devenir une arme de conscientisation massive. Subversif et jouissif !

L’utilisation d’éléments fantastiques et surnaturels

Si Mexican Gothic s’inscrit résolument dans la veine du roman gothique, il se distingue par un usage singulier et maîtrisé du fantastique et du surnaturel. Loin de se cantonner à un simple vernis horrifique, Silvia Moreno-Garcia utilise ces éléments pour explorer en profondeur les thèmes qui lui sont chers, de l’oppression patriarcale à l’identité mexicaine en passant par les ravages du colonialisme. Une approche originale qui confère à son récit une densité et une puissance rares.

Dès les premières pages, le lecteur est plongé dans une atmosphère étrange où le réel semble progressivement contaminé par une présence inexplicable. Les visions cauchemardesques qui assaillent Noemi, les champignons aux propriétés hallucinogènes qui prolifèrent autour de High Place, les personnages au comportement de plus en plus irrationnel… Autant de motifs qui installent un climat fantastique savamment distillé. Cette montée en puissance du surnaturel, d’abord suggéré puis de plus en plus tangible, créé un sentiment de malaise croissant qui maintient en haleine jusqu’au dénouement.

Mais là où Silvia Moreno-Garcia se montre particulièrement habile, c’est dans la manière dont elle ancre ces éléments fantastiques dans le réel. Loin d’être de simples artifices, ils apparaissent comme le reflet distordu des tourments psychologiques des personnages et des tensions sociales qui travaillent le Mexique de l’époque. Les visions terrifiantes de Noemi renvoient ainsi à l’oppression sourde exercée par le patriarcat, tandis que la maison devient la métaphore organique d’une société gangrenée par des siècles de domination coloniale. Une fusion fascinante du réel et du surréel qui rappelle les grands maîtres du réalisme magique latino-américain.

Cette imbrication étroite, presque inextricable, entre éléments surnaturels et enjeux bien réels atteint son paroxysme dans le dernier tiers du roman. La révélation de la véritable nature des horreurs qui habitent High Place, mêlant culte ancien et manipulation génétique, produit un choc à la fois sur le plan narratif et thématique. En convoquant les mythes précolombiens et leurs divinités sanguinaires, Silvia Moreno-Garcia renoue avec un imaginaire enfoui, fierté d’une mexicanité retrouvée. Mais en y adjoignant les expériences eugénistes menées par les Doyle, elle dénonce aussi avec une rare violence les pires exactions commises au nom de la supposée supériorité de la race blanche. Un mélange détonnant de folklore, de science-fiction et d’horreur pure qui électrise littéralement les derniers chapitres.

En définitive, le fantastique et le surnaturel ne sont jamais convoqués gratuitement dans Mexican Gothic. Chaque élément, du plus discret au plus flamboyant, fait sens et vient enrichir la lecture politique et sociale du récit. Les champignons vampiriques deviennent le symbole d’une terre mexicaine spolié qui cherche à reprendre ses droits ; la folie qui s’empare des Doyle apparaît comme le produit d’une consanguinité aliénante, reflet des pires heures de l’eugénisme ; les pouvoirs de Noemi se lisent comme une réappropriation de son identité de femme et de mexicaine… Un fascinant jeu de miroir entre l’anodin et l’extraordinaire, magnifiquement orchestré par une romancière au sommet de son art.

Par sa manière unique d’entrelacer le trivial et le merveilleux, le réalisme historique et la fiction spéculative, Silvia Moreno-Garcia renouvelle en profondeur les codes éculés du roman gothique. Sous sa plume ciselée, le fantastique se mue en instrument de décryptage du réel, miroir grossissant des maux enfouis qui rongent le corps social. Une magistrale leçon de littérature qui prouve que le surnaturel, lorsqu’il est convoqué avec intelligence, peut devenir le plus précieux des alliés pour donner à voir l’indicible et repenser notre rapport au monde. Vertigineux.

Mexican Gothic, un roman contemporain original

Avec Mexican Gothic, Silvia Moreno-Garcia livre bien plus qu’un simple exercice de style rétro. Si le roman emprunte avec délice aux codes du gothique, il les transcende par un regard résolument contemporain et une approche profondément originale. En mêlant horreur classique, enjeux sociopolitiques et esthétique latino-américaine, l’autrice accouche d’une œuvre protéiforme et inclassable qui ouvre des perspectives passionnantes pour le genre.

Ce qui frappe d’emblée, c’est la manière dont Silvia Moreno-Garcia se réapproprie les figures imposées du roman gothique pour les mettre au service d’un propos on ne peut plus actuel. Le manoir hanté devient le symbole d’une société gangrenée par des siècles d’oppression coloniale et patriarcale ; l’héroïne fragile se mue en jeune femme émancipée à l’assaut des traditions étouffantes ; les spectres qui la hantent incarnent les victimes d’une classe dominante prête à toutes les exactions pour asseoir son pouvoir… Autant de motifs classiques, subtilement détournés pour radiographier le Mexique d’aujourd’hui et, à travers lui, les maux universels que sont le racisme, le sexisme et l’exploitation.

C’est là l’immense force de ce roman : réussir à transcender le pur divertissement pour interroger notre époque et ses démons. Sous ses airs de pageturner maîtrisé, Mexican Gothic explore avec une rare acuité les mécanismes de la domination, la permanence des rapports de classe et de genre, les ravages du colonialisme… Des thématiques brûlantes d’actualité qui irriguent le récit et lui confèrent une profondeur passionnante. Rares sont les œuvres d’horreur qui parviennent à une telle synthèse entre efficacité narrative et puissance politique. Un modèle du genre.

L’autre grande réussite du roman réside dans son identité stylistique singulière, à la croisée des esthétiques. Si l’influence des maîtres du gothique anglo-saxon est palpable, de Poe à Shirley Jackson, Silvia Moreno-Garcia y injecte une sensibilité toute latino-américaine qui transforme la donne. L’intrusion progressive du surnaturel dans un cadre a priori réaliste, les fresques hautes en couleur qui fusionnent le trivial et le merveilleux, la propension à convoquer les mythes et folklores indigènes… Autant de caractéristiques qui évoquent les grands romans du réalisme magique et inscrivent Mexican Gothic dans une tradition proprement sud-américaine. Un métissage ébouriffant qui confère au récit sa saveur si particulière.

C’est sans doute ce refus des étiquettes, cette volonté d’emprunter à tous les imaginaires pour forger une identité propre, qui fait de Mexican Gothic un tel ovni littéraire. En tisser des liens entre des univers a priori éloignés, entre littérature populaire et Grande Littérature, Silvia Moreno-Garcia dynamite joyeusement les frontières et ouvre un espace de tous les possibles. Une œuvre-monde, kaléidoscope foisonnant où se reflètent les problématiques les plus actuelles comme les mythes les plus anciens.

Sans jamais se départir d’un sens aigu du suspense et de l’horreur, Mexican Gothic parvient à s’imposer comme une œuvre protéiforme, aussi passionnante à déchiffrer qu’haletante à dévorer. Un roman qui revisite avec maestria les codes d’un genre a priori figé pour en faire le creuset d’une réflexion aussi originale que nécessaire sur notre époque et ses violences sourdes. Porté par une écriture envoûtante et des personnages d’une sidérante modernité, il prouve que la littérature de genre, lorsqu’elle est maniée avec intelligence, peut être le plus puissant des instruments pour penser le monde et ses tourments. Une véritable leçon de littérature qui impose définitivement Silvia Moreno-Garcia comme l’une des voix les plus singulières et enthousiasmantes du moment. Magistral !

Mots-clés : Gothique, Mexique, Horreur, Féminisme, Colonialisme, Fantastique, Émancipation


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Les fêtes chez les Tuñon se terminaient toujours affreusement tard et, puisque les hôtes appréciaient les bals costumés, il n’était pas rare d’y voir des femmes vêtues en chinas poblanas, avec rubans dans les cheveux et jupe folklorique mexicaine, débarquer en compagnie d’un Arlequin ou d’un cow-boy. Les chauffeurs des invités, plutôt que d’attendre en vain devant la grande maison, avaient adopté diverses stratégies pour passer le temps. Certains gagnaient un stand de rue pour manger des tacos ou bien rendaient visite à la servante d’une maison voisine pour la courtiser aussi délicatement que dans un mélodrame victorien. D’autres formaient un groupe au sein duquel s’échangeaient ragots et cigarettes. Les derniers préféraient faire la sieste. Après tout, ils savaient que personne ne quitterait la fête avant une heure du matin.

Aussi, lorsqu’un couple s’en échappa à 22 heures, la convention implicite vola en éclats. Pis encore, le chauffeur concerné était parti se chercher à manger et manquait donc à l’appel. Le jeune homme du couple en parut fort affligé, ignorant que faire. Il était arrivé à la fête muni d’une tête de cheval en papier mâché, un choix peu approprié dès lors qu’il devait se promener dans la rue avec cet attirail encombrant. Noemí l’avait prévenu qu’elle voulait rafler le prix du meilleur costume à Laura Quezada et à son soupirant, ce qui l’avait poussé à un effort au final déplacé puisque sa cavalière ne s’était pas habillée comme prévu.

Noemí Taboada avait promis de louer un costume de jockey, cravache comprise. Une option censée être à la fois subtile et limite scandaleuse, car elle avait entendu dire que Laura se présenterait déguisée en Ève, avec un serpent enroulé autour du cou. Mais le costume de jockey était trop vilain et lui grattait la peau. Elle s’était donc décidée pour une robe du soir verte à fleurs blanches, sans daigner en avertir son compagnon.

— On fait quoi, maintenant ?

— Il y a une avenue à trois pâtés de maisons, dit-elle à Hugo. On trouvera bien un taxi là-bas. Tu me passes une cigarette ?

— Une cigarette ? Je ne sais même pas où j’ai mis mon portefeuille, rétorqua-t-il en palpant sa veste d’une main. En plus tu en as toujours dans ton sac à main, non ? Ce n’est pas comme si tu étais une miséreuse qui ne pouvait pas s’en payer.

— C’est tellement mieux quand un gentleman offre une cigarette à une femme.

— Là, je ne pourrais même pas t’offrir un bonbon à la menthe. Tu crois que j’ai oublié mon portefeuille à l’intérieur ?

Noemí ne répondit pas. Hugo peina à transporter la tête de cheval sous son bras, au point qu’il faillit l’abandonner en débouchant sur l’avenue. Noemí leva une main élégante pour héler un taxi. Une fois dans la voiture, Hugo put enfin poser la fameuse tête sur la banquette.

— Tu aurais dû me prévenir que je n’avais pas besoin de trimballer ce machin, maugréa-t-il en notant le sourire narquois du chauffeur.

— T’es vraiment mignon quand t’es en colère, dit-elle en ouvrant son sac à main pour extraire un paquet de cigarettes.

Hugo ressemblait à Pedro Infante en plus jeune, ce qui constituait la majeure partie de son charme. Quant au reste – personnalité, statut social et intelligence –, Noemí ne s’en était guère préoccupée. Elle avait l’habitude d’obtenir ce qu’elle voulait et, dernièrement, elle avait voulu Hugo. À présent qu’elle avait suscité son attention, elle allait sans doute le congédier. « 


  • Titre : Mexican Gothic
  • Titre original : Mexican Gothic
  • Auteur : Silvia Moreno-Garcia
  • Éditeur : Bragelonne
  • Nationalité : Mexique
  • Date de sortie : 2021

Page Officielle : silviamoreno-garcia.com


Je m’appelle Manuel et je suis passionné par les polars depuis une soixantaine d’années, une passion qui ne montre aucun signe d’essoufflement.


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