« Ne me remerciez pas » : un thriller psychologique au cœur du monde scientifique

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Ne me remerciez pas de Martial Caroff

Présentation du livre, de l’auteur et du genre policier

« Ne me remerciez pas » est un roman policier de Martial Caroff paru en 2023 aux éditions Fayard. Il s’agit du dernier ouvrage en date de cet auteur prolifique, qui s’est illustré dans des genres aussi variés que la fantasy, la science-fiction, le roman jeunesse et le polar. Martial Caroff, né en 1965, est un écrivain français originaire de Bretagne. Géologue de formation, il travaille comme chercheur au CNRS et enseignant à l’université de Brest. Cette expérience du monde académique et scientifique lui sert de matière première pour nombre de ses intrigues, à commencer par « Ne me remerciez pas ».

Le roman s’inscrit dans le genre du polar procédural et réaliste, mettant en scène une enquête menée par des officiers de police judiciaire. L’intrigue se déroule principalement à Paris, où est implantée la brigade criminelle du 36 quai des Orfèvres, mais aussi en Ardèche et dans la petite ville fictive de Châtenoy-Malaparte. Cette dernière accueille l’Institut européen des études climatiques, au cœur des événements relatés dans le livre. Martial Caroff choisit donc un cadre actuel et un contexte qui lui est familier, celui de la recherche, pour développer une intrigue policière haletante.

Le genre du roman policier, apparu au 19ème siècle, s’articule autour d’une structure récurrente : un crime initial, une enquête jalonnée de rebondissements, des suspects aux motivations troubles, et une résolution finale qui révèle le coupable et ses mobiles. C’est ce canevas classique que Martial Caroff emploie dans « Ne me remerciez pas », tout en l’agrémentant d’une approche résolument contemporaine. L’auteur met en effet l’accent sur le rôle des nouvelles technologies dans les investigations, sans pour autant délaisser l’aspect psychologique, qui demeure essentiel pour percer à jour les rouages d’un crime.

Martial Caroff s’attache à créer des personnages fouillés et contrastés. Du côté des enquêteurs, on découvre une équipe soudée et complémentaire, dirigée par le commandant Paul Varenne et son adjoint Manuel Lerefait dit « Bonboulot ». Les suspects et témoins, quant à eux, évoluent dans le microcosme compétitif et sous pression de l’institut de recherche. Les individus et leurs interactions sont au cœur du récit, qui explore les effets dévastateurs de secrets, rivalités et dissimulations. Derrière la mécanique policière se déploie une véritable étude de mœurs d’un milieu a priori prestigieux, dont l’auteur dévoile les travers avec un réalisme incisif.

Ainsi, « Ne me remerciez pas » de Martial Caroff apparaît comme un polar ambitieux, alliant l’écriture efficace et nerveuse propre au genre avec une volonté de questionner des problématiques ancrées dans le réel. Ce roman, récompensé par le prix du Quai des Orfèvres 2023 – prix fondé en 1946 pour couronner chaque année un roman policier inédit – confirme le talent de l’auteur dans le domaine du polar et sa capacité à renouveler les codes d’un genre par ailleurs très codifié. C’est ce que nous allons nous attacher à montrer dans l’analyse qui va suivre.

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Ne me remerciez pas de Martial Caroff
Des feux dans le froid Martial Caroff
L’école de la mort Martial Caroff
Les Profanateurs Martial Caroff

Résumé de l’intrigue : les meurtres successifs à l’Institut européen des études climatiques

Le roman « Ne me remerciez pas » de Martial Caroff s’ouvre sur un événement troublant : le Pr Jacques Gaubert, éminent chercheur de l’Institut européen des études climatiques (I2EC), s’effondre en plein cours après avoir tenu des propos incohérents. Hospitalisé, il sombre dans un état confusionnel et amnésique avant de décéder quelques jours plus tard. Les analyses révèlent qu’il a été empoisonné par une forte dose d’acide domoïque, une toxine sécrétée par des algues microscopiques et s’accumulant dans les crustacés. L’affaire est confiée à la brigade criminelle du 36 quai des Orfèvres, qui se rend à l’I2EC pour entamer l’enquête.

Les investigations, menées par le groupe du commandant Paul Varenne, mettent en lumière un contexte tendu au sein de l’institut. Gaubert était un personnage arrogant et détesté, prompt à s’attribuer le mérite des travaux de ses collègues. Un article scientifique récent, cosigné par Gaubert et trois autres chercheurs – Isabelle Theil-Eisen, Vincent Béasse et Piera Francalanci – cristallise les tensions. Dans les remerciements de l’article figure un calembour insultant visant Colin Lacourt, un ingénieur avec qui Gaubert entretenait des rapports conflictuels. Lacourt devient rapidement le suspect numéro un.

Mais un nouveau rebondissement vient modifier le cours de l’enquête. Piera, doctorante de Gaubert, révèle aux policiers qu’une lettre compromettante, prouvant que Gaubert avait par le passé harcelé une étudiante, a été déposée sur son bureau. Cette lettre, qui a provoqué sa rupture avec Gaubert, implique Vincent Béasse, nouveau compagnon de Piera. L’affaire se corse quand, quelques jours plus tard, Pauline Josse, directrice de l’I2EC qui avait connaissance de cette lettre, est assassinée à son domicile. Les soupçons se portent alors sur Isabelle Theil-Eisen, proche collaboratrice et amie intime de Pauline.

Isabelle, qui devait se rendre dans le Massif central avec deux étudiants pour une mission de terrain, prend la fuite alors que les policiers viennent l’interpeller. Au terme d’une course-poursuite vertigineuse dans les monts d’Ardèche, elle se jette dans le vide, mettant fin à ses jours. Son suicide semble clore l’affaire et désigner Isabelle comme la coupable des trois morts successives : Gaubert par vengeance professionnelle, Pauline pour la faire taire, et elle-même par remords.

Pourtant, le commissaire Kestner, venu prêter main-forte à ses équipes, nourrit des doutes sur la culpabilité d’Isabelle. Il comprend qu’un quatrième homme, dissimulé dans l’ombre, a orchestré toute l’affaire. Ses soupçons se portent sur Colin Lacourt, le premier suspect un peu vite écarté. Kestner devine que Lacourt utilisait des micros-espions disséminés dans l’institut pour se tenir informé de l’avancée de l’enquête. Il aurait monté un plan machiavélique visant à éliminer Gaubert et piéger successivement Béasse et Theil-Eisen. Une perquisition simultanée chez Lacourt et à l’institut permet de découvrir les micros et de confondre le coupable, mettant un terme à la succession de meurtres qui frappait l’I2EC.

Les personnages principaux : fêlures et ambitions dans l’ombre du crime

Dans « Ne me remerciez pas », Martial Caroff met en scène une galerie de personnages complexes et contrastés, qui évoluent dans deux univers distincts mais amenés à se croiser : celui de la police judiciaire et celui de la recherche scientifique.

Du côté des enquêteurs, le personnage central est le commandant Paul Varenne, chef de groupe à la brigade criminelle de Paris. Quinquagénaire à la silhouette déglinguée et au visage asymétrique, c’est un policier opiniâtre et expérimenté, qui cache une grande finesse psychologique derrière des dehors rustiques. Il est épaulé par son adjoint, le capitaine Manuel Lerefait dit « Bonboulot ». Plus jeune et plus soigné que son supérieur, Lerefait apporte une touche de sophistication à ce duo complémentaire. Deux autres figures viennent compléter l’équipe : le lieutenant Riwan Menguy, expert en nouvelles technologies, et le capitaine Léa Dauverchin, spécialiste des procédures. Enfin, le commissaire Franck Kestner, chef de section à la « Crim' », joue un rôle crucial dans la résolution de l’affaire. Homme élégant et intuitif, il n’hésite pas à se rendre sur le terrain pour épauler ses troupes.

À l’Institut européen des études climatiques gravitent les suspects et les victimes. Au cœur de l’intrigue se trouve le Pr Jacques Gaubert, climatologue renommé mais détesté pour son arrogance et ses méthodes discutables. Son assassinat est le point de départ de l’enquête. Colin Lacourt, ingénieur solitaire et secret, apparaît rapidement comme le suspect idéal : il voue une haine tenace à Gaubert depuis que celui-ci l’a humilié dans les remerciements d’un article scientifique. Vincent Béasse, chercheur séduisant mais en perte de vitesse, est quant à lui impliqué dans un triangle amoureux avec Gaubert et Piera Francalanci, doctorante italienne. Cette dernière, brillante mais fragile, peine à trouver sa place dans ce milieu compétitif. Enfin, Isabelle Theil-Eisen, paléoclimatologue ambitieuse, apparaît tour à tour comme suspecte et victime. Sa relation intime avec Pauline Josse, directrice de l’institut retrouvée assassinée, ajoute une dimension personnelle à l’intrigue.

Ces personnages, campés avec un réalisme saisissant, sont bien plus que des archétypes. Ils possèdent chacun une épaisseur psychologique qui les rend crédibles et attachants, même dans leurs travers. Les relations qui se nouent entre eux, faites d’attirance et de répulsion, de secrets et de non-dits, donnent au récit sa tension et sa profondeur. Martial Caroff excelle à faire vivre cette « fauna » de chercheurs et de policiers, en soulignant leurs contradictions et leurs fêlures. Il les place dans un huis-clos oppressant, où les ambitions scientifiques se mêlent aux pulsions humaines les plus sombres. Sous sa plume, l’institut devient un microcosme à la fois fascinant et inquiétant, un territoire propice à l’éclosion du pire comme du meilleur.

Au fil des chapitres, les masques tombent et les motivations se révèlent. Le lecteur, entraîné dans les méandres d’une intrigue à tiroirs, s’attache à ces personnages qui se débattent dans les filets d’une machination diabolique. La force du roman réside dans cet enchevêtrement des destins individuels, qui donne chair et sens à l’enquête policière. En digne héritier des maîtres du polar, Martial Caroff sait que le crime n’est jamais aussi intéressant que lorsqu’il prend racine dans la complexité de l’âme humaine.

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Le contexte et les thèmes abordés

Le roman « Ne me remerciez pas » de Martial Caroff se déroule dans un contexte bien particulier, celui du milieu universitaire et de la recherche scientifique. Plus précisément, l’intrigue se noue au sein de l’Institut européen des études climatiques (I2EC), un organisme fictif mais vraisemblable, où se côtoient chercheurs, enseignants, doctorants et personnels techniques. En choisissant ce cadre, l’auteur nous plonge dans un univers rarement exploré par la littérature policière, celui de la science en train de se faire. Il en dépeint les enjeux, les tensions et les dérives avec un réalisme qui trahit sa propre expérience du monde académique.

Au-delà de l’enquête criminelle, le roman aborde en filigrane des thématiques qui font écho à des préoccupations contemporaines. La première d’entre elles est la question du changement climatique et de ses conséquences. Les recherches menées à l’I2EC portent en effet sur l’évolution du climat et les paléoenvironnements, domaines hautement stratégiques à l’heure où le réchauffement global est sur toutes les lèvres. Martial Caroff met en lumière les rivalités qui peuvent naître autour de ces sujets brûlants, où les enjeux scientifiques se doublent d’enjeux de pouvoir et de réputation. La course à la publication, la quête effrénée de financements, les guerres d’ego : autant de travers qui gangrènent le monde de la recherche et que l’auteur expose sans concession.

Mais la réflexion de Martial Caroff ne se limite pas à une critique du système académique. À travers les trajectoires de ses personnages, il interroge plus largement la condition humaine et ses zones d’ombre. Le harcèlement, la manipulation, la vengeance : ces thèmes universels trouvent dans le microcosme de l’institut une caisse de résonance saisissante. Les dérives de Jacques Gaubert, chercheur brillant mais prédateur, renvoient à la question du consentement et des abus de pouvoir. Le désarroi de Piera Francalanci, doctorante piégée dans une relation toxique, illustre la difficulté à s’extraire d’un engrenage destructeur. Quant au personnage de Colin Lacourt, il incarne la figure ambivalente du justicier, prêt à tout pour réparer une humiliation et rétablir sa vérité.

Car c’est bien de vérité qu’il est question dans ce roman. Vérité scientifique, d’abord, que les chercheurs tentent d’approcher à travers leurs travaux et leurs expérimentations. Mais aussi vérité humaine, celle qui se cache derrière les apparences et les faux-semblants. Tout l’art de Martial Caroff est de montrer que ces deux quêtes sont intimement liées, et que le mensonge, la trahison ou la dissimulation peuvent contaminer aussi bien les relations interpersonnelles que les résultats de recherche. Dans « Ne me remerciez pas », la science n’est jamais déconnectée des passions humaines qui l’animent. Elle en est même le révélateur, le catalyseur.

Ainsi, par-delà les péripéties d’une intrigue policière haletante, ce roman offre une plongée dans les arcanes de la recherche et une méditation sur la part d’ombre qui sommeille en chacun de nous. Le contexte scientifique, loin d’être un simple décor, devient le terreau d’une réflexion plus vaste sur l’ambition, le désir, la morale. Martial Caroff réussit le pari de faire dialoguer les enjeux les plus actuels avec les ressorts les plus intemporels du genre humain. C’est ce qui donne à son polar une profondeur et une résonance qui dépassent le simple divertissement. Sous couvert d’une enquête criminelle, « Ne me remerciez pas » nous parle de nous, de notre rapport au savoir et au pouvoir, de nos grandeurs et de nos faiblesses. Un tour de force romanesque qui n’appartient qu’aux grands auteurs.

Une construction classique de roman policier

Si « Ne me remerciez pas » de Martial Caroff se distingue par son contexte original et ses thématiques actuelles, il n’en reste pas moins un roman policier qui respecte les codes du genre. L’auteur s’appuie en effet sur une construction narrative classique, éprouvée depuis les origines du polar au 19ème siècle. Cette architecture repose sur quelques piliers immuables : un crime initial qui bouleverse l’ordre établi, une enquête jalonnée de rebondissements, une galerie de suspects aux motivations troubles, et un dénouement qui vient révéler la vérité et rétablir une forme de justice.

Dans le roman de Martial Caroff, le crime inaugural est l’empoisonnement du Pr Jacques Gaubert, figure éminente mais controversée de l’Institut européen des études climatiques. Cette mort suspecte, qui intervient dès les premières pages, constitue le point de départ de l’intrigue et le déclencheur de l’enquête. Comme souvent dans le polar, ce meurtre n’est que la partie émergée de l’iceberg, le symptôme d’un mal plus profond qui ronge la communauté scientifique. Au fil des investigations, d’autres secrets vont être mis au jour, d’autres drames vont se nouer, révélant un écheveau de rivalités, de mensonges et de manipulations.

L’enquête, menée tambour battant par les officiers du 36 quai des Orfèvres, progresse au rythme des indices découverts, des témoignages recueillis et des intuitions des enquêteurs. Martial Caroff dose habilement les phases d’action et les moments de réflexion, alternant scènes de terrain et séances de brainstorming. Les pistes se brouillent, les certitudes vacillent, les soupçons se déplacent d’un personnage à l’autre. Chaque nouveau rebondissement vient relancer la machine narrative, tenir le lecteur en haleine jusqu’à la résolution finale. On retrouve ici le principe du « page-turner », cher aux amateurs de polars : l’art de susciter une addiction à la lecture, un désir irrépressible de connaître la suite.

Cette mécanique bien huilée s’appuie sur une distribution des rôles savamment orchestrée. Autour des enquêteurs gravitent une constellation de suspects, chacun ayant un mobile plausible et l’opportunité de commettre le crime. L’ingénieur Colin Lacourt, génie solitaire humilié par Gaubert. Vincent Béasse, chercheur en perte de vitesse et rival amoureux de la victime. Piera Francalanci, doctorante brillante mais sous emprise. Isabelle Theil-Eisen, climatologue ambitieuse prête à tout pour garder ses secrets. Autant de figures ambivalentes, dont les faux-semblants et les non-dits alimentent le mystère et les supputations. Le lecteur, entraîné dans ce jeu de pistes, oscille entre sympathie et méfiance, adhésion et soupçon.

Jusqu’au dénouement, pièce maîtresse du dispositif. C’est le moment de la révélation, celui où les masques tombent et où la vérité éclate au grand jour. Chez Martial Caroff, ce climax prend la forme d’un coup de théâtre magistral, qui vient bouleverser la donne et récompenser la sagacité du lecteur – ou au contraire le prendre totalement à contre-pied. La résolution de l’énigme s’accompagne d’une explication détaillée, où tous les fils de l’intrigue sont démêlés, où chaque zone d’ombre est éclairée. C’est le triomphe de la raison sur le chaos, de la lumière sur les ténèbres. Une catharsis romanesque qui vient clore le récit et apaiser les tensions.

Ainsi, « Ne me remerciez pas » s’inscrit pleinement dans la tradition du roman policier tout en la renouvelant par son ancrage contemporain. Martial Caroff prouve qu’il est possible de respecter les codes du genre sans les figer, de jouer avec les attentes du lecteur sans les décevoir. Sa maîtrise des rouages narratifs lui permet de construire une intrigue solide et haletante, qui tient en équilibre jusqu’à la dernière page. Une performance d’autant plus remarquable qu’elle s’appuie sur une écriture ciselée et une analyse aiguë des ressorts de l’âme humaine. Preuve que le polar, loin d’être un genre mineur ou formaté, peut atteindre une forme d’excellence littéraire quand il est porté par un auteur de talent.

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Le rôle central des nouvelles technologies

Dans « Ne me remerciez pas », Martial Caroff offre une plongée captivante dans l’univers de la police scientifique du 21ème siècle. Loin des clichés du flic solitaire et intuitif, l’auteur met en scène une enquête qui s’appuie largement sur les nouvelles technologies et les outils numériques. Ce choix narratif, loin d’être anecdotique, contribue à ancrer le récit dans une réalité contemporaine et à renouveler les codes traditionnels du polar.

Au cœur de ce dispositif high-tech se trouve le personnage du lieutenant Riwan Menguy, véritable geek au service de la justice. Ce jeune policier breton, expert en informatique et en télécommunications, incarne à lui seul la modernisation des méthodes d’investigation. Avec ses doigts de fée et son savoir-faire technologique, il parvient à extraire des informations cruciales des ordinateurs, des téléphones et des réseaux sociaux. Ses compétences, qui forcent le respect de ses coéquipiers plus traditionnels, s’avèrent déterminantes à plusieurs reprises pour faire progresser l’enquête.

L’un des fils rouges du roman est justement la traque d’un mystérieux téléphone portable, qui semble détenir la clé de l’énigme. Ce smartphone fantôme, introuvable mais régulièrement utilisé, cristallise tous les enjeux de l’investigation. Pour remonter jusqu’à lui, Menguy et ses collègues vont devoir exploiter toutes les ressources de la technologie moderne : géolocalisation, traçage des appels, analyse des données de connexion. Un véritable travail de fourmi numérique, qui tient autant du casse-tête que du jeu de piste. Au fil des chapitres, le lecteur est entraîné dans les arcanes de ce labyrinthe virtuel, où chaque nouvel indice peut faire basculer l’enquête.

Mais la technologie n’est pas seulement l’apanage des forces de l’ordre. Elle est aussi l’arme du crime, le levier par lequel le coupable parvient à manipuler son entourage et à brouiller les pistes. C’est notamment le cas avec les micros-espions GSM, ces petits dispositifs d’écoute dissimulés dans les locaux de l’Institut européen des études climatiques. Grâce à ces mouchards high-tech, reliés à une application sur son téléphone, le criminel peut suivre en temps réel les conversations de ses collègues et les avancées de l’enquête. Un stratagème redoutable, qui lui permet de garder un coup d’avance sur les policiers et d’adapter son plan au gré des événements.

Au-delà de son rôle dans l’intrigue, cette omniprésence de la technologie contribue à dessiner un portrait saisissant de notre société hyperconnectée. Martial Caroff montre comment le numérique, en abolissant les frontières entre sphère privée et sphère publique, en démultipliant les possibilités de surveillance et de contrôle, transforme en profondeur nos modes de vie et nos rapports humains. Dans l’univers de « Ne me remerciez pas », nul n’est à l’abri d’un piratage, d’une fuite de données ou d’une intrusion dans son intimité numérique. Une réalité troublante, qui fait écho aux préoccupations actuelles sur la protection des données personnelles et le droit à la vie privée.

Ainsi, loin d’être un simple gadget romanesque, le rôle central des nouvelles technologies dans « Ne me remerciez pas » participe pleinement de la réussite et de l’originalité du roman. En intégrant avec finesse et crédibilité ces outils à son intrigue, Martial Caroff parvient à renouveler les codes du polar sans les dénaturer. Il prouve que la technologie, loin d’être un frein à la narration, peut au contraire servir de formidable moteur pour dynamiser le récit et explorer de nouveaux territoires. Une prouesse qui témoigne de la capacité de l’auteur à saisir l’air du temps et à en faire la matière même de son œuvre.

Les lieux de l’intrigue

Dans « Ne me remerciez pas », les lieux de l’intrigue ne sont pas de simples décors plantés çà et là pour agrémenter l’action. Ils participent pleinement de l’atmosphère du roman, de sa tension dramatique, de sa profondeur psychologique. Martial Caroff excelle à faire de l’espace un acteur à part entière de son récit, un révélateur des enjeux et des caractères. Que ce soit à Paris, dans la ville fictive de Châtenoy-Malaparte ou dans les monts d’Ardèche, chaque lieu est porteur de sens et d’émotion, chaque décor devient un territoire à déchiffrer.

Le cœur de l’intrigue se situe à l’Institut européen des études climatiques (I2EC), un campus de recherche ultramoderne niché dans la périphérie parisienne. Cet espace clos et labyrinthique, tout en courbes et en couloirs, fonctionne comme un huis-clos oppressant, un microcosme où se jouent des drames intimes et des rivalités féroces. Martial Caroff restitue avec un réalisme saisissant l’ambiance feutrée des bureaux, le silence aseptisé des laboratoires, la promiscuité forcée des salles de réunion. Dans cet univers confiné, où chacun épie et jauge l’autre, où les secrets et les non-dits s’accumulent comme autant de strates géologiques, le malaise et la tension sont palpables. Le bâtiment lui-même, avec ses recoins et ses zones d’ombre, semble receler une part de mystère, comme si l’architecture moderniste dissimulait des pièges et des dédales.

En contrepoint de cet espace intérieur se déploient les paysages urbains de Paris et de sa banlieue. La capitale apparaît dans le roman comme une ville grise et morose, écrasée par un ciel bas et une pluie lancinante. Les descriptions de Martial Caroff, tout en nuances de gris et de bleu, restituent avec poésie cette atmosphère crépusculaire, cette mélancolie diffuse qui imprègne les rues et les monuments. Le 36 quai des Orfèvres, avec ses bureaux vétustes et ses couloirs interminables, devient l’incarnation même de cette ville-palimpseste, où les traces du passé se mêlent aux pulsations du présent. Quant à la ville fictive de Châtenoy-Malaparte, théâtre de l’enfance et de la vie privée des protagonistes, elle apparaît comme un concentré de petite bourgeoisie provinciale, avec ses pavillons proprés et ses jardinets bien taillés. Un décor en trompe-l’œil, dont la tranquillité apparente masque des drames intimes et des secrets de famille.

Mais c’est peut-être dans les paysages sauvages d’Ardèche que la maestria descriptive de Martial Caroff atteint son apogée. Les monts du Vivarais, avec leurs reliefs tourmentés et leurs forêts impénétrables, deviennent le théâtre d’une course-poursuite haletante, d’une traque à l’homme qui tient autant du western que du polar. Les descriptions de l’auteur, ciselées et expressives, restituent avec force la beauté minérale de ces paysages, leur caractère à la fois sublime et menaçant. Les routes sinueuses qui serpentent au bord des précipices, les torrents déchaînés qui charrient des troncs d’arbres, les grottes sombres qui trouent les parois rocheuses : autant de motifs qui traduisent la noirceur et la violence des âmes, le vertige existentiel qui saisit les personnages. Dans ces décors grandioses et hostiles, la nature semble se faire le miroir des tourments intérieurs, l’écho des passions qui ravagent les cœurs.

Ainsi, par la grâce de son écriture, Martial Caroff parvient à transmuter les lieux de l’intrigue en véritables personnages romanesques. Paris et sa banlieue, l’Institut de recherche, les monts d’Ardèche : chaque espace devient un acteur à part entière du drame, un révélateur des enjeux psychologiques et symboliques qui sous-tendent le récit. Cette attention portée aux décors, cette capacité à faire de l’espace un vecteur d’émotion et de sens, est l’une des grandes forces de « Ne me remerciez pas ». Elle témoigne de la volonté de l’auteur d’ancrer son intrigue dans un réel à la fois précis et poétique, de donner chair et matière aux tourments de ses personnages. Une réussite qui hisse le roman bien au-delà du simple divertissement, pour en faire une véritable expérience littéraire et sensorielle.

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La psychologie des personnages

Au-delà de son intrigue policière haletante, « Ne me remerciez pas » de Martial Caroff est avant tout un roman sur la complexité de l’âme humaine. L’auteur excelle à sonder les tréfonds de la psyché de ses personnages, à explorer leurs zones d’ombre et leurs contradictions. Chaque protagoniste, qu’il soit enquêteur, suspect ou victime, est doté d’une épaisseur psychologique qui le rend à la fois unique et universellement humain.

Le personnage de Colin Lacourt, ingénieur solitaire et introverti, est sans doute celui qui incarne le mieux cette ambivalence fascinante. Derrière ses airs de doux rêveur se cache une personnalité complexe et tourmentée, rongée par un profond sentiment d’injustice et un désir obsessionnel de revanche. La vengeance qui anime Lacourt n’est pas seulement une pulsion destructrice ; elle est aussi, paradoxalement, une quête de reconnaissance et de dignité. En orchestrant son plan machiavélique, en manipulant son entourage avec une habileté diabolique, Lacourt cherche avant tout à prouver sa valeur, à affirmer sa supériorité intellectuelle sur ceux qui l’ont humilié et méprisé. Son génie criminel est indissociable de sa souffrance intime, de cette blessure narcissique qui le ronge comme un acide.

Mais Lacourt n’est pas le seul personnage à être mû par des motivations profondes et ambiguës. Chaque acteur de ce drame possède sa part d’ombre et de lumière, ses failles et ses aspirations secrètes. Le professeur Jacques Gaubert, brillant climatologue au charisme magnétique, dissimule derrière ses airs de conquistador une fragilité insoupçonnée, une peur panique de l’échec et du déclassement. Son arrogance, sa propension à écraser ses rivaux et à s’accaparer le travail de ses subordonnés, sont autant de béquilles pour un ego hypertrophié, constamment menacé d’effondrement.

De même, la relation toxique qui unit Gaubert à Piera Francalanci, sa doctorante et maîtresse, ne se réduit pas à un simple rapport de domination et d’emprise. Elle révèle, en creux, la solitude et la vulnérabilité de ces deux êtres, leur incapacité à nouer des liens authentiques et apaisés. Piera, brillante chercheuse dont la carrière est entravée par son statut de femme et d’étrangère, trouve en Gaubert un mentor et un amant, mais aussi un bourreau et un manipulateur. Leur liaison, tissée de dépendance et de ressentiment, de désir et de haine, jette une lumière crue sur les rapports de pouvoir qui gangrènent le monde académique.

Quant à Isabelle Theil-Eisen, la maîtresse de Pauline Josse injustement accusée du meurtre de sa compagne, elle incarne de manière saisissante le poids des non-dits et la tyrannie du secret. Son homosexualité refoulée, sa double vie minutieusement compartimentée, son obstination à porter un masque social, sont autant de symptômes d’un mal-être profond, d’une incapacité à assumer son identité et ses choix. Son suicide, à la fin du roman, apparaît comme l’ultime acte d’une tragédie intime, le point d’orgue d’une existence minée par le mensonge et la clandestinité.

Face à ces personnages aux abîmes vertigineux, les enquêteurs du 36 quai des Orfèvres font presque figure de rocs inébranlables, de phares dans la tempête. Pourtant, eux aussi sont habités par leurs doutes et leurs démons. Le commandant Paul Varenne, sous ses airs bourrus et ses intuitions fulgurantes, cache une sensibilité à fleur de peau, une empathie profonde pour la souffrance d’autrui. Son adjoint Manuel Lerefait, dit « Bonboulot », compense son manque d’assurance par une rigueur obsessionnelle, un souci maladif du détail et de la procédure. Quant au commissaire Franck Kestner, véritable mentor de l’équipe, il doit son flair légendaire à une connaissance intime des ressorts de l’âme humaine, à une capacité unique à se mettre à la place des suspects et des victimes.

Ainsi, par la finesse de sa caractérisation et la profondeur de ses analyses psychologiques, Martial Caroff hisse son intrigue policière au rang de véritable roman d’introspection. Chaque personnage devient le prisme d’une réflexion sur la part d’ombre qui sommeille en chacun de nous, sur les mécanismes secrets qui gouvernent nos actes et nos pensées. En explorant les méandres de la psyché de ses protagonistes, en sondant leurs failles et leurs contradictions, l’auteur nous invite à questionner nos propres certitudes, à interroger la frontière ténue qui sépare le bien du mal, la vérité du mensonge. Une invitation troublante et fascinante, qui fait toute la richesse et la singularité de ce roman.

Un Polar au-delà du Suspense : L’Exploration de l’Âme Humaine par Martial Caroff

Au terme de cette analyse, il apparaît clairement que « Ne me remerciez pas » de Martial Caroff est bien plus qu’un simple polar à suspense. C’est un roman ambitieux et exigeant, qui parvient à conjuguer avec brio les codes du genre policier et une réflexion profonde sur la nature humaine. En ancrant son intrigue dans un milieu rarement exploré par la littérature criminelle – celui de la recherche scientifique – l’auteur renouvelle en profondeur les thèmes et les enjeux du polar traditionnel.

L’une des grandes forces du roman réside sans conteste dans la construction de ses personnages. Loin des stéréotypes et des figures imposées, Martial Caroff donne vie à des êtres complexes et ambivalents, dont les failles et les contradictions sont explorées avec une finesse psychologique remarquable. Qu’il s’agisse de Colin Lacourt, le génie solitaire rongé par la rancoeur, de Jacques Gaubert, le chercheur arrogant et manipulateur, ou d’Isabelle Theil-Eisen, la maîtresse tourmentée par ses secrets, chaque protagoniste est doté d’une épaisseur et d’une singularité qui en font un véritable caractère de roman. Cette attention portée à la psychologie et aux motivations des personnages confère à l’intrigue une profondeur et une densité émotionnelle rares dans le genre policier.

Autre atout majeur de « Ne me remerciez pas » : la maîtrise stylistique de son auteur. Martial Caroff fait montre d’une plume précise et évocatrice, capable de susciter des images et des sensations avec une économie de moyens remarquable. Ses descriptions, qu’elles portent sur les paysages urbains de Paris, les méandres de l’Institut de recherche ou les reliefs escarpés de l’Ardèche, sont autant de petits bijoux de poésie réaliste, qui donnent à voir et à ressentir l’atmosphère si particulière de ces lieux. Son écriture, tout en retenue et en subtilité, parvient à instiller un sentiment diffus de malaise et de tension, une impression de menace sourde qui imprègne chaque page du roman.

Sur le plan de la structure narrative, « Ne me remerciez pas » se révèle d’une efficacité redoutable. Martial Caroff manie avec virtuosité les codes du suspense et du rebondissement, distillant les indices et les fausses pistes avec un art consommé du timing et de l’ellipse. Chaque chapitre se clôt sur une révélation ou une question qui relance la machine narrative, tenant le lecteur en haleine jusqu’à la résolution finale. Cette maîtrise des rouages du polar classique n’empêche pas l’auteur de prendre des libertés et d’innover, notamment dans le traitement de la technologie et de ses implications dans l’enquête. Loin d’être un simple gadget, l’omniprésence du numérique et des outils high-tech devient un véritable enjeu du roman, qui interroge notre rapport ambivalent au progrès et à la modernité.

Mais la réussite de « Ne me remerciez pas » tient avant tout à sa capacité à transcender le simple divertissement pour proposer une réflexion exigeante sur la condition humaine. Sous couvert d’une intrigue policière, Martial Caroff explore des thèmes universels et troublants : la solitude et le ressentiment, la quête de reconnaissance et de pouvoir, la part d’ombre qui sommeille en chacun de nous. Son roman est une plongée dans les abîmes de l’âme, une exploration sans concession des ressorts les plus sombres de la psyché. En sondant les motivations de ses personnages, en révélant la complexité de leurs relations et de leurs désirs, l’auteur nous renvoie à nos propres contradictions, à notre propre ambivalence face au mal et à la violence.

Certes, on pourra regretter quelques longueurs dans les passages les plus technologiques, où l’accumulation de détails techniques peut parfois freiner le rythme du récit. On pourra aussi discuter le choix de certains ressorts narratifs, comme le recours à des flash-back ou à des changements de point de vue, qui peuvent brouiller la linéarité de l’intrigue. Mais ces quelques faiblesses ponctuelles ne sauraient remettre en cause la réussite globale du roman, qui s’impose comme une œuvre majeure et singulière dans le paysage du polar contemporain.

Car au-delà de ses qualités proprement littéraires, « Ne me remerciez pas » est aussi un formidable outil de réflexion sur le genre policier lui-même. En jouant avec les codes et les attentes du lecteur, en injectant dans la trame narrative des questionnements philosophiques et psychologiques, Martial Caroff ouvre de nouvelles perspectives pour le polar du XXIe siècle. Il démontre que le genre, loin d’être figé dans des conventions immuables, peut au contraire s’enrichir de problématiques inédites et d’enjeux proprement contemporains. Sous sa plume, le polar devient un instrument d’exploration du réel, un moyen de sonder les zones d’ombre de notre société et de notre psyché.

En cela, « Ne me remerciez pas » apparaît comme un roman à la fois profondément ancré dans son époque et porteur d’une ambition universelle. Par sa capacité à renouveler les codes du genre tout en proposant une réflexion exigeante sur la nature humaine, il s’inscrit dans la lignée des grands romans policiers qui ont su transcender leur statut de divertissement pour accéder au rang d’œuvres littéraires à part entière. Un accomplissement rare et précieux, qui confirme le talent singulier de Martial Caroff et sa place de choix parmi les maîtres du polar français contemporain.


Extrait Première Page du livre

 » Prologue
Vendredi 23 mars
14 h 35
Soudain, le silence dans la petite salle.

Des épaules se haussèrent, des sourires s’échangèrent, se muèrent en soupirs. Les étudiants ne connaissaient que trop les effets de manches de Jacques Gaubert en vue d’accrocher l’attention de son public. D’effet, en réalité, ça leur en faisait de moins en moins. Aux garçons, du moins. Non que les cours ou les conférences de cet enseignant ne fussent appréciés, mais quel besoin de les ponctuer de ces interruptions intempestives, puérils suspenses agrémentés de grimaces et de gestes figés ?

Sacré comédien, va !

Encore dix secondes et les traits de Jacques Gaubert reprirent vie. L’homme redevint ce professeur à la voix veloutée, dont le beau visage de quadragénaire – un peu jaune aujourd’hui – parvenait à reproduire d’un cours à l’autre le miracle de la multiplication des auditrices.

— Je viens de vous décrire les caractéristiques d’une oscillation climatique majeure datée du pliocène, poursuivit-il enfin, et vous avez pu noter à quel point ses prémices sont semblables à celles qui, de nos jours, annoncent les fameux bouleversements dont la presse nous assomme. Le message laissé par les diatomites est formel : parmi les importantes variations enregistrées dans les archives climatiques de la Terre, il y a eu un précédent quasi similaire à ce que nous connaissons aujourd’hui. Un précédent aux causes naturelles !

— Doit-on vous ranger parmi les climatosceptiques ? le défia un étudiant aux mèches agressives.

— Ne croyez pas cela ! répliqua l’enseignant, de plus en plus jaune et suant. Le climat est en train de changer, c’est incontestable, et il n’est pas question ici d’amoindrir la responsabilité des activités humaines. Je veux simplement attribuer à la Nature la part… (il se massa l’estomac en grimaçant de douleur) la part qui lui est due… (Il marqua un long temps d’arrêt qui, cette fois, ne semblait pas être calculé.) Excusez-moi, je ne sais pas ce qui… « 


  • Titre : Ne me remerciez pas
  • Auteur : Martial Caroff
  • Éditeur : Fayard
  • Nationalité : France
  • Date de sortie : 2023

Page Officielle : www.martial-caroff.fr
Le 08 novembre 2023 : remise du Prix du Quai des Orfèvres 2024 au 36, rue du Bastion, Paris 17e.


Je m’appelle Manuel et je suis passionné par les polars depuis plus de 60 ans, une passion qui ne montre aucun signe d’essoufflement.


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